(Kyiv) L’Ukraine et la Russie se sont mutuellement accusées vendredi de frappes sur le site de la centrale nucléaire ukrainienne de Zaporijjia, la plus grande d’Europe, le jour où trois nouveaux chargements de céréales, cruciaux pour la sécurité alimentaire mondiale, ont quitté des ports ukrainiens.

Dans le même temps, le président russe Vladimir Poutine et son homologue turc Recep Tayyip Erdogan se sont rencontrés à Sotchi, dans le sud-ouest de la Russie, sur les rives de la mer Noire, où ils ont décidé de « renforcer les échanges commerciaux » entre leurs pays et d’« aller à la rencontre des attentes mutuelles dans le domaine de l’économie et de l’énergie », selon le Kremlin.  

M. Poutine a en outre remercié M. Erdogan pour ses efforts qui ont permis de trouver à Istanbul un accord entre Moscou et l’Ukraine sur les livraisons de céréales en provenance des ports ukrainiens.

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Le président russe Vladimir Poutine a reçu son homologue turc à Sotchi, vendredi.

De son côté, l’ONG Amnistie internationale a persisté à accuser l’armée ukrainienne de mettre en danger la vie des civils dans la guerre avec la Russie, tandis qu’une nouvelle frappe russe sur Mykolaïv, dans le sud de l’Ukraine, a fait 22 blessés, ont affirmé les autorités locales.

Frappes sur le site d’une centrale nucléaire

La situation était confuse vendredi soir concernant la situation à la centrale de Zaporijjia, sous occupation russe depuis début mars, Kyiv et Moscou se rejetant la responsabilité de frappes sur le site.  

« Aujourd’hui, les occupants ont créé une autre situation extrêmement risquée pour toute l’Europe : ils ont frappé à deux reprises la centrale nucléaire de Zaporijjia. Tout bombardement de ce site est un crime éhonté, un acte de terreur », a martelé le président Volodymyr Zelensky dans son message vidéo quotidien.

« Malgré les provocations des Russes, la centrale continue de fonctionner et de fournir de l’électricité au système énergétique de l’Ukraine grâce à des lignes en service. Conformément à leur capacité, il a été décidé de décharger et de déconnecter l’un des réacteurs », a pour sa part fait savoir la société d’État ukrainienne Energoatom.  

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Le Polarnet a quitté le port de Tchernomorsk à destination de la Turquie.

Toutefois, « il existe des risques de fuite d’hydrogène et de pulvérisation de substances radioactives. Le danger d’incendie est élevé », a-t-elle prévenu.

L’armée russe a quant à elle parlé dans un communiqué de « tirs d’artillerie » de « formations armées ukrainiennes », à la fois « contre le territoire de la centrale de Zaporijjia et la ville d’Energodar », et dénoncé des « actes de terrorisme nucléaire ».

L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) avait jugé mardi que la situation était « volatile » et « de plus en plus dangereuse de jour en jour » à la centrale de Zaporijjia.

Au moment de la prise de ce site en mars, les militaires russes y avaient ouvert le feu sur des bâtiments, au risque d’un accident nucléaire majeur.

Du maïs via la mer Noire

Cinq jours après le départ du port méridional ukrainien d’Odessa d’un premier cargo — attendu dimanche au Liban — transportant des céréales ukrainiennes depuis le déclenchement de l’offensive russe, trois autres chargements, également de maïs, ont quitté l’Ukraine en convoi, a annoncé le ministère turc de la Défense.

Ils sont destinés à l’Irlande, l’Angleterre et la Turquie.

Devrait s’ensuivre une série de rotations régulières pour ravitailler les marchés agricoles.

Simultanément, un bâtiment fait route, lui aussi pour y récupérer des céréales, vers le port ukrainien de Tchernomorsk, qu’il doit atteindre samedi.    

« L’essentiel maintenant est l’augmentation constante des exportations », a noté le président Zelensky.

La Russie et l’Ukraine ont signé deux accords séparés, validés par la Turquie et les Nations unies, qui permettent l’exportation des céréales ukrainiennes immobilisées par le conflit et de produits agricoles russes malgré les sanctions occidentales. Avec pour objectif d’atténuer la crise alimentaire dans certains des pays les plus pauvres liée au blocage des ports ukrainiens.

Des « investigations de grande ampleur »

Suscitant l’ire de l’Ukraine, Amnistie internationale a, dans un rapport paru jeudi après une enquête de quatre mois, reproché aux militaires ukrainiens d’installer des bases dans des écoles et des hôpitaux et de lancer des attaques à partir de zones peuplées-une violation du « droit international humanitaire », selon l’ONG.

Le chef de l’État ukrainien l’a en retour accusée de « tenter d’amnistier l’État terroriste » russe et de « transférer la responsabilité de l’agresseur à la victime ».

Vendredi, Amnistie internationale a pleinement confirmé ses « conclusions », « fondées sur des preuves obtenues lors d’investigations de grande ampleur soumises aux mêmes normes rigoureuses et au même processus de vérification » que tout son travail habituel.

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Un immeuble résidentiel de Mykolaïv a été détruit par un bombardement, le 3 août.

L’ONG a toutefois, dans son rapport, insisté sur le fait que les tactiques ukrainiennes ne « justifient en aucun cas les attaques russes aveugles » qui ont touché la population.

22 blessés à Mykolaïv

Sur le terrain, les Russes ont une fois de plus bombardé vendredi Mykolaïv, une ville située non loin du front sud.

Bilan : 22 blessés, dont un adolescent de 13 ans, et de nombreuses habitations endommagées, a dit son maire, Oleksandr Senkevitch.

Un couvre-feu a été instauré dans cette cité jusqu’à lundi matin afin de neutraliser les « collaborateurs » des Russes, a fait savoir le gouverneur de la région Vitali Kim.

Les forces ukrainiennes mènent actuellement une contre-offensive dans le sud, où elles affirment avoir repris plus de 50 villages tombés aux mains des soldats russes.