(Paris) Même s’il a été réélu avec une nette majorité dimanche soir, Emmanuel Macron n’est pas au bout de ses peines. Pour son prochain quinquennat, le président devra trouver les moyens de réconcilier une France fracturée, tout en allant au bout de ses réformes. La méthode s’annonce moins brusque, plus concertée. Mais dans un contexte social et international volatil, la pression sera grande. Législatives, écologie, social, retraites, institutions : voici cinq chantiers à visiter pour le président réélu.

Le chantier des législatives

Sa victoire était à peine proclamée, dimanche soir, que ses adversaires lui donnaient déjà rendez-vous pour la bataille des législatives, les 12 et 19 juin. Ce « troisième tour », comme disent les Français, confirme habituellement le résultat de l’élection présidentielle. Mais alors qu’Emmanuel Macron demeure une personnalité clivante et que de nombreux électeurs ont voté pour lui par dépit, des surprises restent possibles. À droite (Éric Zemmour) comme à gauche (Jean-Luc Mélenchon), des appels à coalition ont été lancés pour renverser la majorité et forcer une cohabitation qui serait probablement très houleuse. Son mouvement En marche doit remporter ce scrutin, sinon le locataire de l’Élysée risque de vivre des jours difficiles.

Le chantier écologique

Il possède un bilan assez contesté en la matière. Mais ce second mandat devrait lui permettre de rehausser la barre et d’amorcer un « virage vert » attendu par une très large partie de la jeunesse et d’un électorat de gauche qu’il tente de rallier à sa cause. Il en a d’ailleurs fait un thème central de sa campagne d’entre-deux-tours et de son discours de victoire.

« Je pense qu’il ne pourra pas faire l’impasse sur cette question et qu’il devra être très ambitieux et volontariste. Il dit lui-même que c’est le sujet sur lequel il s’est le plus transformé intellectuellement », résume Olivier Ihl, professeur de politique à l’Université de Grenoble.

M. Macron s’est d’ores et déjà engagé à multiplier les éoliennes en mer, développer l’énergie solaire, créer des filières vertes 100 % françaises ou construire de nouveaux réacteurs nucléaires, gage d’une indépendance énergétique face au gaz russe.

Même si tout le monde sera d’accord sur le fond, cet indispensable chantier ne fera peut-être pas que des heureux. « Ça peut passer par des mesures se raccrochant à l’écologie punitive, souligne le politologue Jean Petaux. Il va falloir qu’il trouve les moyens de faire admettre ces réformes qui seront nécessairement douloureuses. »

Le chantier social

Emmanuel Macron devra impérativement honorer les promesses sociales qu’il a faites pendant la campagne électorale pour convaincre un électorat de gauche ou populaire qui est loin d’être acquis à sa cause. Salaires, RSA (aide sociale), pouvoir d’achat, logement, hausse du prix de l’essence, de l’énergie, du coût de la vie, alouette. « Tout de suite, il va être très attendu sur ce terrain, il va lui falloir donner des gages, explique Olivier Ihl. Or, ça va être compliqué parce que les créances publiques de la France ne sont pas en bon état et on ne peut pas constamment occasionner des dettes. D’autant que les taux d’intérêt commencent à remonter. Ce sera un autre défi important. »

Le chantier des retraites

M. Macron en a fait une des mesures principales de son programme. Avec raison. La réforme des retraites a été un des points de clivage de son premier mandat, et il n’a jamais réussi à mener ses mesures à terme, ayant été coupé dans son élan par la crise de la COVID-19.

« Il a de la pression là-dessus, souligne Caroline Vigoureux, journaliste politique à L’Opinion. Je pense qu’il devra aller au bout de cette question s’il veut prouver qu’il est bien le réformiste qui s’était présenté aux Français en 2017. » Le projet semble toutefois avoir changé sur certains points. Pendant la campagne électorale, le candidat Macron s’est notamment dit ouvert à rabaisser l’âge légal de la retraite à 64 ans, alors qu’il souhaitait auparavant le faire passer de 62 à 65 ans. Le politologue Jean Petaux n’exclut pas, malgré tout, que les « oppositions réapparaissent » quand la réforme sera de nouveau sur les rails. « À mon sens, ça va être un énorme morceau », dit-il.

Le chantier des institutions

La forte abstention au second tour de la présidentielle (28 %) a confirmé la désaffection des Français pour l’exercice démocratique. « Macron devra les réconcilier avec la politique, renouer le lien de confiance et donc rénover et réformer les institutions comme il s’était engagé à le faire en 2017 », souligne Caroline Vigoureux.

Ce chantier multiple pourrait entre autres se traduire par l’introduction de la proportionnelle aux législatives et la diminution du nombre de parlementaires. « Il y avait beaucoup de choses qui étaient assez ambitieuses dans son programme et rien de tout cela n’a eu lieu, ajoute Mme Vigoureux. Je pense que là, il le faut pour le bien-être démocratique du pays et pour que les Français se sentent davantage représentés à l’Assemblée nationale, ce qui n’est vraiment pas le cas aujourd’hui. »

Emmanuel Macron a également évoqué des « conventions citoyennes », qui permettraient d’impliquer les Français dans l’élaboration de certaines lois. Ce nouvel espace d’expression démocratique pourrait par exemple intervenir dans le cadre du débat sur l’aide à mourir, toujours interdite en France.

Pas question, en revanche, d’introduire le fameux référendum d’initiative citoyenne (RIC) porté par Marine Le Pen et revendiqué par les gilets jaunes. « Ce n’est pas dans sa culture du tout, résume Thomas Guénolé, auteur du Livre noir de la mondialisation. Macron est clairement plus dans la verticalité. »

Qu’importe le chantier, le politologue est toutefois convaincu d’une chose : l’Emmanuel Macron du deuxième mandat sera très actif. « Il sera plus pugnace, plus offensif et plus réformateur que le Macron du premier mandat. Il va aller plus fort et plus vite, j’en suis certain. »