(Madrid) L’OTAN, États-Unis en tête, a promis jeudi un soutien indéfectible sur le long terme à l’Ukraine, qui, tout en ayant repris possession d’un îlot stratégique pour la maîtrise des routes maritimes est en situation très périlleuse face aux Russes dans une ville-clé de l’est.  

Ce que vous devez savoir

  • Joe Biden annonce une nouvelle aide militaire de 800 millions de dollars pour l’Ukraine ;
  • Washington soutiendra l’Ukraine « aussi longtemps qu’il faudra », promet le président américain Joe Biden ;
  • Un « rideau de fer » s’abat entre la Russie et l’Occident, selon le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov ;
  • 16 millions d’Ukrainiens ont besoin d’aide humanitaire, selon l’ONU ;
  • OTAN : Scholz juge « ridicule » l’accusation d’« impérialisme » de Poutine ;
  • Le retrait russe de l’île aux Serpents montre qu’il est « impossible » de soumettre l’Ukraine, selon Boris Johnson ;
  • Île aux Serpents : l’Ukraine se félicite d’avoir chassé les Russes d’un « territoire stratégique » ;
  • Les députés russes votent une loi facilitant l’interdiction des médias étrangers ;
  • Les séparatistes prorusses accusent Kyiv de bombarder des civils avec des canons occidentaux ;
  • La Russie organise l’exportation des céréales ukrainiennes des zones occupées ;
  • La Cour européenne des droits de l’homme demande à la Russie de ne pas exécuter deux Britanniques condamnés à mort ;
  • Face à l’urgence énergétique, la Roumanie table sur le gaz de la mer Noire.
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« Nous allons rester aux côtés de l’Ukraine et toute l’Alliance restera aux côtés de l’Ukraine aussi longtemps qu’il le faudra pour assurer qu’elle ne soit pas battue par la Russie », a déclaré Joe Biden en clôture d’un sommet de l’OTAN à Madrid.

« Je ne sais pas comment ou quand cela va finir », a ajouté le président américain, affirmant toutefois : « Cela ne se finira pas par une défaite de l’Ukraine ».

PHOTO SUSAN WALSH, AGENCE FRANCE-PRESSE

Le président turc Recep Tayyip Erdogan, le président américain Joe Biden, le secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg et le premier ministre britannique Boris Johnson.

« Le rideau de fer, de fait, il est déjà en train de s’abattre », a de son côté commenté, de Minsk, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, reprenant cette image née avec la Guerre froide et qui était rapidement tombée en désuétude après la chute du mur de Berlin en 1989.

« Ce rideau de fer est érigé aujourd’hui par les Occidentaux eux-mêmes », a renchéri son homologue biélorusse Vladimir Makeï, dont le pays est un allié de Moscou dans sa confrontation avec l’Ouest.

Accusations d’« impérialisme »

Ces deux responsables réagissaient à la feuille de route stratégique que venait d’adopter l’Alliance atlantique et qui désigne désormais la Russie comme étant « la menace la plus significative et directe pour la sécurité des alliés ». Et ce tout en dénonçant les tentatives de Moscou et de Pékin d’unir leurs efforts pour « déstabiliser l’ordre international ».

Plusieurs États membres de l’OTAN ont annoncé de nouvelles aides militaires à l’Ukraine : le premier ministre britannique Boris Johnson s’est engagé sur une rallonge d’un milliard de livres (1,5 milliard CAN), Joe Biden sur 800 millions de dollars supplémentaires.  

Parallèlement, le Trésor américain a rendu public le gel d’avoirs supérieurs à un milliard de dollars d’une société ayant son siège aux États-Unis et contrôlée par l’oligarque et homme politique russe Souleiman Kerimov, déjà sanctionné par Washington.

Quant au président français Emmanuel Macron, il a prévu la révision de la programmation militaire de son pays, soulignant que « nous devons maintenant, entrant dans une période de guerre, savoir produire plus vite, plus fort certains types d’équipements ».

Le chancelier allemand Olaf Scholz a pour sa part jugé « ridicule » l’accusation du président Vladimir Poutine qui avait affirmé mercredi soir que l’Alliance atlantique avait des « ambitions impérialistes » à l’égard de la Russie.

« C’est plutôt Poutine qui a fait de l’impérialisme le but de sa politique » en disant que les pays voisins faisaient « partie de son pays », a ajouté M. Scholz, qui veut désormais faire de l’armée allemande la première armée conventionnelle en Europe.

La Chine, un allié circonspect de Moscou et prudent dans la crise ukrainienne, s’est contentée de déclarer que l’OTAN, qui a décrit Pékin comme constituant un « défi » pour ses intérêts et sa sécurité, « s’obstine […] à salir la politique étrangère chinoise ».

Le président turc Recep Tayyip Erdogan, qui s’efforce de garder le contact avec les deux parties et de se placer en médiateur, a de son côté appelé à « intensifier les efforts » pour un cessez-le-feu.

Une victoire symbolique

Mais pour l’heure, sur le terrain, c’est une victoire d’une grande portée symbolique qu’ont enregistrée les Ukrainiens avec le départ des forces russes de l’île aux Serpents, qu’elles avaient prise dès les premières heures de leur offensive.

L’armée russe a affirmé se retirer « en signe de bonne volonté », ses objectifs ayant été « atteints » et pour faciliter les exportations de céréales ukrainiennes d’Ukraine par la mer Noire.

PHOTO STRINGER, ARCHIVES REUTERS

Des bâtiments détruits par les frappes russes à Lyssytchansk

Cet îlot militarisé est situé au sud-ouest d’Odessa, le plus grand port ukrainien où ont été amassées des millions de tonnes de grains, et face à l’embouchure du Danube.

La version des militaires ukrainiens est radicalement différente : les Russes ont abandonné l’île aux Serpents parce qu’ils se sont retrouvés « dans l’incapacité de résister au feu de notre artillerie, de nos missiles et de nos frappes aériennes ».

« L’ennemi s’est enfui dans deux vedettes », laissant « en feu » cet îlot où « des explosions se font toujours entendre », ont-ils encore dit, précisant qu’ils allaient maintenant y rétablir un « contrôle physique direct ».

« L’île aux Serpents est un point stratégique et cela change considérablement la situation en mer Noire […]. Cela ne garantit pas encore que l’ennemi ne reviendra pas. Mais cela limite déjà considérablement les actions des occupants », a martelé dans la soirée le président Voldymyr Zelensky.

PHOTO GABRIEL BOUYS, AGENCE FRANCE-PRESSE

Volodymyr Zelensky

Les autorités installées par les Russes dans le sud de l’Ukraine ont de leur côté annoncé jeudi le départ d’un navire chargé de 7000 tonnes de céréales ukrainiennes à partir du port de Berdiansk, passé sous contrôle russe.

L’Ukraine accuse depuis des semaines la Russie de voler ses récoltes de blé dans les régions occupées pour le revendre illégalement sur le marché international.  

Recevant à Moscou son homologue indonésien Joko Widodo, dont le pays préside actuellement le G20, Vladimir Poutine a à cet égard de nouveau juré jeudi que la Russie ne faisait pas « entrave à l’exportation du blé ukrainien » et a mis sur le compte des sanctions occidentales les restrictions sur les exportations russes d’engrais et de produits alimentaires.

Le chef de l’État indonésien a quant à lui annoncé avoir remis à M. Poutine un message de Volodymyr Zelensky.

La bataille de Lyssytchansk

Par contraste avec le succès ukrainien sur l’île aux Serpents, la situation à Lyssytchansk, une ville du bassin industriel du Donbass, une région de l’est de l’Ukraine où se concentrent la majeure partie des combats, « demeure extrêmement difficile », a reconnu jeudi le président Zelensky.

Les bombardements « très puissants » rendent impossibles les évacuations de civils, avait peu auparavant déploré le gouverneur régional Serguiï Gaïdaï, estimant qu’il y reste 15 000 civils.

Il a cependant démenti des allégations des séparatistes prorusses combattant aux côtés des forces de Moscou, qui ont déclaré jeudi contrôler la moitié de cette cité, située de l’autre côté d’une rivière face à celle de Sievierodonetsk, conquise la semaine dernière par l’armée russe.

Mais le numéro 2 de l’état-major, Oleksiï Gromov, a déclaré jeudi aux journalistes que les forces ukrainiennes n’avaient « pas l’intention de battre en retraite ».  

« On n’a plus d’électricité ni de gaz, et ça fait déjà trois mois », a témoigné auprès de l’AFP une habitante de de Seversk, à une vingtaine de kilomètres de là.

« Ça bombarde de jour comme de nuit », a lâché une autre.

Lyssytchansk est la dernière grande cité à ne pas être encore aux mains des Russes dans la région de Louhansk, l’une des deux provinces du Donbass, que Moscou entend entièrement contrôler.

Près de Dnipro, dans le centre-est de l’Ukraine, un bombardement a par ailleurs touché une entreprise agricole, détruisant 40 tonnes de maïs, selon les autorités régionales.