(Zaporijjia) Les appels à la trêve en Ukraine à l’occasion du week-end pascal en terre orthodoxe semblent rester lettre morte, notamment à Marioupol, en raison d’un persistant dialogue de sourds entre Kyiv et Moscou.

Ce que vous devez savoir

  • Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres se rendra la semaine prochaine en Russie où il sera reçu par Vladimir Poutine ;
  • Les États-Unis et l’UE ont réitéré que tout soutien de Pékin à Moscou pour contourner les sanctions occidentales nuirait à leurs liens avec la Chine ;
  • Moscou vise le « contrôle total du Donbass et du sud de l’Ukraine » ;
  • Le port stratégique de Marioupol, que Moscou assure avoir « libéré », résiste encore aux forces russes, affirme Kyiv ;
  • La situation est jugée trop « dangereuse » pour évacuer des civils vendredi ;
  • L’ONU accuse l’armée russe d’actions « pouvant relever des crimes de guerre » en Ukraine ;
  • Des militaires ukrainiens sont formés au Royaume-Uni à l’utilisation des véhicules blindés que Londres va fournir à l’Ukraine ;
  • Le conflit pourrait durer jusqu’à la fin 2023, selon Boris Johnson ;
  • Plus de 5,1 millions de réfugiés ont fui le pays ;
Consultez Mieux comprendre la guerre en Ukraine

La guerre entrera dimanche dans son deuxième mois, mais la « deuxième phase de l’opération spéciale » lancée par Moscou vient de commencer, cette semaine. « L’un des objectifs de l’armée russe est d’établir un contrôle total sur le Donbass et le sud de l’Ukraine », a assené vendredi un haut responsable militaire russe.

Les troupes russes, qui se sont retirées fin mars de la région de Kyiv et du nord et l’Ukraine, occupent déjà une grande partie de l’est et du sud du pays. Il s’agit désormais d’« assurer un couloir terrestre » vers la Crimée et un autre menant à la Transdniestrie, région moldave prorusse où se trouve une garnison russe, a détaillé le général Roustam Minnekaïev, commandant adjoint des forces du District militaire du Centre de la Russie.

Les autorités ukrainiennes de leur côté, qui ont obtenu ces derniers jours une aide en armements plus substantielle des Occidentaux, continuent d’assurer qu’elles peuvent repousser l’armée russe hors de leur sol. Mais elles réclament aussi une trêve pascale.

Celle-ci a été « rejetée » par Moscou, avait pesté jeudi Volodymyr Zelensky. Le président ukrainien a ensuite accusé, vendredi soir, la Russie d’avoir « apporté la mort en Ukraine », tout en ajoutant : « La mort n’a aucune chance de gagner sur la vie, tout chrétien le sait ».

PHOTO GENYA SAVILOV, AGENCE FRANCE-PRESSE

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky

Une « pause humanitaire est nécessaire pour l’évacuation en toute sécurité de milliers de civils qui souhaitent quitter les zones dangereuses des hostilités en cours et possibles, en particulier de Marioupol, qui souffre depuis longtemps », avec sans doute des milliers de morts, a aussi indiqué le ministère ukrainien des Affaires étrangères vendredi soir sur son site.

« Contre-attaque » à « 101 % »

Cela rejoint la demande formulée au téléphone par le président du Conseil européen Charles Michel auprès du président russe Vladimir Poutine de garantir des corridors humanitaires à Marioupol, port stratégique du sud-est en grande partie détruit par plusieurs semaines de bombardements, et presque intégralement sous contrôle russe.

« Appel avec le président Poutine. Les corridors humanitaires à Marioupol et dans les autres villes assiégées doivent être immédiats, spécialement à l’occasion de Pâques orthodoxe » le dimanche 24 avril, a tweeté celui qui représente les États membres de l’UE.

Le Kremlin a de son côté affirmé à l’issue de cet entretien que Kyiv refusait la reddition des derniers soldats ukrainiens présents dans la zone industrielle d’Azovstal, alors que l’armée russe se disait prête à observer « à tout moment » une trêve « sur tout ou partie » de ce site pour permettre l’évacuation de civils et la reddition de combattants.

PHOTO CHINGIS KONDAROV, REUTERS

Des membres des troupes prorusses se tiennent devant l’immense complexe métallurgique Azovstal, occupée par des combattants ukrainiens, le 21 avril à Marioupol.

« La vie de tous les militaires ukrainiens, combattants nationalistes et mercenaires étrangers est garantie s’ils déposent les armes […] Mais le régime de Kyiv n’autorise pas cette possibilité », a dit M. Poutine, selon un communiqué du Kremlin.

Moscou avait assuré jeudi avoir « libéré » Marioupol. Les combattants ukrainiens « tiennent bon » dans l’usine Azovstal où sont également retranchés des civils, a rétorqué Kyiv vendredi. Le président Poutine a ordonné de faire le siège, sans assaut, de cet immense complexe métallurgique.

PHOTO ALEXANDER ERMOCHENKO, REUTERS

Le corps d’une personne tuée à Marioupol est transporté par des spécialistes de la gestion des urgences.

Un conseiller du président ukrainien, Oleksiï Arestovitch, a promis vendredi soir une « contre-attaque » à « 101 % » pour reconquérir Marioupol dès que l’état-major le décidera, selon la presse ukrainienne. C’est que « le succès de l’offensive russe dans le sud dépend du sort de Marioupol », comme l’a confié un peu plus tôt à l’AFP le gouverneur régional, Pavlo Kyrylenko.

L’ONU a répertorié vendredi une série d’actions des militaires russes « pouvant relever de crimes de guerre », et la société américaine Maxar Technologies a diffusé des images satellites révélant, selon elle, « l’existence d’un deuxième cimetière qui s’est étendu au cours du dernier mois », situé à Vynohradne, à une douzaine de kilomètres de Marioupol. Un premier ensemble de possibles fosses communes avait été récemment mis au jour à Manhush (ouest de Marioupol).

Silence des sirènes

Y aurait-il eu une accalmie dans le conflit dans la nuit de vendredi à samedi ? De fait, de manière inhabituelle, les canaux d’information ukrainiens n’ont fait état d’aucun déclenchement nocturne de sirènes d’alerte aérienne sur le territoire du pays.

Plusieurs couloirs humanitaires à Marioupol ont été annulés à la dernière minute, Moscou et Kyiv se rejetant la responsabilité de ces échecs. Vendredi soir, la vice-première ministre ukrainienne a d’ailleurs avancé sur Telegram qu’il y avait « une chance » d’en ouvrir un le lendemain, tout en déplorant « tellement de tentatives ratées ».

Mardi, le secrétaire général de l’ONU avait dénoncé la nouvelle offensive russe et demandé aux deux parties d’arrêter les combats pour une « pause humanitaire » de quatre jours à l’occasion de la Pâque orthodoxe. Antonio Guterres se rendra mardi à Moscou pour y rencontrer M. Poutine, et dans la foulée à Kyiv pour voir M. Zelensky.

Autre initiative de paix, celle de l’Église orthodoxe ukrainienne relevant du patriarcat de Moscou : selon son chef, le métropolite Onoufriï, elle est « prête à organiser une procession » pour « apporter une aide d’urgence et évacuer les civils » ainsi que « les militaires blessés ».

« Nous nous adressons à qui de droit et nous demandons d’assurer un cessez-le-feu à Marioupol et dans ses banlieues ainsi qu’un couloir humanitaire pour ladite procession de prière du Vendredi saint, le 22 avril, à Pâques », célébrée par les orthodoxes le 24 avril, a précisé le dignitaire dans le communiqué publié par le site de son église.

Depuis le début de l’invasion russe en Ukraine, l’Église ukrainienne relevant du Partiarcat de Moscou, dont le métropolite Onoufriï a appelé les fidèles à soutenir l’armée ukrainienne, a pris ses distances par rapport au patriarche de Moscou Kirill, qui a béni la guerre.

Mais trêve ou pas, les capitales s’attendent à un conflit appelé à durer. Le premier ministre britannique Boris Johnson a qualifié vendredi de « réaliste » la possibilité que la guerre en Ukraine dure jusqu’à la fin de l’année 2023 en raison de la détermination de la Russie à poursuivre son offensive « épouvantable ».

Et Washington a invité vendredi 40 pays alliés à se retrouver en Allemagne mardi prochain pour discuter des besoins sécuritaires à long terme de l’Ukraine.