Pour la première fois depuis le début de la guerre, un officiel russe a déploré un acte de « sabotage » commis sur le sol de la Russie par un ou des inconnus pro-ukrainiens, mettant fin à des semaines de conjectures après une série d’explosions et d’incendies inexpliqués.

Pont ferroviaire endommagé

Des équipes de travailleurs s’affairaient cette semaine à réparer un pont ferroviaire stratégique de la région de Koursk, dans l’ouest de la Russie. Le pont s’est effondré dimanche à la suite d’un acte de « sabotage », selon les autorités russes : le gouverneur de la région de Koursk, Roman Starovoit, a déclaré que le pont avait été détruit par des assaillants non identifiés. Le Comité d’enquête, principale agence d’investigation de l’État russe, a ouvert une enquête criminelle sur ce qu’il a décrit comme un « acte terroriste », selon l’Associated Press. Le pont se trouve à 80 km environ de la frontière avec l’Ukraine, sur une liaison ferroviaire clé utilisée pour le ravitaillement des troupes russes combattant dans l’est de l’Ukraine.

Incendie près de Moscou

L’effondrement de ce pont n’est que le dernier d’une série d’évènements inexpliqués survenus ces derniers jours en Russie. Près de Moscou, lundi, un violent incendie a ravagé le gigantesque entrepôt de 34 000 mètres carrés de la maison d’édition pro-Kremlin Prosveshcheniye, l’un des plus grands imprimeurs de manuels scolaires de Russie. Quelques jours plus tôt, la maison d’édition avait fait les manchettes après avoir annoncé qu’elle occulterait à l’avenir toute référence à l’Ukraine et aux Ukrainiens dans les nouveaux manuels scolaires d’histoire, de littérature et de géographie utilisés par des millions d’élèves russes.

Explosion à Belgorod

Dimanche, une puissante explosion a été rapportée à Tomarovka, dans la région de Belgorod, en Russie, près de la frontière ukrainienne. Le gouverneur de la région a confirmé qu’un incendie s’était déclaré dans une installation appartenant au ministère de la Défense de la Russie, possiblement un dépôt de munitions. Depuis quelques jours, des bruits d’explosions et des bruits sourds sont rapportés, surtout la nuit, sur les réseaux sociaux par les habitants de Belgorod.

CAPTURE D'ÉCRAN TIRÉE DU COMPTE TWITTER DE MICHAEL A. HOROWITZ

Explosion rapportée à Tomarovka, dans la région de Belgorod, en Russie

De la défense à l'attaque

« Le sabotage a lieu sur le territoire russe. Est-ce fait par des Ukrainiens qui ont traversé la frontière ? Ou bien c’est fait par des sympathisants au sein même de la Russie ? », se demande Christian Leuprecht, professeur agrégé de science politique au Collège militaire royal du Canada et à l’Université Queen’s. « Si on regarde ce qui se passe depuis 10 jours environ, on voit que les Ukrainiens sont capables d’attaquer les lignes de ravitaillement utilisées par l’armée russe sur le territoire russe. C’est forcément un aspect très important pour les Ukrainiens, car la logistique russe passe par les rails. Comme leur pays est si vaste, les Russes sont très dépendants du transport ferroviaire », poursuit le professeur. « Ça renforce aussi l’idée que les Ukrainiens ne sont pas seulement en train de se défendre : ils sont aussi de plus en plus en mesure d’attaquer », explique Christian Leuprecht.

« Opérateurs créatifs »

« Imaginez que votre travail est de protéger des cibles d’infrastructures russes contre des opérateurs créatifs très motivés qui ressemblent à des Russes, parlent russe et, dans de nombreux cas, ont probablement des passeports russes… », écrit Dmitry Grozoubinski, analyste et ex-diplomate australien, sur Twitter, quant à la difficulté pour les officiels russes de protéger les infrastructures stratégiques sur leur territoire contre le sabotage.

La Russie vise les rails et le grain en Ukraine

L’armée russe en Ukraine vise aussi à couper le transport ferroviaire et à lui nuire. Mercredi, des médias ukrainiens ont rapporté que l’armée russe avait lancé des missiles sur le centre-ville de Dnipro, ville d’un million d’habitants située dans le centre-est du pays, et y aurait visé notamment des lignes de chemin de fer. D’autres explosions ont été rapportées à Tcherkassy et à Zaporijjia. La veille, les forces russes avaient bombardé le chemin de fer de Volovets et de Lviv, dans l’ouest de l’Ukraine, tandis qu’elles avaient atteint par missile le 2 mai un entrepôt de grains à Dnipro.

En savoir plus
  • 3 millions
    Nombre approximatif d’Ukrainiens qui vivaient en Russie en 2018, soit la plus grande diaspora ukrainienne au monde
    Source : Gouvernement de l’Ukraine