(Londres) Fin juin, Boris Johnson évoquait crânement un troisième mandat, se voyant premier ministre jusqu’en 2034. Mais c’était mercredi un homme à terre, luttant pour sa survie politique, seul à croire encore en son étoile après une avalanche de démissions.

Quelque 69 % des Britanniques souhaitent son départ, selon un sondage YouGov réalisé après les démissions choc du ministre des Finances, Rishi Sunak, et de la Santé, Sajid Javid, mardi soir. Une vingtaine d’autres départs à des échelons moins élevés du gouvernement ont suivi en cascade.  

Depuis des mois, la presse britannique répète que Boris Johnson, empêtré dans une succession de scandales, a atteint le point de non-retour. Ses explications à géométrie variable ont miné la confiance, tandis que les problèmes s’accumulent pour le Royaume-Uni, dont une inflation record de 9 %.  

Mais à 58 ans, le héros charismatique du Brexit, un homme politique atypique qui fin décembre 2019 avait offert à son parti conservateur une victoire historique aux législatives, en a vu d’autres.

Pas question de démissionner, a-t-il répété mercredi au cours de la séance hebdomadaire de questions à la Chambre des communes, affirmant qu’il n’était pas question de partir « quand les temps sont difficiles », et qu’il entendait « se concentrer sur les choses importantes pour les habitants de ce pays ».  

Ni le scandale des fêtes arrosées à Downing Street pendant le confinement, dans lequel la police a conclu qu’il avait enfreint la loi, une première pour un premier ministre en exercice, ni le rapport très sévère à son encontre ayant suivi n’ont entamé la détermination de celui qui, enfant, voulait devenir le roi du monde, selon sa sœur.  

Ce voltigeur de la politique à l’aplomb phénoménal, excellent orateur pour qui mentir n’a jamais été un problème, n’a pas davantage été impressionné par le vote de défiance de 41 % des députés conservateurs le mois dernier, qu’il a présenté comme un nouveau départ ; ou par les claques électorales prises par son parti à de récentes élections législatives partielles et locales.

Boris Johnson a cependant exprimé mercredi « son profond regret » d’avoir nommé en février « whip » en chef adjoint (chargé de la discipline parlementaire des députés conservateurs) Chris Pincher, qui a démissionné après avoir été accusé d’attouchements sur deux hommes la semaine dernière.  

Là encore, Downing Street, sur la défensive, avait offert différentes versions de ce que le premier ministre savait, la goutte de trop pour certains conservateurs.

Manque de sérieux

Chevelure couleur paille désordonnée, énergie communicative, Alexander Boris de Pfeffel Johnson, né à New York le 19 juin 1964, est entré en politique en 2001, après avoir suivi le parcours fléché de l’élite britannique, collège d’Eton puis université d’Oxford.  

Certains enseignants, déjà, critiquent son manque de sérieux et sa propension à se croire au-dessus des règles. Il excelle au club de débats d’Oxford, dont le but est d’avoir les meilleures réparties politiques, et peu importe les faits.

En 1987, le voilà journaliste stagiaire au Times grâce à des relations familiales. Il en est rapidement renvoyé pour une citation inventée. Le Daily Telegraph l’envoie à Bruxelles en 1989, où, à coup d’outrances et d’approximations, il tourne les institutions européennes en ridicule.

De retour à Londres, il devient chroniqueur politique pour le Telegraph et le Spectator, écrit aussi des articles sur l’automobile pour le magazine GQ. Il est drôle, érudit, percutant. Mais cumule 4000 livres sterling d’amendes de stationnement pour les voitures qu’il est censé tester.

Il entre au Parlement en 2001, se fait renvoyer du « cabinet fantôme » de l’opposition pour avoir menti sur une liaison.  

Puis il prend la mairie de Londres aux travaillistes en 2008 : il est à l’époque pro-européen et favorable à l’immigration.

Il y reste huit ans, se taille une stature internationale, aidé par les Jeux olympiques.

Il devient ensuite l’une des principales figures de la campagne du Brexit, puis le chef de la diplomatie sous Theresa May qu’il remplace à la tête du gouvernement en juillet 2019.

« C’est un artiste brillant, mais inapte à des fonctions nationales, car il semble qu’il ne se soucie que de son destin et de sa satisfaction personnelle », a dit de lui son ancien patron au Telegraph Max Hastings.

Sa vie privée est à la hauteur du personnage. Marié trois fois, en 1987, 1993 et 2020, il a au moins sept enfants, dont les deux plus jeunes nés de son mariage en 2020 avec Carrie Symonds, 34 ans, une ancienne chargée de communication du Parti conservateur.