Dans le coin droit : Emmanuel Macron, 44 ans, président sortant. Dans le coin gauche : Marine Le Pen, 53 ans, challenger… Le 24 avril, ils vont de nouveau s’affronter au second tour de la présidentielle en France, avec des projets très opposés. À huit jours du scrutin, La Presse met les deux candidats dos à dos, ou plutôt, face à face.

Emmanuel Macron

Il a dit

L’Europe, c’est un cadre de paix et de stabilité, c’est notre plus sûr atout pour aujourd’hui et pour demain. L’Europe, c’est ce qui nous protège des crises et de la guerre… Cette élection est un référendum sur l’Europe.

Discours à Strasbourg devant ses militants, mardi soir

Sur l’immigration

Le président sortant veut montrer de la « fermeté » sur ce plan, avec une refonte de l’asile et du droit de séjour. Les étrangers qui « troublent l’ordre public » seront renvoyés dans leur pays d’origine « plus rapidement ». Les conditions d’accès aux titres de séjour seront pour leur part soumises à la validation d’un examen de français et d’une « vraie démarche d’insertion professionnelle ». Emmanuel Macron veut aussi que le refus d’asile soit assorti d’une obligation de quitter la France.

PHOTO SAMEER AL-DOUMY, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Des migrants attendent un bus à Calais, dans le nord de la France.

Sur les retraites

L’âge minimal de la retraite est actuellement de 62 ans en France. Emmanuel Macron souhaite le reporter progressivement à 65 ans, tout en tenant compte des « carrières longues » ou des métiers plus pénibles. Cette mesure est au cœur de son programme. Mais il a déclaré cette semaine ne pas exclure de le réduire à 64 ans. Un compromis manifestement motivé par un besoin de séduire l’électorat de gauche. Macron s’engage aussi à augmenter la pension minimale de retraite de 906 à 1100 euros par mois (environ 1600 $ CAN).

Sur le pouvoir d’achat

C’est le sujet de préoccupation principal en France. Emmanuel Macron promet qu’il baissera les impôts de 8 milliards pour les ménages et de 7 milliards pour les entreprises. Il s’engage aussi à tripler la « prime exceptionnelle de pouvoir d’achat » versée par les employeurs à leurs salariés. Jusqu’à 6000 euros sans impôts ni cotisations. Quant aux indépendants, ils profiteraient d’une baisse de charges allant jusqu’à 550 euros par an.

Il veut aussi…

… Mettre 3000 policiers de plus dans les rues d’ici 2030. Ouvrir le débat sur l’aide médicale à mourir. Renforcer l’autonomie et la défense de l’Union européenne. Mélanger les énergies nucléaire et renouvelables. Maintenir la France dans l’OTAN.

PHOTO JOHANNA GERON, REUTERS

Policiers à Paris

Récupérer la gauche… sans s’aliéner la droite

Il se voulait de droite et « en même temps » de gauche. Mais pour les électeurs de centre gauche qui ont cru à ce slogan en 2017, la déception s’est avérée immense. Emmanuel Macron devra travailler fort pour regagner leur confiance. Il devra aussi multiplier les pirouettes pour attirer l’électorat de gauche de Jean-Luc Mélenchon, qui représente un important réservoir de voix et serait tenté d’aller chez Marine Le Pen, de s’abstenir ou de voter blanc. « On voit que depuis plusieurs jours, il envoie des signaux à cet électorat », résume le politologue Bruno Cautrès, chercheur à l’INRS. Tout cela sans s’aliéner la droite traditionnelle à qui il doit pour partie son succès au premier tour, et qui vient de lui signifier son appui par le soutien très symbolique de Nicolas Sarkozy.

Intentions de vote*

53 %

* Sondage OpinionWay–Les Échos

Marine Le Pen

Elle a dit

Le voile est un uniforme islamiste et pas musulman, c’est l’uniforme d’une idéologie, pas d’une religion. Dans les quartiers, on nous dit que toutes les femmes le font par liberté. Ce n’est pas vrai : quand le voile se répand, il isole et on le sait très bien.

Au micro de France Inter, mardi matin. Marine Le Pen souhaite interdire le port du voile dans la rue

PHOTO DMITRY KOSTYUKOV, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

Femme voilée dans une gare à Paris

Sur l’immigration

Si elle est élue, Marine Le Pen souhaite mettre fin au regroupement familial et durcir les conditions de naturalisation, en plus de supprimer le droit du sol, par lequel un enfant né en France de parents étrangers peut obtenir la nationalité française. La candidate du Rassemblement national veut aussi rendre les personnes de nationalité française prioritaires pour l’obtention d’un emploi ou d’un logement social. Elle exigera également que les demandes d’asile soient exclusivement faites à partir de l’étranger.

Sur les retraites

Pour Marine Le Pen, l’âge minimal de la retraite reste à 62 ans. Mais il pourrait descendre à 60 ans pour les personnes qui auraient fait leurs premiers pas dans le monde du travail avant 20 ans. Elle propose aussi une pension minimale de retraite à 1000 euros par mois.

Sur le pouvoir d’achat

C’est le terrain qu’elle laboure le plus depuis le début de la campagne. La candidate des petites gens veut baisser les taxes de 20 % à 5,5 % sur les énergies (essence, gaz, électricité), permettre aux entreprises une hausse de salaire de 10 % exonérée de cotisations patronales et renationaliser les autoroutes pour baisser le prix des péages. Elle veut aussi exonérer l’impôt sur le revenu pour les moins de 30 ans.

PHOTO GONZALO FUENTES, ARCHIVES REUTERS

Station-service à Écuelles, près de Paris

Elle est aussi…

… Opposée au suicide assisté. Aux éoliennes, mais pas au nucléaire. Favorable aux référendums citoyens et à la proportionnelle aux législatives. Favorable à l’investissement de 1,5 milliard de plus par an pour la sécurité et la justice. Encline à renégocier les accords de Schengen sur les frontières en Europe. Favorable au retrait de la France du commandement intégré de l’OTAN.

Droite radicale ou extrême droite ?

Ses détracteurs la disent d’extrême droite. C’est en partie vrai, mais attention aux raccourcis, souligne Jean-Yves Camus, spécialiste de la question en France. Certes, Marine Le Pen cultive la « préférence nationale », une composante typique de l’extrême droite. « Cette vision de la société qui oppose “les nôtres” et “les autres” est une entorse au principe d’égalité », souligne l’expert. Mais le terme d’extrême droite est peut-être trop… extrême, en ce qu’il renvoie au fascisme et aux régimes autoritaires des années 1930. « Le Rassemblement national est de toute évidence autre chose », lance Jean-Yves Camus. Qui préfère le terme de « droite radicale », moins connoté selon lui.

Intentions de vote*

47 %

* Sondage OpinionWay–Les Échos