(Kyiv) La région ukrainienne de Kherson, occupée par les Russes depuis début mars, va demander à être annexée par la Russie, a affirmé mercredi un de ses responsables prorusses, alors que les livraisons de gaz russe à l’Allemagne transitant par l’Ukraine étaient pour la première fois affectées par le conflit.

Ce que vous devez savoir

  • Le volume de gaz russe transitant par l’Ukraine vers l’Europe a baissé mercredi, ont indiqué Moscou et Kyiv ;
  • La région ukrainienne de Kherson, occupée par les Russes depuis début mars, va demander à être annexée par la Russie ;
  • Mardi soir, la Chambre américaine des représentants a adopté une enveloppe d’aide à Kyiv de près de 40 milliards de dollars ;
  • L’Ukraine dit avoir cherché à désorganiser la vente d’alcool en Russie ;
  • L’usine de Zaporizhstal, située à quelques dizaines de kilomètres de la ligne de front, a repris son activité en avril ;
  • Près d’un tiers des emplois perdus en Ukraine à cause de la guerre ;
  • Des femmes de soldats du régiment Azov ont vu le pape et demandé son aide.
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« Il y aura une demande (adressée au président russe) pour intégrer la région de Kherson en tant que sujet à part entière de la Fédération de Russie », a déclaré Kirill Stremooussov, chef adjoint de l’administration de la cité côtière de Kherson, seule ville ukrainienne d’importance dont les Russes aient revendiqué le contrôle total en deux mois et demi de guerre en Ukraine.

« La base juridique […] sera prête avant la fin de l’année », a-t-il affirmé, ajoutant que comme la communauté internationale n’avait pas reconnu le référendum de rattachement de la Crimée à la Russie en 2014, la région de Kherson n’organiserait pas de tel scrutin.

Un haut responsable parlementaire russe, Andreï Tourtchak, avait déjà affirmé vendredi lors d’une visite à Kherson que la Russie resterait « pour toujours » dans le sud de l’Ukraine.

Kyiv accusait depuis plusieurs semaines Moscou de vouloir organiser dans cette région un référendum sur l’indépendance, comme en 2014 en Crimée. Moscou l’avait annexée dans la foulée.

« Les envahisseurs pourraient aussi bien demander à rejoindre Mars ou Jupiter. L’armée ukrainienne libérera Kherson, quels que soient leurs jeux de mots », a tweeté Mykhaïlo Podoliak, conseiller de la présidence ukrainienne.

Objectif Transdniestrie ?

Ces déclarations surviennent alors que la cheffe du renseignement américain Avril Haines a averti mardi que le président russe Vladimir Poutine se préparait « à un conflit prolongé » et visait « des objectifs au-delà du Donbass ».

Selon elle, la Russie a dans son viseur la Transdniestrie, région séparatiste de Moldavie dont la pointe sud n’est qu’à une soixantaine de kilomètres de la grande ville ukrainienne d’Odessa, sur la mer Noire.

Le commandement ukrainien pour le sud a souligné d’ailleurs que les troupes russes frappaient « sans merci » la région de Mykolaïv, ultime verrou avant Odessa.

Fin avril et début mai, des explosions ont secoué la Transdniestrie, alimentant les craintes d’une extension du conflit. L’Union européenne avait annoncé le 4 mai qu’elle allait « considérablement accroître » son aide militaire à la Moldavie.  

Le gouverneur de la région russe de Belgorod, voisine de l’Ukraine dans le sud-ouest de la Russie, a par ailleurs affirmé mercredi – citant un bilan du ministère de la Santé régional – que des bombardements en provenance d’Ukraine avaient fait un mort et six blessés.

Le chef d’état-major ukrainien a précisé mercredi soir que les Russes poursuivaient leurs opérations dans l’Est, en particulier vers Slobozhansky et Donetsk – notamment Roubijné et Lyman pour en prendre le contrôle –, mais pas vers Kharkiv près de laquelle la localité de Pytomnyk « a été libérée » par les combattants ukrainiens.

Baisse des livraisons gazières

Les livraisons de gaz russe à l’Allemagne transitant par l’Ukraine étaient par ailleurs en baisse mercredi, de 25 %, pour la première fois depuis le début du conflit.

« En raison de la réduction du transit, les volumes de gaz acheminés vers l’Allemagne via l’Ukraine (par le gazoduc Megal) ont diminué de 25 % par rapport » à mardi, a précisé l’agence gouvernementale allemande chargée de l’énergie. Elle a assuré toutefois que cette baisse était compensée par des flux plus importants en provenance notamment de Norvège et des Pays-Bas.

Ukrainiens et Russes se sont rejeté la responsabilité de ces perturbations : l’opérateur ukrainien des gazoducs, OGTSOU, avait prévenu mardi soir qu’il fermerait mercredi l’un des robinets livrant du gaz à l’Europe, invoquant un cas de « force majeure » après que l’armée russe a, selon lui, pénétré dans ses installations de la région de Louhansk, au cœur du Donbass.

Mais l’opérateur russe Gazprom a réfuté cette notion de « force majeure », affirmant qu’il était impossible de dérouter les livraisons par un autre point de passage, comme le demandaient les Ukrainiens.  

Jusqu’à présent, tant Moscou que Kyiv maintenaient les flux de transit vers l’Allemagne. L’UE s’efforce néanmoins de se préparer à une rupture de ses approvisionnements depuis que la Russie a ordonné le paiement des livraisons en roubles – coupant fin avril les livraisons à la Pologne et la Bulgarie qui refusaient de s’exécuter. L’Allemagne a réduit sa dépendance au gaz russe de 55 % à 35 % ces dernières semaines.  

 « Cent ans » de conséquences

Ces perturbations gazières surviennent alors que la Russie gagne lentement du terrain dans le Donbass.  

Les villes jumelles de Severodonetsk et Lyssytchansk, assiégées, semblent notamment pouvoir tomber à tout moment, a constaté l’AFP. Les offensives russes « arrivent par vagues », selon un soldat interrogé sur place, nécessitant des opérations périlleuses d’évacuation des blessés.

Kyiv se félicite en revanche d’avoir fait reculer les forces russes qui tiraient depuis des semaines sur les quartiers nord-est de Kharkiv, deuxième ville du pays, et d’avoir repris quelques petites localités de cette région toute proche de la frontière russe.  

 « Les occupants sont progressivement repoussés de Kharkiv », a affirmé le président Volodymyr Zelensky dans une vidéo mardi soir, saluant les combattants ukrainiens qui « font preuve d’une force surhumaine pour chasser l’armée d’envahisseurs » .  

À Marioupol, si les centaines de combattants ukrainiens qui s’y sont retranchés tiennent toujours l’aciérie Azovstal, ils sont aussi constamment bombardés, selon Kyiv.

Le régiment Azov, qui assure la défense de l’aciérie, a publié des photos de soldats blessés se terrant toujours dans cet immense complexe sidérurgique, appelant à nouveau le monde à « agir » pour leur évacuation.

L’Ukraine devra « lutter pendant cent ans » contre les conséquences de la guerre, a prédit mercredi le chancelier allemand Olaf Scholz. « Ceux qui vivent en Allemagne savent que des bombes tombées pendant la Seconde Guerre mondiale sont encore découvertes aujourd’hui et que les alertes à la bombe continuent », a-t-il ajouté lors d’un point presse à Berlin.

Dans son message quotidien, le président ukrainien a indiqué mercredi soir avoir abordé avec M. Scholz la nécessité de renforcer les sanctions contre Moscou.

 « Petit à petit, nous faisons tout pour que l’agresseur ressente la plus grande souffrance du fait de cette agression », a relevé M. Zelensky. Il avait qualifié la lutte des Ukrainiens contre la Russie de « guerre contre la tyrannie » .

Il avait plaidé de nouveau plus tôt mercredi pour une adhésion de son pays à l’UE, par visioconférence devant des étudiants de plusieurs établissements d’enseignement supérieur français après que le président français Emmanuel Macron a averti lundi que cela prendrait « des décennies » .  

 « C’est comme une table où toute la famille est réunie, et où vous êtes invité, mais on ne vous a pas mis de chaise » , avait déclaré M. Zelensky. « Et je pense que c’est injuste. » 

Pour l’instant, l’UE s’efforce de convaincre ses 27 États membres d’adopter un projet d’embargo sur le pétrole russe, bloqué par Budapest.  

À Vienne, le secrétaire général des Nations unies a appelé à maintenir le contact avec la Russie pour sauver des vies en Ukraine et préparer la paix, même si aucun règlement pacifique ne se profile actuellement. « Il est clair qu’à l’heure actuelle, il n’existe aucune chance d’un accord de paix ou d’un cessez-le-feu immédiats », a déclaré Antonio Guterres.  

Mais « cette guerre ne durera pas éternellement. Le moment viendra où les négociations de paix seront sur la table. Le moment viendra je l’espère, d’une solution au problème », a souligné celui qui a proposé de servir de médiateur.

À Washington où il a rencontré le président Joe Biden, le premier ministre italien Mario Draghi a aussi appelé au dialogue, estimant que les États-Unis et la Russie devraient s’asseoir autour de la même « table pour la paix » pour trouver une issue à la guerre en Ukraine.