(Londres) Malgré les risques de représailles des Européens, le gouvernement britannique a menacé mardi de légiférer dans les prochaines semaines pour revenir sur les contrôles post-Brexit qui ont plongé l’Irlande du Nord dans une crise politique.

En raison de l’impasse politique dans la province britannique et des perturbations dans les échanges commerciaux avec le reste du Royaume-Uni, Londres souhaite renégocier en profondeur le protocole nord-irlandais conclu au moment du Brexit avec l’Union européenne, qui est prête seulement à des aménagements.

Après des mois de discussions infructueuses, la cheffe de la diplomatie Liz Truss a expliqué devant les députés que le gouvernement comptait « introduire un projet de loi dans les prochaines semaines pour apporter des changements au protocole ».

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La cheffe de la diplomatie Liz Truss

« Il ne s’agit pas d’éliminer le protocole » et le texte de loi proposé est compatible avec les obligations du Royaume-Uni en matière de droit international, a insisté la ministre.

« Notre préférence reste une solution négociée avec l’UE, et parallèlement à l’introduction de la législation, nous restons ouverts à de nouvelles discussions, si nous pouvons obtenir le même résultat grâce à un règlement négocié », a affirmé Mme Truss.

L’UE a prévenu qu’elle réagirait « avec tous les moyens à sa disposition » aux actions unilatérales de Londres, le vice-président de la Commission européenne Maros Sefcovic soulignant que « les actions unilatérales contredisant un accord international ne sont pas acceptables ».  

Les Européens ont déjà averti que revenir sur le statut de l’Irlande du Nord, difficilement négocié, pourrait remettre en cause plus généralement l’accord de libre-échange facilitant les échanges entre le Royaume-Uni et l’UE, ouvrant la voie à une guerre commerciale dans un contexte de forte inflation.

« Bon départ »

Photo HENRY NICHOLLS, Agence France-Presse

Le premier ministre britannique Boris Johnson.

Le projet de loi n’est pas encore déposé et son adoption devrait prendre des semaines, mais le gouvernement britannique est sous pression pour agir vite. Car depuis la victoire historique des républicains du Sinn Fein lors d’élections locales le 5 mai, les institutions nord-irlandaises sont à l’arrêt.  

Les unionistes du DUP refusent de participer à l’exécutif local, pourtant censé être partagé en vertu de l’accord de paix de 1998, qui a mis fin à trois décennies de conflit connues sous le nom de « Troubles ».

Les unionistes entendent ainsi faire pression pour modifier le protocole nord-irlandais, signé pour répondre à la délicate question de la frontière entre l’Irlande du Nord britannique et la République d’Irlande européenne après le Brexit.  

Ce texte crée une frontière douanière de fait avec la Grande-Bretagne et menace, selon eux, la place de la province au sein du Royaume-Uni à laquelle ils sont viscéralement attachés.

Au cœur du bras de fer politique, le chef du parti unioniste DUP, Jeffrey Donaldson, a qualifié les annonces du gouvernement de « bon départ », mais réclamé des « actes » et pas seulement des « mots ».

Les républicains du Sinn Fein ont eux dénoncé la menace brandie par Londres, digne de celle d’un « État voyou », a dénoncé sur Twitter Mary Lou McDonald, présidente du parti.

Le projet de loi prévoit que les marchandises circulant et restant au sein du Royaume-Uni passent par un « nouveau canal vert », les libérant de démarches administratives. Les marchandises destinées à l’UE resteront, elles, soumises à l’ensemble des vérifications et contrôles appliqués en vertu du droit de l’UE.

« Les entreprises pourront choisir entre respecter les normes britanniques ou européennes dans un nouveau régime de réglementation double », a dit Mme Truss.

Pour répondre aux inquiétudes de l’UE sur la protection du marché unique, Londres promet de partager davantage de données.

Le premier ministre britannique Boris Johnson, qui a tenté mardi une médiation entre forces politiques nord-irlandaises, a expliqué que le gouvernement souhaitait « se débarrasser de quelques obstacles relativement mineurs au commerce » : « Je pense qu’il existe de bonnes solutions communes, pragmatiques, sensées. Nous devons travailler avec nos amis de l’UE pour y parvenir ».

Voisine de l’Irlande du Nord, la République d’Irlande, membre de l’UE, s’inquiète tout particulièrement des conséquences d’une éventuelle décision unilatérale britannique. Disant « regretter profondément » les annonces britanniques, le chef de la diplomatie Simon Coveney s’est inquiété d’un coup porté à la « confiance », rendant plus difficile de « trouver des solutions ».