(Paris) Ils se rendent coup sur coup : le ton s’est durci vendredi entre le président sortant Emmanuel Macron et la candidate d’extrême droite Marine Le Pen, finalistes de la présidentielle française, qui s’accusent mutuellement de « brutalité ».

En rassemblement jeudi soir à Avignon, dans le sud de la France, Mme Le Pen a appelé à faire « barrage » au président sortant, inversant les rôles puisque « faire barrage » en France est une formulation visant l’extrême droite depuis que celle-ci accède au second tour des élections présidentielles.

« Vous ne croyez pas qu’il y a […] des dizaines de millions de Français qui considèrent que le gouvernement d’Emmanuel Macron a été un gouvernement affreusement autoritaire, qu’il a gouverné seul, avec brutalité, qu’il a réprimé des manifestations ? », a-t-elle renchéri vendredi sur BFMTV/RMC.

Sur la radio France Info, le président sortant, qui a déjà accusé sa rivale de « dérive autoritaire », a rétorqué que le programme de l’extrême droite n’était pas « la douceur incarnée ».

Photo Daniel Cole, Associated Press

« La politique aujourd’hui, ce n’est pas le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple. C’est le gouvernement par un petit nombre pour un petit nombre », a asséné de son côté Marine Le Pen, qui se targue de représenter « la France des oubliés ».

Appels du pied

À neuf jours du second tour, M. Macron garde l’avantage dans les intentions de vote (de 53 à 55 %) mais avec une marge beaucoup plus réduite qu’en 2017 (66/34 %).

Et avec plusieurs inconnues de taille, notamment le niveau de l’abstention et le report des 21,95 % de voix qui se sont portées dimanche sur le candidat de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon.

Les deux finalistes continuent d’ailleurs à lancer des signaux vers l’électorat de gauche, arbitre de l’élection.

Interrogé sur l’éventualité qu’il nomme un premier ministre issu de la gauche, Emmanuel Macron a répondu « qu’il n’excluait jamais rien ».

Le président, qui s’est toujours présenté comme « ni de droite ni de gauche » mais a été souvent taxé de « président des riches », a également jugé « choquant et excessif » le montant des rémunérations des dirigeants du groupe automobile Stellantis, et s’est prononcé pour des « plafonds », au niveau de l’Union européenne.

Mme Le Pen, qui se targue de représenter « la France des oubliés » et a fait campagne au premier tour sur le thème du pouvoir d’achat, a estimé qu’Emmanuel Macron gouvernait « pour un petit nombre ».

Débat autour du voile

Pour M. Macron, la campagne d’entre-deux-tours ne ressemble en rien à celle du premier, qui s’était déroulée dans l’ombre de la guerre en Ukraine. Il n’avait fait qu’un seul rassemblement et peu de déplacements.

Depuis lundi, il multiplie les immersions en région avec des échanges parfois vifs à l’occasion de longs bains de foule. Il tiendra un grand rassemblement samedi à Marseille (sud-est), deuxième ville de France.

Changement de ton et de rythme aussi pour Marine Le Pen qui menait une campagne à bas bruit, favorisant les déplacements dans de petites localités. Désormais, elle va de média et média et aborde les sujets régaliens, comme la réforme des institutions.

« On est à fronts renversés : Emmanuel Macron va chercher […] à rétablir une image de proximité qu’il n’a pas et Marine Le Pen va chercher à installer une image de crédibilité qu’elle a moins que Macron », analyse auprès de l’AFP Bernard Sananès, président de l’institut de sondages Elabe.  

En visite surprise sur un marché de Pertuis (sud-est) vendredi, Mme Le Pen, dont le programme prévoit l’interdiction du voile dans l’espace public sous peine d’amende, a été interpellée à plusieurs reprises par des femmes voilées.

« L’interdiction du voile est essentielle », a insisté la candidate qui l’assimile à un « uniforme » islamiste.  

M. Macron se pose de son côté en défenseur de la laïcité et des libertés religieuses. Si « Marine Le Pen interdit le voile, de par notre Constitution, elle va devoir interdire la kippa, […] la croix, […] les autres signes religieux », a-t-il récemment déclaré.

La Grande mosquée de Paris (GMP, proche de l’Algérie) et le Rassemblement des musulmans de France (proche du Maroc) ont appelé vendredi à voter pour Emmanuel Macron. Plusieurs institutions juives avaient déjà fait de même.

« Des forces malveillantes s’expriment aujourd’hui et appellent au bannissement des musulmans », a dénoncé le recteur de la GMP, Chems-Eddine Hafiz.

En ce Vendredi saint pour les chrétiens, Marine Le Pen s’est rendue à l’église Notre-Dame de la Purification, à Lauris. Comme en écho au président Macron qui a visité le chantier de la cathédrale Notre-Dame de Paris.

Comme une cinquantaine de sportifs (l’ex-basketteur Tony Parker, l’ex-nageuse Laure Manaudou…) en début de semaine, quelque 500 artistes et écrivains français, dont Charlotte Gainsbourg et Guillaume Canet, ont appelé à voter également pour M. Macron, dénonçant le programme de « la xénophobie et du repli sur soi » de Marine Le Pen.