(Kyiv) La Russie ne cherche pas à terminer la guerre en Ukraine le 9 mai, célébré comme le Jour de la Victoire, a déclaré son ministre des Affaires étrangères, alors que des analystes estimaient une fin possible du conflit à cette date.

Ce que vous devez savoir

  • Nancy Pelosi a fait une visite surprise à Kyiv pour afficher la solidarité « sans équivoque » des États-Unis ;
  • L’opération d’évacuation de civils du complexe sidérurgique Azovstal à Marioupol « se poursuit », a annoncé un porte-parole de l’ONU ;
  • Le pape François a renouvelé son appel à l’ouverture de couloirs humanitaires pour évacuer les civils de Marioupol ;
  • Des trolls prorusses mènent une guerre de l’information depuis une ancienne usine de Saint-Pétersbourg, d’où ils ciblent des dirigeants occidentaux et relaient la propagande du Kremlin, a rapporté le gouvernement britannique ;
  • L’Allemagne a annoncé avoir déjà réussi à fortement réduire cette tendance, notamment pour le charbon et le pétrole.

« Nos militaires n’ajusteront pas artificiellement leurs actions à une date quelconque, y compris le Jour de la Victoire », a déclaré Sergueï Lavrov dans un entretien avec la télévision italienne Mediaset diffusé dimanche, en référence à cette date commémorant le 9 mai 1945 et la reddition des nazis face aux Alliés, dont l’Union soviétique.

« Le rythme de l’opération en Ukraine dépend, avant tout, de la nécessité de minimiser les risques éventuels pour la population civile et les militaires russes », a-t-il ajouté.

La Russie célèbre généralement le Jour de la Victoire en grande pompe, avec un grand défilé militaire dans le centre de Moscou et un discours du président Vladimir Poutine saluant le rôle de premier plan joué par le pays dans la défaite du fascisme en Europe.

Mais les célébrations de cette année auront pour toile de fond la campagne militaire de Moscou en Ukraine, que M. Poutine a justifiée en affirmant notamment que l’ancienne république soviétique devait être « dénazifiée » et en faisant d’autres allusions à la Seconde Guerre mondiale.

« Nous célébrerons solennellement le 9 mai, comme nous le faisons toujours. Souvenons-nous de ceux qui sont tombés pour la libération de la Russie et d’autres républiques de l’ex-URSS, pour la libération de l’Europe du fléau nazi », a déclaré M. Lavrov.

Des milliers de civils ont été tués en Ukraine et des millions déplacés par l’invasion russe, qui a débuté le 24 février.

Moscou a annoncé un bilan officiel d’un millier de morts parmi ses soldats. L’Ukraine affirme que les pertes de la Russie sont beaucoup plus élevées.

Des dizaines de civils évacués de Marioupol

Des dizaines de civils ont été évacués dimanche de la ville de Marioupol, dans le sud-est de l’Ukraine, où ils étaient piégés dans le complexe sidérurgique d’Azovstal avec les militaires ukrainiens qui résistent encore sous les bombes russes.

L’ONU a confirmé que cette opération, commencée samedi et menée en coordination entre l’Ukraine, la Russie et le CICR, se poursuivait.

« L’évacuation de civils depuis Azovstal a commencé. Un premier groupe d’environ 100 personnes se dirige vers le territoire contrôlé (par l’Ukraine). Demain on va les accueillir à Zaporijjia », une ville située à l’ouest de Marioupol, a écrit sur Twitter le président ukrainien Volodymyr Zelensky.  

Le ministère russe de la Défense a quant à lui assuré que « grâce à l’initiative du président russe Vladimir Poutine, 80 civils, dont des femmes et des enfants, détenus par des nationalistes ukrainiens, ont été secourus du territoire de l’usine d’Azovstal, évacués vers le village de Bezimennoïé dans la République populaire de Donetsk (sous contrôle russe, NDLR), où ils ont reçu un logement, de la nourriture et l’assistance médicale nécessaire ».

« Les civils […] qui souhaitaient partir vers les zones contrôlées par le régime de Kyiv ont été transférés à des représentants de l’ONU et du Comité international de la Croix-Rouge », a ajouté le ministère.

Des bus avec la lettre Z

Une vidéo diffusée par le ministère de la Défense russe montre un convoi de voitures et de bus roulant dans le noir, ornés de la lettre « Z », symbole des forces armées russes dans ce conflit.

L’ONU a confirmé « une opération d’évacuation » en cours. Celle-ci a été lancée « en coordination avec le CICR et les parties au conflit », a indiqué Jens Laerke, porte-parole du Bureau de coordination des Affaires humanitaires. Il a souligné ne pouvoir donner d’autre détail pour des raisons de sécurité.

Des milliers de civils avaient pu quitter depuis le début de la guerre le 24 février Marioupol, ville portuaire peuplée avant la guerre d’un demi-million d’habitants et désormais sous contrôle russe après des semaines de bombardements qui l’on presqu’entièrement détruite et on fait au moins 20 000 morts, selon les Ukrainiens.  

Mais c’est la première fois, après de multiples tentatives avortées malgré l’intercession de responsables étrangers et du pape François, que des civils retranchés dans le complexe d’Azovstal, dernière poche de résistance ukrainienne écrasée sous les bombes russes, peuvent en sortir.

« Marioupol, ville de Marie »

Le pape avait renouvelé dimanche son appel, lors de la prière de l’Angélus au Vatican, à l’ouverture de couloirs humanitaires sécurisés pour évacuer les civils de « Marioupol, ville de Marie, bombardée et détruite de manière barbare ».

Photo ALEXANDER ERMOCHENKO, REUTERS

Des civils qui ont quitté la zone près de l’aciérie d’Azovstal à Marioupol marchent accompagnés du personnel de l’ONU vers des logements temporaires.

De nouvelles images satellites de Maxar Technologies prises le 29 avril ont montré que presque tous les bâtiments de l’immense complexe sidérurgique avaient été détruits par les bombardements, les militaires ukrainiens et les civils se terrant dans les nombreuses galeries souterraines datant de l’époque soviétique, attaquées selon Kyiv avec des bombes perforantes de très forte puissance.

Le commandant de la 36e brigade ukrainienne de fusiliers marins retranchés à Azovstal, Serguiï Volynsky, avait ainsi indiqué jeudi qu’une bombe russe avait détruit l’hôpital de campagne souterrain mis en place sur le site.  

photo image satellite © 2022 Maxar Technologies, fournie a l’Associated Press

Une vue du complexe d’Azovstal, le 29 avril dernier.

« Toute l’infrastructure médicale, la salle d’opération ont été anéanties. Beaucoup de nos gars ont été tués sur le coup. Beaucoup de blessés ont reçu de nouvelles blessures. La situation devient encore plus critique », avait-il transmis au site ukrainien Levy Bereg, alors que la veille il faisait déjà état de 600 soldats blessés et de centaines de civils.

Confrontée à une lente progression des forces russes, en supériorité numérique et mieux dotée en armements lourds, dans l’est de son territoire après les avoir mises en échec autour de Kyiv au début de l’offensive, l’Ukraine a reçu ce week-end la visite, non annoncée, d’une délégation du Congrès américain avec à sa tête la présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, reçue par Volodymyr Zelensky.

Photo UKRAINIAN PRESIDENTIAL PRESS SER, via REUTERS

Nancy Pelosi et Volodymyr Zelensky

« Notre délégation s’est rendue à Kyiv pour envoyer un message sans équivoque et retentissant au monde entier : les États-Unis sont aux côtés de l’Ukraine », a souligné la délégation du Congrès, garant de l’aide américaine qui va notamment passer par un programme Lend-Lease (Prêt-Bail), semblable à celui mis en place par les États-Unis pour ses alliés pendant la Seconde Guerre mondiale.

Cette visite intervenait une semaine après le déplacement à Kyiv du chef de la diplomatie américaine Antony Blinken et du ministre de la Défense Lloyd Austin, qui avaient annoncé une aide supplémentaire de plus de 700 millions de dollars.

L’Ukraine ne cesse en effet de répéter son besoin urgent en armements lourds, notamment blindés et obusiers longue portée, promis par les Occidentaux.

« Difficile dans l’Est »

Un haut responsable militaire ukrainien a indiqué samedi soir avoir informé le chef d’état-major de l’armée américaine Mark A. Milley de « la situation difficile dans l’Est de notre pays, notamment dans les régions d’Izioum et de Sieverodonetsk, où l’ennemi a concentré l’essentiel de ses efforts et ses troupes les plus préparées au combat ».

Le président Zelensky a lui aussi alerté samedi sur le fait que les Russes « ont constitué des renforts dans la région de Kharkiv, essayant d’augmenter la pression dans le Donbass ».  

Dans les régions de Kharkiv, deuxième ville du pays, et Donetsk, huit civils ont été tués dimanche dans des bombardements, dont quatre dans la seule ville de Lyman, proche du front, ont annoncé les gouverneurs régionaux.

C’est dans ce flanc oriental que l’armée russe grignote du terrain, en cherchant à prendre en étau son adversaire depuis le nord et le sud afin de compléter son emprise sur le bassin minier du Donbass.

Dans le sud, le ministère russe de la Défense a assuré avoir détruit, en frappant samedi un aérodrome près d’Odessa, « un hangar avec des armes et des munitions reçues des États-Unis et de pays européens », ainsi que la piste.

Le gouverneur de la région, Maxim Martchenko, avait fait état samedi d’une frappe de missiles sur un aéroport de cette ville portuaire d’un million d’habitants, jusqu’à présent relativement épargnée.

« Sabotage »

Les Ukrainiens se sont autorisés à frapper de leur côté en territoire russe.

Après une série d’explosions touchant des infrastructures en Russie, attribuées à des incursions des militaires ukrainiens au-delà de la frontière, le gouverneur de la région russe de Belgorod a fait état d’un incendie samedi dans des installations militaires.

Dans la journée, le gouverneur d’une autre région frontalière, celle de Koursk, avait attribué à un « sabotage » l’effondrement d’un pont de chemin de fer.

Côté armement, au milieu des grandes plaines vallonnées et des cités industrielles, le face-à-face se fait essentiellement à l’artillerie. Le rapport de force y est extrêmement favorable aux Russes, jusqu’à « cinq fois supérieur en termes d’équipement » selon Iryna Terehovytch, sergent de la 123e brigade ukrainienne.

À Bruxelles, des sources européennes ont indiqué que l’UE finalise un arrêt progressif de ses achats de pétrole et de produits pétroliers à la Russie pour sanctionner la guerre en Ukraine et va annoncer cette semaine un calendrier et de nouvelles mesures.

« Il y a une volonté politique de cesser les achats de pétrole à la Russie et nous aurons la semaine prochaine des mesures et une décision sur un retrait progressif », a affirmé un responsable européen impliqué dans les discussions.