Élisabeth célèbre jusqu’à dimanche ses 70 ans de règne. Mais la santé de la souveraine décline et ce jubilé historique est aussi l’occasion de s’interroger sur la suite des choses. À quoi s’attendre quand la reine disparaîtra ?

Élisabeth II, disparaître ? Mais c’est impossible. Elle est immortelle !

Tout le laisse croire, considérant qu’elle a toujours été là. Mais à 96 ans, Élisabeth II commence à montrer de sérieux signes de fatigue. Visites à l’hôpital, problèmes de mobilité, responsabilités réduites. Qu’elle ait manqué la messe en son honneur vendredi en raison d’un « malaise » et délégué le dernier discours du trône à son fils Charles en dit long sur son état de santé.

Admettons. Mais alors, quand elle meurt, que se passe-t-il ?

Charles devient roi et des funérailles nationales sont organisées. Ça va être un gros truc. Un très gros truc. Le jubilé de platine à côté, c’est un bingo de sous-sol d’église. La reine n’est plus seulement une personnalité britannique, elle fait partie du patrimoine mondial. Alors, préparez-vous.

Charles a déjà 73 ans. Certains pensent qu’il pourrait vouloir passer son tour et laisser la couronne à William. Est-ce possible ?

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Le prince Charles à son arrivée à la messe de vendredi

Très peu probable. Selon l’Act of Settlement de 1701, qui détermine la succession, Charles devient roi à l’instant précis où prend fin le règne de la reine. Il lui faudrait alors abdiquer pour que William prenne sa place. Sauf que l’abdication est un mot tabou dans la famille Windsor, encore traumatisée par celle d’Édouard VIII en 1936…

« Rien n’indique que Charles veuille passer la main. Il s’est formé toute sa vie pour ce rôle », résume Carolyn Harris, historienne de la monarchie. « De plus, William et Kate ont encore de jeunes enfants. Ils n’auront pas particulièrement envie d’avoir ces responsabilités à temps plein. »

Quel genre de roi sera Charles ?

Charles s’est toujours distingué par ses opinions tranchées et un peu « champ gauche » sur un paquet de sujets, de l’architecture au végétarisme en passant par l’écologie. Sans doute sera-t-il plus réservé une fois monté sur le trône. « Je crois qu’il voudra préserver, prolonger et protéger l’héritage de sa mère, suggère Carolyn Harris. Il a eu tout le temps de l’observer et de se modeler sur elle. Il connaît ses responsabilités et il adoptera sans doute une approche plus neutre que ce à quoi il nous a habitués. » Une chose est certaine, son règne durera moins longtemps que celui de sa mère…

La reine est respectée, adorée et révérée. On ne peut pas en dire autant du prince Charles. Ça ne sera pas facile de chausser les escarpins de sa maman.

Oui, il a tout un défi devant lui. En plus, il deviendra roi à 70 ans passés. Tout le contraire de sa mère, qui n’avait que 25 ans lors de son accession au trône, et qu’une nation entière avait adoptée comme sa fille. « Il devra faire avec, tranche Ellie Woodacre, experte en monarchie à l’Université de Winchester en Angleterre. Il aura probablement plus de gens à convaincre ! »

D’accord. Parlons de William maintenant. Beaucoup voient en lui le sauveur de la monarchie britannique. À quel règne s’attendre de sa part ?

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Le prince William et sa femme, Kate, vendredi

Pour que la monarchie survive, elle doit préserver les traditions tout en évoluant au même rythme que la société. Il sera intéressant de voir comment Kate et William parviendront à conserver cet équilibre. Certains parlent déjà de la Cambridge Way, à savoir qu’ils présenteront une image plus sobre, plus « normale » et plus accessible de la famille royale. Ce qui ne les empêchera pas de voyager et de remplir leurs fonctions comme dans le bon vieux temps, en partie aux frais des contribuables britanniques (69,4 millions de livres en 2020, selon Forbes). « Tout cela est difficile à prévoir, souligne Carolyn Harris. Où en serons-nous dans 10 ou 20 ans ? Il faudra voir quels évènements surviendront qui donneront forme à leur règne… »

La famille royale est dans une période de transition et le prince Charles commence déjà à prendre la relève. Peut-on parler d’un règne hybride, voire d’un début de régence ?

Pas si vite. Pour parler de régence, il faut que le souverain ou la souveraine soit dans l’incapacité de remplir ses fonctions. Ce n’est pas le cas de la reine, qui continue de recevoir des ambassadeurs, de s’entretenir avec le premier ministre et de consulter les documents officiels dans sa boîte rouge.

« C’est un parfait exemple de ce que j’appelle la monarchie corporative, explique Ellie Woodacre. L’idée est que le nom d’une personne apparaisse sur l’étiquette, mais que cette personne partage les responsabilités avec d’autres. »

Cela dit, « il y a un message clair que c’est elle qui continue de régner », conclut Carolyn Harris.