La menace lancée mercredi par le président russe Vladimir Poutine d’utiliser « tous les moyens » que lui permet son arsenal face à l’Occident dans la foulée du conflit en Ukraine remet la menace nucléaire à l’avant-scène. Mais où en est justement le dossier des armes nucléaires sur la scène internationale ? Voici quelques éléments de réponse.

Où en sont les arsenaux nucléaires dans le monde ?

Le 13 juin dernier, l’organisme Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI) faisait paraître son livre annuel sur l’état des arsenaux dans le monde. Sa conclusion : le nombre d’ogives nucléaires a légèrement baissé, soit 12 705 en 2022, contre 13 080 en 2021. Mais « les arsenaux nucléaires devraient augmenter au cours de la prochaine décennie », croit-on. On note par exemple que l’arsenal de la Chine est en « pleine expansion » et que des images satellites font état de « plus de 300 nouveaux silos à missiles » en construction.

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Source : Reuters

N’existe-t-il pas des traités internationaux et bilatéraux (États-Unis–Russie) permettant d’éviter une guerre nucléaire ?

« Les traités ne régissent pas l’utilisation des armes nucléaires. Cela relève des politiques individuelles de chaque État nucléaire », rappelle Jocelyn Coulon, chercheur au Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal (CERIUM). « Les traités interdisent les essais nucléaires, instaurent des zones d’exclusion nucléaire, limitent le nombre de missiles et d’ogives [partie du missile contenant la charge explosive]. »

Et ces traités sont-ils respectés ?

Pas toujours. Des flous et des contournements existent. « Le pilier fondamental du contrôle est le traité de non-prolifération des armes nucléaires (TNP) qui est, grosso modo, bien respecté », poursuit M. Coulon. Ce traité est signé par 191 États, qui s’engagent à ne pas développer de telles armes. Mais on y retrouve aussi les cinq pays membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU (États-Unis, Russie, Chine, Royaume-Uni et France), qui possèdent environ 95 % des arsenaux. « Ces puissances ont fait un [marché] avec les autres, note M. Coulon, en disant si vous renoncez à l’arme nucléaire, nous nous engageons à les réduire et peut-être les abolir. Il y a une quarantaine d’années, on comptait autour de 60 000 armes nucléaires dans le monde, alors qu’il y en a quelque 12 000 aujourd’hui. Mais là où l’esprit est violé est que les cinq grandes puissances sont engagées dans une course à la modernisation des armes nucléaires. »

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Source : Reuters

Modernisation en quel sens ?

En ce sens qu’on remplace les vieilles ogives par de nouvelles. « Nous sommes passés, tant chez les Américains que chez les Russes, de missiles à ogive unique à des missiles à ogives multiples, dit M. Coulon. Dans la foulée, les autres puissances nucléaires veulent ce type de missile. Car si vous avez plus d’une ogive, vous avez la possibilité de frapper plus de cibles. On cherche aussi à développer des ogives plus résistantes et capables de frapper davantage en profondeur. Donc, cette course à rendre les armes plus performantes est devenue qualitative et non plus quantitative. »

Existe-t-il d’autres traités ?

Oui. Un traité de 1963 interdit les essais d’armes nucléaires dans l’atmosphère, l’espace extra-atmosphérique et sous l’eau qui est respecté. La Russie et les États-Unis ont aussi signé plusieurs traités sur les missiles stratégiques (à longue portée) offensifs. Le plus récent, New START, a été prolongé jusqu’au 4 février 2026.

Qu’en est-il du fameux Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI) ?

En décembre 1987, Ronald Reagan et Mikhaïl Gorbatchev signaient à Washington le traité FNI (INF Treaty, en anglais) visant à éliminer tous les missiles de croisière ou balistiques ayant une portée de 500 à 5500 km notamment en Europe (les euromissiles). Mais tout a changé en 2019. Selon l’OTAN, la Russie a cessé de respecter le traité en développant les systèmes dits SSC-8/9M729. Après des discussions infructueuses, les États-Unis se sont retirés du traité le 2 août 2019.

Comment se comporte la diplomatie nucléaire ?

De façon au mieux contradictoire, selon le rapport du SIPRI, et ce, en dépit de certains points positifs comme la prolongation de New START. Ainsi, le 3 janvier 2022, les cinq membres permanents du Conseil de sécurité signaient une déclaration commune affirmant solennellement que « la guerre nucléaire ne peut être gagnée et ne doit jamais être menée », des mots repris par le président américain Joe Biden mercredi à l’Assemblée générale de l’ONU. Malgré cela, la volonté d’« accroître la place accordée aux armes nucléaires » dans la stratégie des grandes puissances se poursuit, observe le SIPRI. Et c’est sans compter ce que feront les petites puissances comme la Corée du Nord. Récemment, celle-ci a adopté une loi autorisant des « frappes nucléaires préventives », du jamais vu auparavant.

En savoir plus
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    Nombre de pays qui possèdent l’arme nucléaire : les États-Unis, la Russie, la Chine, le Royaume-Uni, la France, le Pakistan, l’Inde, Israël et la Corée du Nord
    Source : Stockholm International Peace Research Institute