(Washington) L’agence de notation financière S&P a nettement abaissé vendredi la notation de la dette de l’Ukraine, estimant que l’accord concédé par plusieurs pays occidentaux pour étaler les paiements de sa dette équivalait à un défaut « quasi certain ».

« L’Ukraine a demandé à ses créanciers étrangers de différer de 24 mois les paiements sur l’ensemble de la dette extérieure », a souligné S&P dans un communiqué.

« Suite à cette demande, nous pensons qu’un défaut sur la dette souveraine en devises étrangères est une quasi-certitude », précise l’agence de notation.

La note à long terme en devises étrangères de l’Ukraine a été abaissée drastiquement, de trois crans, passant de CCC+ à CC.

Un groupe de créanciers occidentaux dont la France, les États-Unis, l’Allemagne, le Japon et le Royaume-Uni a donné son accord le 20 juillet à un report du paiement d’intérêts sur la dette ukrainienne après une requête de Kyiv, exhortant les autres détenteurs d’obligations ukrainiennes à en faire de même.

Perspective négative

La notation de S&P a été assortie d’une perspective négative reflétant l’opinion de l’agence « selon laquelle l’Ukraine est susceptible de mettre en œuvre ses plans de restructuration de la dette », qui seraient considérés « comme un défaut », ajoute S&P.

L’agence met également en avant « les risques élevés pesant sur les paiements du service de la dette commerciale de l’Ukraine, compte tenu des plans de restructuration de la dette du gouvernement, qui découlent des pressions liées à l’économie, à la balance des paiements et au budget de la guerre avec la Russie ».

Dans l’hypothèse pessimiste, la notation pourrait être encore abaissée et passer à « SD », soit « Selective Default » (« défaut partiel »), dernier cran avant le défaut (« D »).

Cela pourrait intervenir « si l’Ukraine met en œuvre ce que nous considérons comme une restructuration désordonnée de la dette, ou si le gouvernement ne parvient pas à effectuer les paiements sur ses obligations en devise étrangère », détaille l’agence.

Dans le scénario optimiste, cependant, un relèvement de la notation pourrait être envisagé « si l’environnement sécuritaire et les perspectives macroéconomiques à moyen terme de l’Ukraine s’amélior(aient) ».

Remboursements suspendus

L’accord signé le 20 juillet par le groupe de créanciers occidentaux prévoit de suspendre le service de la dette ukrainienne à partir du 1er août et jusqu’à fin 2023, au moins, « avec la possibilité d’une année additionnelle ».

L’économie ukrainienne s’est effondrée depuis le début de la guerre et pourrait voir son PIB plonger de 45 % cette année, selon les estimations de la Banque mondiale publiées en juin.

Dans ce contexte de crise exceptionnelle, Kyiv avait demandé à ses créanciers le report de paiement, indiquant vouloir privilégier les « ressources en devises pour des dépenses prioritaires liées à la guerre ».

Les mesures de report du paiement de l’Ukraine sur ses obligations pourraient lui permettre d’économiser au moins 3 milliards de dollars sur deux ans, d’après les calculs de l’agence Bloomberg.

S&P avait déjà abaissé la note de l’Ukraine le 27 mai et l’avait également assortie d’une perspective négative, en raison « des retombées plus importantes de l’attaque militaire russe », et avait expliqué s’attendre « à ce que le conflit militaire russo-ukrainien se prolonge ».

La Russie a envahi l’Ukraine le 24 février.