(Londres) Les députés britanniques ont adopté lundi soir en première lecture une révision unilatérale des dispositions douanières post-Brexit en Irlande du Nord, jugée illégale par l’Union européenne qui a déjà amorcé sa riposte.

La réforme a été adoptée à la Chambre des communes par 295 voix contre 221 à l’issue d’un débat sur ces dispositions controversées qui avait commencé dans l’après-midi.  

Le projet de loi doit suivre maintenant son parcours parlementaire jusqu’à l’adoption définitive.

« Il y a des barrières inutiles au commerce de la Grande-Bretagne vers l’Irlande du Nord, et tout ce que nous disons, c’est qu’on peut s’en débarrasser sans en aucune façon menacer le marché unique européen », avait déclaré lundi le premier ministre Boris Johnson, en Allemagne pour un sommet des dirigeants du G7, en appelant Bruxelles à faire preuve de « flexibilité ».

En lançant le débat lundi après-midi au Parlement, la ministre britannique des Affaires étrangères Liz Truss avait affirmé qu’un changement global du protocole était nécessaire, pour inciter les unionistes à participer au gouvernement à Belfast.  

« C’est à la fois légal et nécessaire », a-t-elle déclaré à propos de la réforme, niant que le Royaume-Uni enfreigne le droit international et soulignant la nécessité de donner la priorité au processus de paix.

Au parlement, l’ancienne première ministre Theresa May – qui a démissionné après avoir échoué à obtenir le soutien du Parlement pour son propre accord de divorce sur le Brexit – a déclaré qu’elle ne pouvait pas soutenir le projet de loi.

Ce texte n’est « pas légal […] il n’atteindra pas ses objectifs » et il « diminuera la position du Royaume-Uni aux yeux du monde », a-t-elle déclaré devant les députés.

Depuis que le gouvernement britannique a dévoilé son intention de supprimer les contrôles sur les biens arrivant dans la province britannique en provenance de Grande-Bretagne, l’UE n’a eu de cesse de dénoncer une démarche unilatérale et laisse planer la menace de représailles commerciales.

Londres estime que le temps presse, vu la paralysie politique causée par ce traité international dans la province britannique : les unionistes du DUP refusent de participer à un gouvernement local tant que les contrôles ne sont pas abandonnés, y voyant une menace pour l’intégrité du Royaume-Uni.  

« Toute décision unilatérale de violer le droit international est une évolution majeure et grave », a pour sa part dénoncé le premier ministre irlandais Micheal Martin depuis Dublin.

De son côté, le chef de la diplomatie irlandaise Simon Coveney a exhorté Londres à renouer avec « un dialogue constructif avec l’UE » afin de parvenir à des « solutions durables convenues conjointement ».

« Approche illégale »

Le protocole visait à protéger le marché unique européen après le Brexit, sans provoquer le retour d’une démarcation physique entre la province britannique et la République d’Irlande, membre de l’UE, ce qui pourrait remettre en cause la paix signée en 1998 entre loyalistes attachés à la couronne britannique et républicains favorables à la réunification, après trois décennies de violences meurtrières.  

Le gouvernement de Boris Johnson avait accepté que la province reste de facto au sein du marché européen, instaurant une frontière douanière en mer d’Irlande, avec contrôles et paperasse.

Pour les Européens, le texte britannique est « à la fois illégal et irréaliste », selon l’ambassadeur de l’UE au Royaume-Uni, João Vale de Almeida.

Selon le projet britannique, les marchandises ayant vocation à rester en Irlande du Nord, et donc au sein du marché britannique, bénéficieraient d’un canal « vert » évitant les contrôles.

Une voie « rouge » serait destinée aux biens risquant d’entrer via l’Irlande sur le marché européen, qui devraient être déclarés, tandis que les contrôles s’effectueraient en Grande-Bretagne.

Après l’introduction du projet de loi britannique, l’UE avait annoncé la relance d’une procédure d’infraction, mise sur pause en septembre 2021, pour violation du protocole, ainsi que le lancement de deux autres, pour non-respect des « contrôles nécessaires » en matière sanitaire et phytosanitaire et pour des données commerciales incomplètes fournies à l’UE.

Elle a également présenté de manière plus détaillée ses propositions faites, en vain, au gouvernement britannique en octobre, permettant selon elle de réduire considérablement les contrôles et les formalités douanières pour un large éventail de marchandises destinées à la seule Irlande du Nord.