(Savone) « C’était comme si une bombe était tombée sur le pont, une scène apocalyptique » : Davide Capello, 37 ans, fait partie des rares survivants de l’effondrement du viaduc de Gênes en août 2018, qui a coûté la vie à 43 personnes.

Près de quatre ans après l’effondrement du pont de Gênes, la douleur des familles des 43 victimes perdure. Elles attendent avec anxiété le début du procès jeudi dans cette ville portuaire du nord de l’Italie, avec 59 prévenus sur le banc des accusés.

Le 14 août 2018, sous une pluie torrentielle, le pont autoroutier Morandi, un axe essentiel pour les trajets locaux et internationaux, s’est effondré, entraînant dans sa chute des dizaines de véhicules et leurs passagers.

Après une chute vertigineuse d’une quarantaine de mètres dans sa Volkswagen Tiguan blanche, dont le choc a été amorti par des tonnes de débris, Davide Capello est sorti quasiment indemne du drame, à part des douleurs au dos et à l’épaule « qui reviennent de temps en temps ».

PHOTO BRIGITTE HAGERMANN, AGENCE FRANCE-PRESSE

Davide Capello, 37 ans, survivant de l'effondrement du viaduc de Gênes.

Mais il a dû renoncer à sa passion, le football. « Jouer au foot me manque. Mais j’ai la chance d’être entraîneur, ce qui compense un peu », raconte-t-il à l’AFP au stade Ruffinengo à Savone (nord-ouest), à 50 km de Gênes, où il s’est rendu pour repérer de jeunes talents.

Dans la matinée du 14 août 2018, le jour du désastre, Davide, qui travaille depuis plusieurs années comme pompier à Savone, était en route pour Gênes afin de renouveler sa carte d’adhérent au club de football du Genoa où il entraîne de jeunes gardiens de but.

« J’ai traversé le tunnel avant le pont Morandi. Puis, arrivé à la moitié du pont, j’ai entendu un bruit sourd derrière moi et j’ai vu la route s’écrouler, toutes les voitures devant moi plongeaient dans le vide », se souvient-il.

« Une éternité »

« À un certain moment, je me suis senti propulsé en l’air et je suis tombé avec tout le pont, avec le nez de ma voiture qui pointait vers le bas, sur le coup je pensais vraiment mourir ».

Et puis s’est produit ce qu’il appelle un « miracle », car « il n’y a pas d’autre explication ». « Un nuage de poussière m’entourait quand j’ai atterri à l’intérieur d’une partie du pont qui m’a recouvert sans m’aplatir », comme dans une bulle d’air, « et m’a accompagné jusqu’à terre ».

Quand la voiture s’est posée sur les gravats amassés dans la cour d’une usine située sous le pont, « toutes les vitres ont explosé », mais « la cabine est restée intacte ».

La chute « n’a duré que quelques secondes, mais ça m’a semblé une éternité », confie Davide, qui a dû recourir à un psychologue pour surmonter son traumatisme.

Le jeune homme est resté coincé dans la voiture environ une vingtaine de minutes, cherchant en vain son téléphone portable. Mais grâce à l’écran Bluetooth de son VUS, il a réussi à prévenir ses collègues pompiers, ses parents et sa petite amie.

« Silence irréel »

« C’étaient des moments de panique, de terreur. Puis, quand j’ai entendu les premières voix des secouristes, j’ai pris mon courage à deux mains et j’ai réussi à sortir par la vitre arrière et à grimper sur les décombres ».

Autour de lui, « il régnait un silence presque irréel ». « C’était comme une réalité parallèle, je marchais sans comprendre. J’ai seulement compris ce qui s’est passé quand j’ai vu de plus loin le pont écroulé. »

Hospitalisé pendant quelques jours et longtemps sous le choc, il a repris peu à peu son travail de pompier et s’est remis à conduire. Mais il lui aura fallu plus d’un an avant d’emprunter le nouveau pont, inauguré en août 2020.

Va-t-il assister au procès sur le drame du pont Morandi qui s’ouvre jeudi à Gênes ? « Non, certainement pas. Je préfère aller de l’avant dans la vie ».