(Cincu) Au pied des Carpates, la base militaire roumaine de Cincu ressemble à une fourmilière. Installation de baraquements ou manœuvres d’entraînement : des soldats français, belges ou néerlandais, déployés après l’invasion russe de l’Ukraine fin février, s’affairent.

Dans ce pays à l’avant-poste de l’OTAN, la guerre a eu un effet accélérateur, entre intensification des missions de l’Alliance atlantique et projets de modernisation de l’armée.

Dès le début du mois de mars, un millier d’Américains sont venus renforcer les troupes dans la localité de Mihail Kogalniceanu, sur les rives de la stratégique mer Noire, tandis que d’autres affluaient à Cincu, dans le centre.

Sur ce site que l’AFP a pu visiter la semaine dernière, 400 hommes sont actuellement à l’œuvre avec l’ambition de porter la capacité d’accueil à plus de 1000 d’ici la fin de l’année.

« Prêts à combattre ensemble »

Quelques mois après leur déploiement en urgence, ils ont pris leurs marques et la mission a été pérennisée. L’opération Aigle, placée sous commandement français, vise à renforcer dans la durée la défense du flanc oriental de l’OTAN.

Sous la supervision du colonel Christophe Degand du 8e RPIMA, un régiment de parachutistes originaire de Castres (sud de la France), plusieurs unités effectuent ce matin-là un exercice d’assaut en milieu urbain.  

« L’objectif est de s’entraîner le plus souvent possible pour améliorer la communication entre les différentes nations et la maîtrise opérationnelle des équipements étrangers », explique-t-il.

« Nous montrons que nous sommes unis et prêts à combattre ensemble, c’est notre stratégie de dissuasion » face à Moscou, ajoute le colonel Ciprian Galica, chef d’état-major roumain d’une division de l’OTAN.

Tandis que les unités d’infanterie se préparent à la guerre dite de « haute intensité », les troupes du génie s’activent pour aménager la base.

Il s’agit d’installer plus de 200 containers arrivés du Mali — dont la France s’est retirée en août — pour héberger les futurs occupants.

On finit aussi les travaux d’un atelier de maintenance des véhicules et d’un dépôt qui abritera tous les types de munitions nécessaires à la mission.

« Electrochoc »

Cet effort logistique et matériel de l’OTAN est le bienvenu en Roumanie qui s’efforce, malgré les difficultés économiques de ce pays parmi les plus pauvres de l’Union européenne, de moderniser son armée.

Depuis plusieurs années déjà, des milliards de dollars ont été investis face aux tensions régionales provoquées par l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014.

Et l’offensive russe du 24 février « a agi comme un électrochoc, précipitant de manière spectaculaire le renforcement des capacités militaires de la Roumanie », note Sergiu Miscoiu, professeur de sciences politiques à l’université de Cluj-Napoca.

« Elle s’est rendue compte qu’elle pourrait avoir besoin de se défendre elle-même et de manière rapide, comme l’ont fait les Ukrainiens », explique-t-il.

Le président Klaus Iohannis a récemment annoncé une hausse significative du budget de la Défense, à 2,5 points du PIB — contre 2 points auparavant.  

Sur le seul mois d’août, l’armée a lancé des appels d’offres d’un montant supérieur à un milliard d’euros afin de renouveler ses équipements vieillissants.

Le gouvernement vient aussi de passer commande de 18 drones de combat du fabricant turc Bayraktar, qui ont prouvé leur efficacité contre les forces russes en Ukraine.

En juin, il avait également validé l’achat de 32 chasseurs américains d’occasion F-16 à la Norvège.  

Ils remplaceront les MIG-21 datant de l’époque soviétique qui constituent l’ossature de l’armée de l’Air roumaine et vont être remisés au hangar au printemps 2023 après une série d’incidents et d’accidents, dont un mortel le 2 mars.

Les ambitions roumaines vont plus loin : des discussions avec Israël ont été évoquées mardi par le ministre roumain de la Défense Vasile Dincu, en vue de l’achat du bouclier antimissiles « Dôme de fer ».

La Roumanie serait alors le premier pays européen à acquérir ce système.