Un journaliste de la chaîne française BFM a été tué lundi en Ukraine, où les atteintes à la liberté de la presse imputables aux forces russes se multiplient au point de prendre toutes les apparences d’une « véritable guerre à l’information », selon Reporters sans frontières (RSF).

Selon son employeur, Frédéric Leclerc-Imhoff « suivait une opération humanitaire à bord d’un véhicule blindé » dans une ville du Donbass soumise à d’intenses bombardements russes lorsque la frappe fatidique est survenue.

Un éclat d’obus a perforé une vitre, touchant l’homme de 32 ans au cou. Un autre journaliste qui l’accompagnait, Maxime Brandstaetter, a été légèrement blessé.

« À celles et ceux qui assurent sur les théâtres d’opérations la difficile mission d’informer, je veux redire le soutien inconditionnel de la France », a déclaré le président Emmanuel Macron dans un message de solidarité relayé sur son compte Twitter.

La ministre française des Affaires étrangères, Catherine Colonna, a exigé qu’une « enquête approfondie » soit menée « dans les meilleurs délais pour faire toute la lumière sur les circonstances du drame ». Elle a blâmé directement l’armée russe, qui est actuellement à l’offensive dans le Donbass, pour ce qu’elle estime être un « crime ».

PHOTO EDGAR SU, REUTERS

Catherine Colonna, ministre des Affaires étrangères de la France, à Kyiv lundi

RSF, qui surveille de près la situation, a indiqué que le journaliste de BFM était le huitième travailleur de l’information à mourir en couvrant les suites de l’invasion lancée par le président russe Vladimir Poutine le 24 février.

Plainte à la CPI

La mort de M. Leclerc-Imhoff est survenue alors que l’organisation de défense de la liberté de la presse annonçait le dépôt d’une nouvelle plainte contre la Russie auprès du procureur de la Cour pénale internationale (CPI).

Le pays « montre sa volonté de contrôler l’information et de faire taire ceux qui portent un discours divergent de la propagande officielle, en ayant recours à des violences qui sont caractéristiques des crimes de guerre », a souligné le secrétaire général de RSF, Christophe Deloire, en appui à la démarche.

Il s’alarme notamment du fait qu’au moins une vingtaine de journalistes travaillant en Ukraine ont été visés « délibérément » avec des armes à feu ou des tirs d’artillerie au cours des derniers mois.

La concentration des combats dans la zone du Donbass a eu pour effet de réduire le nombre d’incidents de ce type, mais n’a pas empêché les enlèvements, les séquestrations et les menaces contre des journalistes de « se poursuivre au même rythme ».

Ces faits poursuivent toujours le même but : amener le journaliste ou le média à cesser ses activités ou à se mettre au service de la propagande russe.

Reporters sans frontières

Une cinquantaine de journalistes d’un média de Berdiansk ont notamment été retenus pendant plusieurs heures, en plus d’être violentés, par des forces russes qui souhaitaient les contraindre à collaborer.

Plusieurs enlèvements se sont terminés de manière tragique, au dire de l’organisation, qui rappelle notamment le cas du journaliste ukrainien Maks Levin. Son corps sans vie a été retrouvé trois semaines après sa disparition dans la région de Kyiv, avec deux balles dans la tête au dire des autorités ukrainiennes.

RSF souhaite par ailleurs que la CPI enquête sur les efforts russes ciblant des infrastructures de télécommunications. Une première plainte déposée en mars relevait que des tours de transmission réparties dans une demi-douzaine de villes ont été bombardées, compromettant temporairement le fonctionnement de nombreux médias.

Le Comité pour la protection des journalistes, qui a demandé lundi aux autorités russes et ukrainiennes de faire toute la lumière sur les circonstances ayant mené à la mort de Frédéric Leclerc-Imhoff, s’alarme aussi de l’effet du conflit sur les médias.

« Sa mort est un autre exemple de l’impact effrayant de la guerre de la Russie contre l’Ukraine sur les non-combattants. Les journalistes sont des civils qui font preuve d’un courage singulier en rapportant ce qui se passe dans des zones de guerre. Ils ne devraient jamais être ciblés en raison de leur travail », a relevé le directeur de l’organisation, Robert Mahoney.

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    Nombre d’attaques contre des journalistes recensées depuis le début du conflit en Ukraine qui peuvent être qualifiées de « crimes de guerre »
    Source : Reporters sans frontières