Lyssytchansk tombé, Sloviansk et Kramatorsk sont dans la ligne de mire des forces russes.

Débris au sol, morceaux de tôle froissée, verre émietté : les images captées lundi à Sloviansk, dans l’est du pays, montrent ses habitants affairés à ramasser les dégâts après des attaques russes à la roquette. La ligne de front se rapproche de cette ville du Donetsk, après la chute, dimanche, de Lyssytchansk, à une soixantaine de kilomètres de là.

Ce qu’il faut savoir

  • Vladimir Poutine a ordonné la poursuite de l’offensive dans le Donetsk.
  • L’armée russe semble désormais concentrer ses efforts sur les localités de Sloviansk et Kramatorsk, pilonnées sans relâche.
  • Le premier ministre ukrainien a chiffré à 750 milliards de dollars le coût de la future reconstruction de l’Ukraine.

« Je crois que ce qui nous attend va être encore pire, j’ai déjà pensé à partir » de Sloviansk, a dit Andriï Gerassimenko, un trentenaire rencontré sur place par l’Agence France-Presse.

Les villes de Sloviansk et de Kramatorsk ont subi d’importants bombardements ces derniers jours. Le gouverneur régional, Pavlo Kirilenko, a fait état lundi de 10 morts, dont 2 enfants, la veille à Sloviansk et dans les environs.

Les deux municipalités du Donetsk, qui comptaient plus de 100 000 habitants chacune avant la guerre, semblent être la prochaine étape de la bataille dans le Donbass.

La chute de la ville de Lyssytchansk dimanche aux mains des Russes aurait marqué leur prise de contrôle totale sur Louhansk — la division administrative qui, avec Donetsk, forme le Donbass.

Pour crier victoire au Donbass, qui était déjà en partie contrôlé par des forces prorusses depuis 2014, il reste donc Donetsk à conquérir pour les Russes.

INFOGRAPHIE LA PRESSE

Situation en Ukraine le 4 juillet 2022

Et cette avancée passe par les villes.

Protéger les villes

L’état-major ukrainien a annoncé le repli de ses forces vers la frontière Siversk-Fedorivka-Bakhmout pour protéger Sloviansk et Kramatorsk.

PHOTO ALEXANDER ERMOCHENKO, REUTERS

Des résidants de Lyssytchansk, qui est tombé dimanche aux mains des forces russes, se tiennent près d’un immeuble lourdement endommagé.

La bataille pour ces deux agglomérations pourrait être décisive pour le Donbass, estime Dominique Arel, professeur et titulaire de la Chaire en études ukrainiennes à l’Université d’Ottawa.

« Dès le début de la guerre, les Ukrainiens ont fait le choix tactique de chercher à protéger les villes parce que c’est beaucoup plus difficile de protéger des espaces qui sont très larges avec peu d’agglomérations, explique-t-il. Donc dès le début de la guerre, les Russes, qui contrôlaient déjà 40-50 % de Louhansk depuis 2014, sont passés à 80-85 %, parce qu’ils ont envoyé l’armée conquérir les petites villes. »

Récupérer une grande municipalité conquise par l’armée russe est très difficile pour les Ukrainiens.

« Pour conquérir les villes, les Russes les détruisent », note-t-il.

Au moins 750 milliards de dollars seront nécessaires pour reconstruire l’Ukraine, ont d’ailleurs plaidé le président de l’Ukraine, Volodymyr Zelensky — en visioconférence —, et son premier ministre, Denys Chmyhal, lundi. Les deux hommes se sont exprimés à la Conférence de Lugano, en Suisse, pour discuter de reconstruction. L’évènement avait été planifié avant le début du conflit et devait alors porter sur des réformes à mener.

Victoire « symbolique »

Même si la prise de Louhansk était célébrée lundi comme une victoire en Russie, c’est « plus symbolique qu’autre chose », estime Pierre Jolicœur, professeur titulaire au département de science politique du Collège militaire royal du Canada. Il rappelle que la Russie contrôle aujourd’hui environ le cinquième de l’Ukraine, un chiffre qui a peu changé après les premières offensives, lancées le 24 février dernier.

« Ça leur a pris un long moment pour prendre un territoire qui n’est pas particulièrement important ou difficile à prendre », commente Maria Popova, professeure agrégée de science politique à l’Université McGill.

Le Donbass est la région industrielle de l’est de l’Ukraine, moins importante, stratégiquement, que la capitale, Kyiv, que les Russes ont échoué à conquérir, souligne-t-elle. Ou que Kherson, territoire agricole du sud du pays, dont la capitale provinciale est tombée sous contrôle russe peu après le début de l’invasion.

Des rumeurs d’une contre-offensive ukrainienne sur ce territoire circulent ces jours-ci. M. Zelensky a salué lundi des signes positifs dans la région.

La bataille pourrait être importante. Kherson est la division voisine de la Crimée, annexée illégalement par la Russie en 2014.

Voie de passage

Le Donbass, frontalier de la Russie, sert d’ailleurs de point d’entrée pour l’occupation dans le sud de l’Ukraine.

La région était déjà divisée. Des séparatistes prorusses avaient déclaré l’indépendance des « républiques » de Louhansk et de Donetsk en 2014, non reconnue internationalement.

Oui, ce sont des locaux qui sont maintenant des séparatistes, mais il faut garder à l’esprit que la Russie a créé ce groupe et créé ce problème par son intervention en 2014.

Maria Popova, professeure agrégée de science politique à l’Université McGill

Au tout début de la guerre, les spéculations sur les intentions réelles du président de la Russie, Vladimir Poutine, ont alimenté les discussions — pourrait-il consentir à la paix en échange du Donbass ?

Ce n’est, de toute évidence, pas l’objectif, avance Mme Popova. « C’est assez clair que le but n’est pas le Donbass et que ça ne va pas s’arrêter là », explique-t-elle.

Le président russe a donné l’ordre à ses troupes lundi de continuer et de « mener à bien leur mission ».

Avec l’Agence France-Presse

En savoir plus
  • 15 000 à 20 000
    Nombre de soldats russes tués au total, selon des sources de sécurité occidentales
    Source : Agence France-Presse
    100
    Kyiv estime perdre chaque jour une centaine de soldats.
    Source : Agence France-Presse