(Paris) À cinq jours du scrutin, les deux candidats à la présidentielle croiseront le fer ce mercredi, pour un affrontement crucial.

Ils s’opposent par déclarations interposées depuis le début de la campagne de l’entre-deux tours. Mais cette fois, Marine Le Pen et Emmanuel Macron croiseront le fer en personne.

À cinq jours du scrutin prévu dimanche, les deux candidats à la présidentielle française vont s’affronter mercredi soir dans un débat télévisé très attendu, qui pourrait largement influencer le résultat final. Il s’agira, pour Macron, de convaincre les sceptiques qu’il mérite leur confiance pour un autre mandat. Et, pour Le Pen, de faire oublier sa performance gênante d’il y a cinq ans.

La patronne du Rassemblement national (RN), agressive, n’avait pas été à la hauteur. Son manque de préparation était flagrant.

On la voyait balbutier, fouiller dans ses notes et se tromper de fiches dans ce qui avait tout l’air d’un crash au ralenti.

La principale intéressée a d’ailleurs reconnu par la suite avoir « trébuché » pendant l’exercice.

Brillant par sa répartie et sa maîtrise des dossiers, le jeune Macron n’avait pas eu grand-chose à faire pour gagner le match.

Il avait été élu quelques jours plus tard avec 66 % des voix.

Les attentes et le mépris

Le débat de ce mercredi pourrait toutefois être différent.

Selon ses soutiens, Marine Le Pen aurait appris de son échec. Elle a poli son image et serait beaucoup mieux préparée qu’il y a cinq ans. Pas question pour elle de rater cette seconde chance de prouver qu’elle possède la stature présidentielle.

Selon les experts, il ne faut donc pas présumer d’un mauvais remake de 2017. Même si les sondages donnent Macron vainqueur dimanche prochain, par une marge beaucoup plus réduite qu’il y a cinq ans (54 % contre 47 %), il n’est pas exclu que les intentions de vote soient bouleversées dans la foulée de ce nouveau bras de fer.

PHOTO FRANÇOIS MORI, ASSOCIATED PRESS

Selon les experts – et le magazine hebdomadaire Marianne, notamment –, le débat Macron-Le Pen de cette année n’est pas une simple reprise du précédent.

Le Pen, du reste, n’aura pas besoin d’une performance éclatante pour tirer son épingle du jeu. « Elle a été tellement catastrophique la dernière fois qu’il lui suffit de ne pas être nulle pour gagner le débat, résume Thomas Guénolé, spécialiste de la question souverainiste en France. Les attentes envers elle sont très basses. Elle a l’avantage de ce que les Anglais appellent les low expectations. »

Le politologue rappelle qu’en 1974, François Mitterrand avait perdu l’élection après avoir perdu son débat contre Valéry Giscard d’Estaing, mais qu’il avait gagné le match-retour sept ans plus tard en se contentant d’être « très bon… sans être excellent ».

Emmanuel Macron devra de son côté hausser son niveau de jeu en évitant de tomber dans le piège de l’arrogance.

Pour beaucoup de Français, Macron est toujours perçu comme un « président des riches », une étiquette qui colle à la peau, au contraire de Mme Le Pen, qui se présente comme la candidate des classes populaires.

« Je pense qu’il [Macron] est une intelligence vive et qu’il est dix fois plus fort qu’elle. Mais le plus grand risque pour lui, c’est le mépris, suggère François Jost, professeur émérite de sciences de l’information et des communications à l’Université Sorbonne-Nouvelle. Il faudra qu’il combatte son adversaire sans afficher de mépris face à son manque de connaissances. »

Moments forts

Instauré en 1974 sur le modèle des débats télévisés américains, le débat de l’entre-deux tours s’impose depuis comme un moment fort de la campagne présidentielle.

Outre son impact sur le scrutin, cet exercice médiatique aura laissé, au fil des ans, quelques images marquantes et des répliques mémorables dont certaines sont devenues cultes.

En 1974, Valéry Giscard D’Estaing, aspirant de droite à l’élection, mouche le socialiste François Mitterrand en lui assenant : « Mais, monsieur Mitterrand, vous n’avez pas le monopole du cœur. » Il confiera plus tard dans son autobiographie avoir été élu cette année-là « grâce à une phrase de dix mots ».

En 1988, ce même Mitterrand, alors président sortant, humilie son challenger Jacques Chirac, en le qualifiant de simple « premier ministre », après que ce dernier eut tenté de lui faire admettre qu’ils étaient deux candidats à égalité face au choix des Français.

Et puis il y a l’affront de Nicolas Sarkozy à Ségolène Royal. En 2007, le candidat de droite fera mal paraître sa rivale de gauche, en lui reprochant de ne pas savoir garder son calme, qualité indispensable pour aspirer à la fonction suprême.

Sans oublier, bien sûr, le débat annulé de 2002, à la demande de Jacques Chirac, qui refuse de ferrailler avec le candidat du Front National Jean-Marie Le Pen (père de Marine). Le président sortant estime qu’accepter un débat avec son adversaire reviendrait à banaliser l’extrême droite. Les temps ont bien changé…

Il y a cinq ans, 16,5 millions de téléspectateurs avaient regardé le K.-O. en direct de Marine Le Pen. Le match revanche sera-t-il à son avantage ? Quelques bons coups pourraient permettre à la patronne du RN de se replacer, alors que sa campagne connaît quelques ratés. Mais sa marge d’erreur est mince. Si elle confirme sa difficulté à affronter un adversaire du calibre d’Emmanuel Macron, la suite risque d’être beaucoup plus compliquée pour elle.