(Kyiv) L’armée russe a resserré jeudi son emprise dans l’est de l’Ukraine, son objectif prioritaire dans cette guerre qui lui a permis de mettre la main sur 20 % du pays, selon Kyiv.

Ce que vous devez savoir

  • Environ 20 % du territoire contrôlé par les forces russes, selon Zelensky ;
  • Au tour de Londres de promettre des roquettes sophistiquées à Kyiv ;
  • La Russie dit avoir stoppé l’afflux de « mercenaires » étrangers en Ukraine ;
  • Dans la nuit de mercredi à jeudi, les forces russes ont bombardé plusieurs lignes de chemin de fer dans la région de Lviv ;
  • Les Ukrainiens s’inquiètent d’une possible annexion des régions du sud conquises par les forces russes ;
  • Le conflit pourrait durer « de nombreux mois » selon Washington ;
  • Plus de huit millions d’Ukrainiens sont déplacés à l’intérieur de leur pays ;
  • Avant l’invasion russe, l’Ukraine comptait 37 millions d’habitants dans les régions contrôlées par son gouvernement.
Consultez Mieux comprendre la guerre en Ukraine

Trois mois après le début de l’invasion, les forces russes contrôlent actuellement « environ 20 % » du territoire ukrainien, soit près de 125 000 km2, a déclaré jeudi le président ukrainien Volodymyr Zelensky.

Avant l’invasion, les forces russes ou prorusses y contrôlaient 43 000 km2, depuis l’annexion de la Crimée et la prise d’un tiers du Donbass en 2014. Depuis le 24 février, elles ont notamment avancé dans l’est et au sud, le long des mers Noire et d’Azov, contrôlant désormais un corridor côtier stratégique reliant l’Est russe à la Crimée.

Après l’échec de leur offensive-éclair pour faire tomber le gouvernement de Kyiv, les forces russes se concentrent sur la conquête du Donbass (est) où se joue désormais une guerre d’usure, notamment autour de la ville stratégique de Sievierodonetsk.

Et la tactique du rouleau compresseur appliquée par Moscou pour grignoter lentement du terrain semble porter ses fruits.

Photo ARIS MESSINIS, Agence France-Presse

Les dirigeants ukrainiens ont ces derniers jours accusé Moscou de vouloir faire de Sievierodonetsk un « nouveau Marioupol ».

« La situation la plus difficile » concerne Louhansk, l’une des deux régions du Donbass, a souligné le commandant en chef des forces armées ukrainiennes Valeri Zaloujny, cité dans un communiqué de l’armée publié dans la nuit de mercredi à jeudi.

Sievierodonetsk, capitale administrative de la région, est « occupée à 80 % » par les forces russes et les combats font rage dans les rues, a déclaré le gouverneur de la région de Louhansk, Serguiï Gaïdaï, dans la nuit de mercredi à jeudi.

M. Zelensky a indiqué jeudi soir dans son message quotidien que la situation dans le Donbass n’avait pas « changé de manière significative dans la journée ».

« Nous avons rencontré quelques succès dans la bataille pour Sievierodonetsk. Mais il est encore trop tôt. C’est la zone la plus difficile actuellement », a-t-il précisé, évoquant une situation similaire aux alentours notamment à Lyssytchansk et à Bakhmout.  

« Nouveau Marioupol »

Les dirigeants ukrainiens ont ces derniers jours accusé Moscou de vouloir faire de Sievierodonetsk un « nouveau Marioupol ».

La pression russe reste également importante sur Donetsk, l’autre région du Donbass, notamment Sloviansk, à quelque 80 km à l’ouest de Sievierodonetsk. Les habitants de la région manquent notamment de gaz, d’eau et d’électricité, selon Kyiv.

L’Ukraine attend des livraisons de systèmes de lance-missiles plus puissants promis par le président américain Joe Biden, en espérant que cela change le rapport de force sur le terrain.

La Russie a affirmé jeudi avoir stoppé l’afflux de « mercenaires » étrangers voulant combattre aux côtés de l’armée de Kyiv, à force de leur infliger de lourdes pertes ces dernières semaines.

Selon le ministère russe de la Défense, le nombre de combattants étrangers a été « quasiment divisé par deux », passant de 6600 à 3500, et un « grand nombre » d’entre eux « préfèrent quitter » le pays « le plus rapidement possible ».

Les forces russes bombardent des lignes de chemin de fer dans la région de Lviv (ouest), où arrivent notamment les armes livrées à l’Ukraine par les pays occidentaux, une aide dénoncée par Moscou.

Risque de crise alimentaire

Les forces ukrainiennes perdent chaque jour jusqu’à cent soldats, selon le président ukrainien.

« La situation dans l’est est vraiment difficile […] Nous perdons de 60 à 100 soldats par jour, tués au combat, et quelque 500 sont blessés », a-t-il détaillé.

Dans le sud, les Ukrainiens s’inquiètent d’une possible annexion des régions conquises par les forces russes, Moscou évoquant des référendums dès juillet.  

À Mykolaïv, près d’Odessa, les bombardements russes ont fait au moins un mort et plusieurs blessés dans la population civile, a fait savoir jeudi soir le commandement ukrainien de la région sud.

Sur le plan diplomatique, les pays de l’UE ont approuvé jeudi un sixième paquet de sanctions contre Moscou incluant un embargo, avec des exemptions, sur les achats de pétrole, mais renoncé à inscrire sur la liste noire le chef de l’Église orthodoxe russe, le patriarche Kirill, sous la pression de la Hongrie.  

Le texte doit encore recevoir l’accord écrit de chaque État membre en vue de sa publication vendredi au Journal officiel pour permettre l’entrée en vigueur des mesures, a précisé la présidence française du Conseil de l’UE.

Le vice-premier ministre russe chargé de l’Énergie Alexandre Novak a réagi en assurant que les Européens seraient les premiers à « souffrir » de cet embargo pétrolier.  

« Les consommateurs européens seront les premiers à souffrir de cette décision. Non seulement les prix du pétrole, mais aussi ceux des produits pétroliers augmenteront. Je n’exclus pas qu’il y ait un grand déficit de produits pétroliers dans l’UE », a déclaré M. Novak.  

Aux États-Unis, l’administration Biden a annoncé une nouvelle série de sanctions visant une série de nouveaux oligarques ou membres de « l’élite » de Moscou, dont la porte-parole de la diplomatie russe Maria Zakharova.

« Je suis reconnaissant envers le président Biden, tous nos amis américains et la population des États-Unis pour leur soutien », a relevé M. Zelensky jeudi soir.

Le secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg a estimé jeudi après une rencontre avec le président Biden à Washington que les pays occidentaux devaient se préparer « à une guerre d’usure » sur le « long terme ».

« Nous devons être préparés sur le long terme. Parce que ce que nous voyons est que cette guerre est désormais devenue une guerre d’usure », a-t-il relevé.

La guerre en Ukraine « pourrait se terminer demain, si la Russie mettait fin à son agression », avait déclaré mercredi M. Stoltenberg lors d’une conférence de presse aux côtés du chef de la diplomatie américaine Antony Blinken. Mais « nous ne voyons aucun signe dans cette direction à ce stade », avait-il ajouté.

La guerre menée par la Russie en Ukraine va durer encore « de nombreux mois », avait abondé M. Blinken.