(Kyiv) Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a qualifié le bombardement vendredi d’une prison qui a fait « plus de 50 morts » de « crime de guerre russe délibéré », après que Moscou avait accusé les forces ukrainiennes d’en être responsables.

Plus tôt dans la journée, M. Zelensky avait supervisé un premier chargement de céréales, cruciales pour la sécurité alimentaire mondiale.

La frappe sur la prison d’Olenivka, où se trouvaient des prisonniers de guerre ukrainiens, en territoire séparatiste dans l’est de l’Ukraine, est « un crime de guerre russe délibéré, un meurtre de masse délibéré », a déclaré le chef de l’État ukrainien.   

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Les corps de victimes ont été recouverts d’une bâche.

Cette « attaque des occupants » a fait « plus de 50 morts ».

Plus tôt, l’armée russe avait quant à elle fait état de 40 morts et 75 blessés, les autorités séparatistes prorusses de la région de Donetsk évoquant pour leur part jusqu’à 53 morts.

L’UE accuse les forces armées russes

Dans un premier temps, c’est Moscou qui avait mis en cause Kyiv. Le Comité d’enquête russe a accusé les forces ukrainiennes d’avoir « tiré sur la prison où sont détenus les membres du bataillon Azov, utilisant des projectiles américains du système Himars ».

Le régiment Azov s’était illustré dans la défense de Marioupol (sud-est). Après de longues semaines de siège et de résistance sur le site sidérurgique d’Azovstal, quelque 2500 combattants ukrainiens s’étaient rendus en mai à l’armée russe. Moscou avait fait savoir qu’ils seraient incarcérés à Olenivka.

« Cette provocation scandaleuse vise à effrayer les soldats ukrainiens et à les dissuader de se rendre », a assuré le ministère russe de la Défense.

Mais l’Ukraine a ensuite très vite démenti avoir visé des infrastructures civiles ou des prisonniers de guerre, assurant que l’armée « adhère pleinement aux principes et aux normes du droit international humanitaire ».

L’état-major ukrainien a estimé qu’il s’agissait ainsi d’« accuser l’Ukraine d’avoir commis des crimes de guerre » et de « camoufler les tortures de prisonniers et les exécutions » qui y ont été « perpétrées ».

Selon le renseignement ukrainien, l’attaque « a été réalisée par des mercenaires de la division Wagner » et « n’a pas été coordonnée avec la direction » du ministère russe de la Défense, a ensuite précisé l’état-major ukrainien.   

La télévision publique russe a de son côté diffusé des images présentées comme celles de baraquements carbonisés et d’armatures de lits en métal détruits. Elle a montré des images floutées de ce qui semble être des corps humains.

L’AFP n’a pas pu vérifier l’ensemble de ces déclarations de source indépendante.

De son côté, l’Union européenne a condamné « avec la plus grande fermeté les atrocités commises par les forces armées russes et leurs supplétifs », dans un communiqué de son chef de la diplomatie visant à la fois le bombardement de la prison et des accusations de torture sur un prisonnier ukrainien. « Ces actes inhumains et barbares constituent de graves violations des conventions de Genève et de leur protocole additionnel et s’apparentent à des crimes de guerre », a ajouté Josep Borrell.

Gare détruite

Toujours sur le terrain des opérations militaires, au moins cinq personnes ont été tuées et sept blessées dans une frappe russe qui a touché un arrêt de bus dans la région de Mykolaïv (sud de l’Ukraine), selon le gouverneur régional Vitaly Kim.

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Les vitres de l’abri d’autobus ont éclaté lors de la frappe.

Et au moins huit personnes, selon la présidence ukrainienne, ont péri et 19 ont été blessées ces dernières 24 heures dans la région de Donetsk, en partie contrôlée depuis 2014 par des séparatistes prorusses et que Moscou cherche à conquérir en totalité.

Dans la région de Kharkiv (nord-est), au moins une personne a été tuée et sept autres blessées.

L’armée ukrainienne a de son côté détruit une gare à Brylivka, un village de la région occupée de Kherson (sud), où les Ukrainiens ont déclenché une contre-offensive afin de compliquer les approvisionnements des forces russes, a affirmé le député local Serguiï Khlan.

Par ailleurs, la peine à perpétuité prononcée contre un soldat russe en mai pour avoir tué un civil en Ukraine a été réduite à 15 ans de prison en appel par un tribunal de Kyiv.  

Le sergent Vadim Chichimarine, 21 ans, avait admis avoir abattu Oleksandre Chelipov, 62 ans, dans le nord-est au cours des premiers jours de l’invasion déclenchée par l’armée russe le 24 février. Plaidant coupable, il avait été condamné le 23 mai pour crime de guerre et meurtre prémédité.

Exportations imminentes de céréales

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Le président Volodymyr Zelensky et le ministre des Infrastructures Oleksander Kubrakov (à droite) se sont rendus dans le port de Tchornomorsk.

Concernant les céréales bloquées en Ukraine depuis le début de la guerre, les exportations pourraient reprendre « dans les prochains jours », selon Kyiv.

Le président Zelensky s’est rendu vendredi dans le port de Tchornomorsk, sur la mer Noire, pour superviser un premier chargement de céréales sur un navire turc, aux termes de l’accord trouvé le 22 juillet avec la Russie.

« Nous sommes pleinement préparés. Nous avons envoyé tous les signaux à nos partenaires, à l’ONU et à la Turquie et nos militaires garantissent la situation sécuritaire », a déclaré M. Zelensky. Kyiv n’attend qu’un « signal » de la part d’Ankara et de l’ONU, garants de l’accord, pour « commencer », a-t-il souligné.

Selon le ministère ukrainien des Infrastructures, 17 navires ont déjà été chargés de céréales à Tchornomorsk et à Odessa, et dix sont prêts à partir.

L’Ukraine, comme la Russie, sont parmi les plus gros exportateurs mondiaux de céréales. Kyiv assure vouloir vendre quelque 20 millions de tonnes pour environ 10 milliards de dollars dans le cadre de cet accord visant à atténuer une crise alimentaire mondiale qui a vu les prix monter en flèche dans certains des pays parmi les plus pauvres du monde.

Dans le domaine énergétique, le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane et le président français Emmanuel Macron ont souhaité « intensifier la coopération » pour « atténuer les effets en Europe, au Moyen-Orient et dans le monde » de la guerre en Ukraine, selon la présidence française.

Depuis le début de l’offensive russe, les pays occidentaux cherchent à convaincre Riyad d’ouvrir les vannes afin de soulager les marchés.