(Kramatorsk) Les combats s’intensifient dans la région du Donbass, dans l’est de l’Ukraine, où Moscou a confirmé samedi la prise de contrôle par les séparatistes prorusses de la localité clé de Lyman, qui ouvre la voie aux grandes villes de Sloviansk et Kramatorsk.

Sur le plan diplomatique, le président français Emmanuel Macron et le chancelier allemand Olaf Scholz se sont longuement entretenus au téléphone avec le président russe Vladimir Poutine, à qui ils ont demandé d’entamer des « négociations directes sérieuses » avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky, ainsi que la libération des 2500 combattants ukrainiens qui s’étaient retranchés dans l’aciérie Azovstal à Marioupol (sud-est) et qui se sont rendus aux forces russes.  

Dans un communiqué, le ministère russe de la Défense a indiqué samedi matin « qu’à l’issue des actions communes des unités de la milice de la République populaire de Donetsk et des forces armées russes, la ville de Lyman a été entièrement libérée des nationalistes ukrainiens ».  

La défense territoriale de cette république « autoproclamée » par les séparatistes prorusses avait indiqué dès vendredi sur Telegram avoir « pris le contrôle complet » de Lyman, avec « l’appui » de l’armée russe.

Le président Zelensky avait reconnu que « la situation dans cette région du Donbass [était] très, très difficile », avec des frappes intensives d’artillerie et de missiles. Mais il avait estimé que « si les occupants pensent que Lyman et Severodonetsk seront les leurs, ils se trompent. Le Donbass sera ukrainien ».

Photo VIACHESLAV RATYNSKYI, archives REUTERS

Le président ukrainien Volodimyr Zelensky

Après l’offensive infructueuse sur Kyiv et Kharkiv (nord-est) au début de la guerre lancée par la Russie le 24 février, les forces russes sont concentrées dans l’est de l’Ukraine, avec l’objectif affiché de prendre le contrôle total du bassin minier du Donbass, partiellement contrôlé depuis 2014 par des séparatistes prorusses soutenus par Moscou.

« L’armée détruit la ville »

Photo ARIS MESSINIS, Agence France-Presse

De la fumée s’élève au-dessus de la ville de Severodonetsk, le 26 mai

À Severodonetsk, « les bombardements continuent […] l’armée [russe] détruit tout simplement la ville », a assuré sur son compte Telegram le gouverneur de la région de Louhansk, Serguiï Gaïdaï. Selon lui, l’armée russe est entrée dans les faubourgs de la ville où elle a subi « de lourdes pertes », tandis que les forces ukrainiennes tentaient de déloger les Russes d’un hôtel.

Mais le gouverneur affirme que « Severodonetsk n’est pas coupée » par les forces russes et séparatistes. Un accès à l’aide humanitaire reste possible, selon lui.

Il répondait à un responsable policier de la république séparatiste prorusse de Louhansk, cité par l’agence Ria Novosti, qui affirmait vendredi que « la ville de Severodonetsk est actuellement encerclée », et que les troupes ukrainiennes y sont piégées.

Le ministère de la Défense ukrainien a ajouté samedi sur Telegram que « (l’ennemi) a mené des opérations d’assaut dans les zones des districts de Severodonetsk, Oskolonivka, Toshkivka, en vain, a subi des pertes et s’est replié sur des positions précédemment occupées ».

Selon M. Gaïdaï, la prise de Severodonetsk serait « une puissante victoire » pour les forces russes, car « leur armée n’a pas eu de grande victoire et ils doivent alimenter leur population avec quelque chose ».

Démonstration de force

Dans un message vidéo, le président ukrainien avait accusé jeudi Moscou de « génocide » dans le Donbass, où les forces russes procèdent à des « déportations » et des « tueries de masse de civils ».

Photo ministère russe de la Défense via REUTERS

L’armée russe a tiré un missile Zircon samedi dans l’Arctique.

Le président américain Joe Biden a lui aussi employé cette expression.

De son côté, Moscou a justifié son invasion de l’Ukraine par un « génocide » que mèneraient les Ukrainiens contre la population russophone du Donbass.

Au moment où l’Ukraine fait face à une situation humanitaire de plus en plus critique, un travailleur humanitaire australien a été tué cette semaine.  

Le journal australien Mercury Newspaper a annoncé samedi la mort de Michael Charles O’Neill, 47 ans, qui aidait les blessés sur la ligne de front. Information confirmée par le ministère australien des Affaires étrangères, qui n’a pas donné d’autres précisions.

Samedi à Marioupol, ville du sud-est que les Russes ont pilonnée pendant trois mois avant de s’en emparer définitivement la semaine dernière, un premier bateau cargo est entré dans le port, selon l’agence de presse officielle russe TASS citant un porte-parole de l’administration portuaire prorusse.  

La marine ukrainienne a réagi sur Facebook en qualifiant cette annonce de « manipulation », car selon elle, « tout en continuant à négliger les normes du droit maritime international, les groupes de navires de la Russie continuent de bloquer la navigation civile dans les eaux des mers Noire et d’Azov ».

Embargo

Alors que l’Ukraine, grande puissance agricole, ne peut plus exporter ses céréales en raison du blocage de ses ports, Vladimir Poutine a assuré, lors de sa conversation avec MM. Macron et Scholz, que son pays était « prêt » à aider une exportation « sans entraves » des céréales de l’Ukraine.

« La Russie est prête à aider à trouver des options pour une exportation sans entraves des céréales, y compris des céréales ukrainiennes en provenance des ports situés sur la mer Noire », indique un communiqué du Kremlin publié à l’issue de cette conversation téléphonique.

Selon M. Poutine, les difficultés liées aux livraisons alimentaires ont été provoquées par « une politique économique et financière erronée des pays occidentaux, ainsi que par les sanctions antirusses » imposées par ces pays.  

Lors de l’entretien téléphonique, Vladimir Poutine a également jugé « dangereux de continuer à inonder l’Ukraine avec des armes occidentales », mettant en garde contre des risques de « déstabilisation ultérieure », selon le Kremlin.

Il tenait ces propos après une nouvelle démonstration de force samedi dans l’Arctique de l’armée russe, avec un tir d’un missile hypersonique Zircon. L’engin, parti de la frégate Amiral Gorchkov, en mer de Barents, a frappé « avec succès » une cible dans les eaux de la mer Blanche, à 1000 km de là, selon le ministère russe de la Défense.

Des médias américains ont affirmé que Washington préparait la livraison de systèmes de lance-roquettes multiples (MLRS) à longue portée à Kyiv, qui les réclame désespérément pour contrer le déluge de feu russe.

Le porte-parole du Pentagone John Kirby n’a pas confirmé l’envoi des MLRS M270 – des véhicules modernes très mobiles d’une portée de tir de 300 km – évoqués par la presse. Mais il a assuré que les États-Unis continueraient à aider l’Ukraine à « l’emporter sur le champ de bataille ».  

Le premier ministre britannique Boris Johnson a également réaffirmé le soutien de son pays, « y compris en aidant à fournir l’équipement nécessaire », lors d’une conversation téléphonique avec M. Zelensky samedi, selon Londres.

Le président russe a assuré que la Russie restait « ouverte à une reprise du dialogue » avec Kyiv pour régler le conflit armé, alors que les négociations de paix avec l’Ukraine sont au point mort depuis mars, selon la même source.

De son côté, le président Zelensky devrait s’adresser lundi par visioconférence aux dirigeants de l’UE réunis à Bruxelles. Ils devraient aborder à nouveau le projet d’embargo de l’UE sur le pétrole russe, toujours bloqué par la Hongrie.