(Paris) A peine rangées les urnes de la présidentielle, les grandes manœuvres de chaque camp sont bien engagées pour les élections législatives dans six semaines, avec beaucoup d’incertitudes sur l’issue de ce « troisième tour » où Emmanuel Macron joue gros.

Les tractations en vue du scrutin des 12 et 19 juin sont en cours du côté de la majorité autour du président réélu, et à gauche avec un Jean-Luc Mélenchon en position de force. Et la direction du PS a topé dès vendredi sur les grandes lignes du programme de LFI – au prix toutefois de fortes tensions en interne.

À l’extrême droite à l’inverse, ce sera chacun pour soi, au moins au premier tour. Le RN de Marine Le Pen a exclu une alliance avec Reconquête !, au grand dam du camp d’Éric Zemmour.

Mais il faudra aussi compter sur un « quatrième bloc », celui de l’abstention, déjà élevée au second tour de la présidentielle (28 %).

Les hypothèses vont bon train. Malgré sa réélection avec 58,6 % des voix, Emmanuel Macron est « bien élu », mais fait figure de « colosse aux pieds d’argile », car « on a vu au premier tour que les protestations en tous genres recueillaient presque 60 % des suffrages », estime le politologue Pascal Perrineau.

« Rien n’est joué »

Mais « rien n’est joué », selon Brice Teinturier, directeur général délégué d’Ipsos France. « Cela dépend beaucoup de ces alliances » à droite comme à gauche.  

Les tiraillements n’ont pas tardé à ressurgir sur l’architecture de la future majorité et la question épidermique des investitures. Horizons, le parti de l’ancien premier ministre Édouard Philippe, s’est déjà dit « surpris » du manque de discussions avec ses partenaires.

Au centre du dispositif, le président de l’Assemblée nationale Richard Ferrand (LREM) est chargé d’assurer l’équilibre du « trimaran » majoritaire, avec sans doute « un flotteur central LREM/MoDem, une aile gauche et une aile droite », souligne un parlementaire.

À droite, le patron des Républicains Christian Jacob a réaffirmé la volonté « d’indépendance » de son parti face aux sirènes macronistes. LR lancera sa campagne législative le 7 mai.

Mais les rumeurs de ralliements à la macronie se multiplient, notamment d’élus LR, menacés d’effacement après le piètre résultat de leur candidate Valérie Pécresse.

À l’extrême droite, le président du RN Jordan Bardella a annoncé jeudi que sa formation aurait des candidats – issus du RN ou soutenus par lui – dans les 577 circonscriptions en jeu. Marine Le Pen se représentera dans son fief de Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), a-t-il annoncé depuis Fréjus (Var).

M. Bardella a souhaité un « maximum de députés », sans toutefois fixer d’objectif précis.

Pas d’alliance avec le camp Zemmour avant le premier tour, mais il a ouvert une lucarne à un soutien à des « candidats patriotes » qui seraient mieux placés que ceux du RN au second tour.

« Reddition »

Ambitions et états d’âme aussi à gauche, où Jean-Luc Mélenchon, fort d’une solide troisième place à la présidentielle, veut s’imposer en chef de file et se rêve en premier ministre de cohabitation. Il nie toute velléité hégémonique en promettant à ceux qui le rallieront d’avoir leur propre groupe à l’Assemblée.

Des discussions bilatérales ont été engagées notamment avec EELV, le PCF, le petit parti trotskiste NPA, et avec le Parti socialiste, dont la direction a souscrit vendredi aux propositions du programme de LFI.

Mais cela tangue en interne, certains comme le sénateur PS Rachid Temal y voyant une « reddition en rase campagne », tandis que l’ancien président François Hollande met en garde contre une « disparition » du PS.

« Une coalition n’est pas une soumission », plaide le patron des socialistes Olivier Faure.

Côté écologistes, Julien Bayou, secrétaire national d’EELV, a estimé vendredi qu’un accord avec LFI était « en vue […] dans les heures qui viennent ».

Les discussions patinaient ces derniers jours. L’ex-candidat à la présidentielle Yannick Jadot a dit être favorable à une « coalition » de « toutes les forces de gauche », mais derrière Jean-Luc Mélenchon, « ça ne marchera pas ». Les soutiens de ce dernier pointent eux les guerres internes au sein des écologistes.

Il faut « un rassemblement qui respecte l’ensemble des forces », juge aussi le communiste Fabien Roussel.  

Un accord est espéré d’ici la fin du week-end, date butoir fixée par les protagonistes.