(Sloviansk) Les civils ont continué mercredi d’évacuer la ville bombardée de Sloviansk, dans l’est de l’Ukraine, prochain objectif et priorité des forces russes dans leur plan de conquête totale du bassin du Donbass, après quatre mois et demi de conflit.

Ce que vous devez savoir

  • Quelque 5,5 millions d’Ukrainiens sont enregistrés comme réfugiés dans d’autres États européens depuis le début de l’invasion le 24 février ;
  • Plus de six millions d’Ukrainiens sont déplacés à l’intérieur de leur pays, selon l’Organisation internationale pour les migrations ;
  • L’armée russe s’efforçait mercredi d’éliminer les dernières poches de résistance à Louhansk ;
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  • Au moins onze civils ont été tués en Ukraine depuis 24 heures ;
  • Céréales ukrainiennes : Moscou reconnaît un contrôle sur un navire russe en Turquie ;
  • L’ex-président russe Medvedev évoque le recours à l’arme nucléaire ;
  • Publication d’un entretien Macron-Poutine : Moscou critique une violation de l’« étiquette diplomatique ».
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« L’évacuation est en cours », a déclaré le maire Vadim Liakh. « Il reste en ce moment 23 000 habitants » à Sloviansk, qui en comptait environ 110 000 avant le conflit, a-t-il ajouté dans une vidéo. Et « 17 sont morts et 67 ont été blessés » depuis le début des hostilités.

Dans cette cité bombardée depuis plusieurs semaines, « les infrastructures essentielles fonctionnent toujours, mais il n’y a plus de réseau central d’approvisionnement en eau depuis un mois et un tiers de la ville se retrouve régulièrement sans électricité », a souligné M. Liakh.

« Mon principal conseil : évacuez ! », a lancé le gouverneur de la région de Donetsk, Pavlo Kyrylenko, soulignant que « pendant la semaine, il n’y a pas eu un jour sans bombardement » à Sloviansk.

Les frappes y ont notamment détruit près d’un tiers d’un marché, a constaté un journaliste de l’AFP. Des habitants sont allés voir l’étendue des dégâts au milieu des débris calcinés. Un peu plus loin, quelques-uns continuaient de vendre leurs fruits et leurs légumes.

« Nous resterons chez nous. Nous avons des sous-sols et nous nous y cacherons. Que pouvons-nous faire d’autre ? Nous n’avons nulle part où aller, personne n’a besoin de nous », a lâché, dépitée, Galyna Vassyliivna, une marchande de légumes.

Mardi, Pavlo Kyrylenko avait déclaré que les derniers bombardements russes, dont celui qui a frappé le marché, avaient fait deux morts et sept blessés.  

Comme d’autres responsables locaux, M. Liakh a affirmé que les forces ukrainiennes repoussaient les tentatives de percée russes vers Sloviansk et sa ville jumelle de Kramatorsk, le centre administratif de la partie du Donbass contrôlée par Kyiv.

Selon lui, « les Russes n’arrivent pas à s’approcher » de Sloviansk ou à l’« encercler », car ils sont bloqués par les soldats ukrainiens à une quarantaine de kilomètres de là.

« Il y a en ce moment la plus brutale des confrontations, entre Sloviansk et Bakhmout », a résumé dans son adresse du soir le président ukrainien Volodymyr Zelensky.  

S’emparer de tout le Donbass

Après sa prise dimanche de Lyssytchansk, l’armée russe clame que la quasi-totalité de la province de Louhansk est entre ses mains, ce que les Ukrainiens continuent de nier. « Il y a toujours des combats dans deux villages », a assuré mercredi son gouverneur, Serguiï Gaïdaï.

Les Russes cherchent maintenant à conquérir la deuxième province du Donbass, celle de Donetsk, pour ainsi occuper l’intégralité de ce bassin minier, que les séparatistes prorusses contrôlent partiellement depuis 2014.

Mais il leur faut pour cela prendre Sloviansk et Kramatorsk, ses deux plus grandes cités conservées par les Ukrainiens.  

Selon M. Gaïdaï, les militaires russes « essaient constamment de construire des passages pour transférer encore plus de matériel » vers la région de Donetsk.

Mardi, ils se trouvaient à une dizaine de kilomètres de Siversk, qu’ils pilonnent depuis plusieurs jours, et donc à une cinquantaine de kilomètres de Sloviansk.

Mercredi soir, les autorités séparatistes de la République populaire de Donetsk (DNR) ont annoncé sur Telegram que deux enfants ont été tués et trois autres blessés, ainsi que trois adultes, par des bombardements ukrainiens qui ont visé Makeïevka, près de Donetsk.

Le ministère russe de la Défense a aussi accusé mardi soir des « nationalistes ukrainiens » de préparer dans la région de Donetsk « une provocation avec l’utilisation de substances toxiques », dont « de grandes quantités de chlore amenées dans une station de filtration minée ».

Les Russes bombardent toujours la région de Mykolaïv (sud), des frappes qui ont provoqué la mort d’au moins deux personnes mardi et mercredi, dénoncent les autorités ukrainiennes.  

« La menace des tirs de missiles perdure dans la région de Mykolaïv » car la Russie « maintient quatre navires équipés d’armes de haute précision en mer Noire », estime l’armée ukrainienne.

Mais d’après le président ukrainien, cela pourrait changer car « l’artillerie occidentale-les armes que nous avons reçues de nos partenaires ont commencé à agir très efficacement » et « nos défenseurs infligent des coups sévères » à la logistique russe.

Lutter contre la corruption

L’ex-président russe Dmitri Medvedev a évoqué mercredi le recours à l’arme nucléaire, pour mieux exclure toute éventualité de sanctions contre Moscou par la justice internationale, à l’heure où la Cour pénale internationale (CPI) enquête sur des crimes de guerre présumés commis en Ukraine.

« L’idée même de châtier un pays qui a le plus grand arsenal nucléaire du monde est absurde en soi. Et cela crée potentiellement une menace pour l’existence de l’humanité », a écrit sur son compte Telegram l’actuel vice-président du puissant Conseil de sécurité russe.

La Russie « ne ressent pas la pression des sanctions pour le moment puisque certains alliés hésitent à les activer », a déploré le président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui recevait mercredi à Kyiv le premier ministre irlandais Micheal Martin.

« Notre priorité est la sécurité de l’espace aérien. Nous comptons sur l’arrivée de puissants systèmes de défense antiaérienne », a-t-il encore dit.

Le président ukrainien ne cesse de réclamer plus d’armes aux pays qui le soutiennent depuis le début de l’invasion russe. La petite Lituanie a annoncé mercredi qu’elle s’apprêtait mercredi à envoyer à l’Ukraine un drone turc, après une collecte de 5,9 millions d’euros pour son achat et une mobilisation populaire.

Le premier ministre irlandais a visité Borodyanka et Boutcha, deux localités de la banlieue de la capitale en partie détruites par les combats en mars, lorsque les forces russes étaient aux portes de Kyiv, avant de se retirer pour concentrer leur offensive sur l’est et le sud de l’Ukraine.

Ces deux cités sont devenues des symboles des crimes de guerre présumés commis par les soldats russes dans ce conflit, sur lesquels la justice internationale a dit vouloir enquêter.

Mardi soir à Lugano (Suisse) s’était achevée une conférence internationale destinée à dessiner les contours de la reconstruction de l’Ukraine, dont Kyiv évalue le coût à 750 milliards de dollars.

Dans leur déclaration finale, les nations alliées, des institutions internationales et le secteur privé se sont engagés à « pleinement soutenir l’Ukraine tout au long de son parcours ».

Toutefois, l’utilisation de ces milliards de dollars inquiète dans un État perclus de corruption.