De lourds combats se poursuivent dans le sud et l’est de l’Ukraine, où les troupes russes progressent avec difficulté. Le Kremlin affirme que l’aide militaire offerte par les pays occidentaux a ralenti son « opération spéciale », mais ne l’empêchera pas d’atteindre ses objectifs.

Les troupes ukrainiennes résistent

La Russie et l’Ukraine poursuivent d’intenses combats dans l’est et le sud du pays qui auraient coûté la vie, au dire de Moscou, à des centaines de soldats dans les derniers jours sans changer fondamentalement la donne sur le terrain. Les troupes russes progressent notamment très lentement dans le Donbass, qui demeure la priorité du régime. « Ils semblent stagner. La progression se fait presque mètre par mètre, d’un village à l’autre », souligne Pierre Jolicœur, vice-recteur à la recherche du Collège militaire royal de Saint-Jean.

Nombre d’analystes jugeaient que la configuration géographique de la région serait de nature à favoriser l’avancée des forces russes, mais c’était sans compter, note M. Jolicœur, sur les capacités militaires accrues de l’armée ukrainienne, alimentée en armes de plus en plus sophistiquées par plusieurs pays occidentaux.

Eugene Rumer, spécialiste de la Russie rattaché au Carnegie Endowment for International Peace, est d’avis que l’armée russe peine toujours, après avoir subi de lourdes pertes dans la région de Kyiv, à mettre en œuvre une « stratégie cohérente » susceptible d’assurer des gains substantiels sur le terrain. La frustration ressentie par Moscou se manifeste par une intensification des bombardements, souligne l’analyste, qui évoque une « guerre d’attrition » susceptible de durer des mois.

Informations contradictoires concernant Marioupol

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Fumée s’élevant au-dessus du complexe sidérurgique Azovstal, à Marioupol, jeudi

Des informations contradictoires circulaient jeudi sur la situation à Marioupol, dans le sud du pays, où des centaines de soldats et de civils ukrainiens demeuraient terrés dans un immense complexe sidérurgique échappant toujours au contrôle de Moscou.

Selon l’agence Reuters, un des commandants ukrainiens sur place a mis en ligne une vidéo dans laquelle il disait que des combats « sanglants » se poursuivaient depuis trois jours. Le militaire a accusé « l’ennemi » russe de ne pas respecter sa promesse de permettre l’évacuation des civils.

Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a assuré de son côté qu’aucun assaut n’était en cours et que la Russie maintenait son intention d’ouvrir un couloir humanitaire pour permettre d’autres évacuations. Selon Pierre Jolicœur, la prise complète de la ville serait une « victoire symbolique importante » que le président Vladimir Poutine pourrait vouloir brandir à l’occasion du jour de la Victoire, le 9 mai, qui commémore la capitulation de l’Allemagne nazie.

Un nouveau convoi de l’ONU est par ailleurs attendu ce vendredi pour évacuer les derniers civils retranchés dans le complexe sidérurgique Azovstal, sans assurance toutefois d’une trêve des combats. Malgré cette incertitude, le secrétaire général adjoint de l’ONU chargé des questions humanitaires, Martin Griffiths, a annoncé jeudi que ce nouveau convoi se dirigeait vers la ville martyre.

Approvisionnement en armes

PHOTO RICARDO MORAES, REUTERS

Soldat ukrainien près d’un char russe détruit, près de Kharkiv, jeudi

Selon l’Institute for the Study of War, la Russie a intensifié ses frappes dans l’ouest de l’Ukraine sur les infrastructures de transport dans l’espoir d’endiguer le flot d’armes provenant de plusieurs pays occidentaux.

Les États-Unis ont notamment annoncé récemment leur intention d’intensifier leur soutien en armes au régime du président Volodymyr Zelensky, qui ne cesse d’appeler ses alliés à en faire plus dans ce domaine. Washington dit que la campagne en cours vise à stopper l’armée russe, mais aussi à l’affaiblir au point d’empêcher toute récidive de l’opération militaire lancée en Ukraine.

L’aide américaine passe aussi par la fourniture de renseignements stratégiques sur les avancées des forces russes. Le New York Times a indiqué jeudi que ces informations auraient permis notamment aux combattants ukrainiens de tuer plusieurs officiers de haut rang déployés sur le terrain, ce qu’a démenti le ministère américain de la Défense. Il est exact que les États-Unis transmettent à Kyiv des éléments des renseignements « afin d’aider les Ukrainiens à défendre leur pays », a déclaré John Kirby, le porte-parole du Pentagone. Mais, a-t-il ajouté, « nous ne fournissons pas d’informations sur la localisation de hauts commandants militaires sur le champ de bataille, pas plus que nous ne participons aux décisions de ciblage prises par les militaires ukrainiens ».

Selon la chaîne américaine NBC, des informations communiquées par les États-Unis ont aidé l’Ukraine à couler le croiseur russe Moskva, navire amiral de la flotte russe en mer Noire, le 14 avril dernier. D’après des responsables anonymes cités par la chaîne, les forces ukrainiennes ont demandé aux Américains des renseignements concernant un navire croisant en mer Noire. Les Américains auraient alors identifié le bâtiment comme étant le Moskva et auraient précisé sa position.

Dmitri Peskov a déclaré que les actions des États-Unis, du Royaume-Uni et des autres pays membres de l’OTAN avaient empêché l’« achèvement rapide » de l’opération russe, mais n’empêcheraient pas l’atteinte des objectifs fixés par Moscou.

Des garanties de sécurité pour la Suède

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Jens Stoltenberg, secrétaire général de l’OTAN

Alors que la situation stagne sur le terrain, les manœuvres diplomatiques relativement à la guerre se poursuivent de plus belle. L’OTAN a fait savoir jeudi qu’elle intensifierait sa présence en mer Baltique et à proximité des frontières de la Suède pour protéger le pays s’il présentait une demande d’adhésion à l’organisation.

Son secrétaire général, Jens Stoltenberg, a dit avoir bon espoir que des « solutions seraient trouvées » pour empêcher toute attaque russe durant la période de transition. Tant la Suède que la Finlande doivent décider prochainement s’ils entendent aller de l’avant avec le processus, alors que Moscou laisse planer la possibilité de représailles.

Vladimir Poutine a parallèlement présenté des excuses à Israël pour calmer une crise diplomatique suscitée par une récente sortie de son ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov. Il avait affirmé dimanche à la télévision italienne qu’Adolf Hitler « avait du sang juif » pour tenter de justifier le fait que Moscou prétend vouloir « dénazifier » l’Ukraine, alors que Volodymyr Zelensky est juif. L’intervention du diplomate avait suscité l’indignation des dirigeants israéliens, qui se sont gardés, contrairement à la plupart des pays occidentaux, d’imposer des sanctions à la Russie pour son intervention en Ukraine.

Avec l’Agence France-Presse et l’Associated Press