(Marignane) Loin du « bruit et de la fureur » de la présidentielle, la dirigeante de droite identitaire Marine Le Pen mène une campagne plutôt discrète en vue des élections législatives de juin en France, où son parti arriverait, selon les sondages, en troisième position.

Sa discrétion est telle que la finaliste de la présidentielle du 24 avril, battue par le président sortant Emmanuel Macron, a dû s’en justifier.

« Je suis là, je suis bien là. Je mène la bataille des législatives », a-t-elle assuré mardi sur un marché de Marignane, dans le sud de la France, où elle battait le pavé en faveur d’un candidat de son parti Rassemblement national (RN), anciennement le Front national.

Dans le même temps, la cheffe de file du RN assurait dans un quotidien local, La Provence, vouloir prendre « du recul ».

Depuis sa défaite à la présidentielle, battue comme en 2017 par Emmanuel Macron, Mme Le Pen semble s’être mise en retrait, à l’inverse du patron de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon qui, à la tête d’une coalition de partis de gauche, fait activement campagne dans l’espoir de devenir la première force d’opposition à Emmanuel Macron, et premier ministre par la même occasion.

Elle-même candidate aux élections législatives dans sa circonscription historique du nord de la France, Mme Le Pen est venue lundi et mardi soutenir les 16 candidats du RN dans les Bouches-du-Rhône (sud), qui abrite aussi la plus grosse fédération du parti.

La dirigeante a obtenu à la présidentielle ses meilleurs scores notamment sur le littoral méditerranéen.

Marine Le Pen prépare-t-elle une mise en retrait ? Elle ne cache pas qu’elle veut, à l’occasion du 50e anniversaire du Front national (devenu RN) à l’automne, « faire émerger une nouvelle élite » et que Jordan Bardella, l’actuel président par intérim du parti, lui « paraît très bien placé pour ce faire ».

Elle avait suggéré pendant la campagne présidentielle que son poulain pourrait être un jour candidat à l’Élysée.

Outre le fait qu’elle ne monte pas en première ligne, elle considère déjà qu’Emmanuel Macron gagnera les législatives des 12 et 19 juin.

« Je ne pars pas perdante, je pars en disant la vérité aux Français » et « même si ça devait nous coûter, cette droiture, nous en accepterions l’augure », a-t-elle expliqué récemment, considérant que son rival de gauche Jean-Luc Mélenchon « ment » quand il prétend pouvoir obtenir une majorité aux législatives et prendre les rênes du gouvernement.

« Absente »

« Une position qui se veut moralement louable, mais politiquement peu mobilisatrice », analyse Brice Teinturier, directeur général délégué d’Ipsos, dans le journal Le Monde.

« Ce n’est pas du tout comme 2017 où elle était complètement déprimée », rapporte un cadre. Si « certains (au RN) sont pessimistes », « ils ne sabotent pas pour autant ». Simplement, « ils ne proposent rien pour gagner », car « ils trouvent que c’est trop dur », dit-il.

« Le colosse (RN) présidentiel a-t-il toujours des pieds d’argile aux législatives ? », se demande encore Brice Teinturier. En 2017, Marine Le Pen avait obtenu près de 34 % des voix au second tour de la présidentielle, mais seulement huit sièges aux législatives, pour beaucoup en raison du mode de scrutin majoritaire.

Cette fois, le parti de Marine Le Pen est crédité de 21 % d’intentions de vote aux législatives, selon Ipsos, ce qui lui permettrait d’obtenir de 20 à 45 sièges et de former un groupe (au moins 15 députés, NDLR), pour la première fois depuis 1986-1988.

Le parti présidentiel et la coalition de Jean-Luc Mélenchon sont eux au coude à coude à 27 %-28 %, selon ce sondage.

Certains d’aller voter, les électeurs de la fille de Jean-Marie Le Pen, leader historique du mouvement, sont bien identifiés : ils plébiscitent le pouvoir d’achat et l’immigration, rejettent autant Emmanuel Macron que Jean-Luc Mélenchon.

Pourtant Marine Le Pen est « très absente » des législatives, note M. Teinturier, alors que son électorat a besoin d’une « incarnation forte », pendant que M. Macron bénéficie de son statut de président et que M. Mélenchon suscite une dynamique avec son union des partis de gauche, la Nouvelle union populaire écologique et sociale (NUPES).

Si la gauche est rassemblée, Marine Le Pen, elle, n’entend pas s’allier avec Reconquête !, le parti de son ex-rival de la droite identitaire, Éric Zemmour, un refus désapprouvé par 42 % de ses électeurs. Et les deux forces se livrent une bataille acharnée dans le sud de la France où M. Zemmour a fait ses meilleurs scores.