(Londres) Le nouveau gouvernement de Liz Truss a dévoilé une série de mesures budgétaires vendredi mêlant aides massives aux factures énergétiques en pleine crise du coût de la vie et baisses d’impôt tous azimuts ciblant les plus aisés, dont le coût vertigineux n’a pas été pleinement dévoilé et fait craindre un sérieux dérapage des finances publiques.

Signe de l’inquiétude quant à la capacité du Royaume-Uni à financer ce paquet fiscal, évalué par les économistes à plus de 100 milliards de livres (148 milliards CAN), voire par certains au double, les taux d’emprunt à 10 ans ont bondi au plus haut depuis 11 ans.

La livre sterling a piqué du nez pour sa part vendredi, tombant successivement sous les seuils de 1,2 puis 1,1 $, des plus bas depuis 1985, et tout près de son plus bas historique atteint la même année.

Le tableau économique britannique s’assombrit : inflation à quasi 10 %, la plus élevée du G7, confiance des consommateurs au plus bas niveau jamais relevé, et une économie probablement déjà en récession, d’après la Banque d’Angleterre ou des indices prédictifs comme celui des directeurs d’achat (PMI).

Le nouveau chancelier de l’Échiquier (ministre des Finances), Kwasi Kwarteng, n’a pas lésiné sur les mesures pour tenter de raviver l’activité.

« Pendant la pire crise énergétique depuis des générations, ce gouvernement est aux côtés des gens », a-t-il clamé lors d’une présentation de ce plan au Parlement, ajoutant qu’il voulait « réformer le versant de l’offre dans l’économie » en « baissant les impôts pour doper la croissance ».

« C’est comme ça que nous inverserons le cercle vicieux de la stagnation », a-t-il insisté.

Mesure phare du « minibudget », les factures d’énergie sont gelées pour deux ans, à 2500 livres (3695 $) pour un ménage moyen, une ristourne d’au moins 1000 livres (1477 $) financée par le gouvernement.

Les entreprises ne sont pas en reste et voient leurs factures prises en charge pour moitié environ pendant six mois.

Les prix du gaz et de l’électricité ont flambé depuis le début de la guerre en Ukraine, à cause des limitations de l’approvisionnement en hydrocarbures venus de Russie, tandis que le Royaume-Uni est particulièrement dépendant du gaz.

Ce soutien massif aux factures énergétiques devrait coûter 60 milliards de livres (89 milliards CAN) pour les six premiers mois, a chiffré M. Kwarteng.

Un plan « très dommageable »

Le cocktail de mesures comprend aussi de généreuses baisses d’impôt, revenant notamment sur des hausses décidées par le précédent gouvernement conservateur, et qui profiteront surtout aux plus riches : abaissement des contributions sociales, de la taxe sur les transactions immobilières, du taux maximal d’impôt sur le revenu, et suspension de certains prélèvements écologiques.

S’affichant comme hérauts de la dérégulation post-Brexit, la première ministre Liz Truss et Kwasi Kwarteng ont aussi mis fin aux limites sur les bonus bancaires héritées de la réglementation européenne.

Les documents publiés par le Trésor évaluent à plus de 30 milliards de livres (44 milliards CAN) le total des baisses d’impôt jusqu’à mars 2024.

Le syndicat patronal CBI a salué « l’action rapide et décisive du gouvernement pour apporter des solutions substantielles de court terme aux entreprises ».

Mais pour la responsable de l’opposition travailliste pour les finances, Rachel Reeves, « au lieu de défendre les gens qui travaillent, les conservateurs protègent les profits des géants de l’énergie », qui ont bénéficié de la flambée des prix des hydrocarbures depuis la guerre en Ukraine.

Elle note que le plafond des prix de l’énergie sera financé par l’emprunt, une addition qui devrait retomber sur le contribuable.

L’institut spécialisé IFS s’est alarmé des « plus grosses baisses d’impôt depuis 50 ans sans même faire un effort d’équilibrage des comptes publics » et estime que ces derniers sont sur une pente « insoutenable ».

« Pas de prévisions économiques, pas d’évaluation de l’impact des larges concessions [fiscales] sur l’emprunt public. C’est très dommageable pour la réputation du Royaume-Uni en tant que nation responsable d’un point de vue budgétaire », a fustigé l’ex-membre de la Banque d’Angleterre Andrew Sentence.