En Ukraine, « le Canada est passé à une autre étape » en matière de défense, estime le nouvel ambassadeur des États-Unis au Canada, David Cohen, en entrevue avec La Presse.

Ce n’est pas d’hier que les États-Unis souhaitent que leur voisin du Nord en fasse davantage en matière de défense. Barack Obama le souhaitait. Donald Trump le souhaitait. Joe Biden le souhaite aussi. Et les efforts déployés par le Canada pour aider l’Ukraine ont été remarqués par l’administration Biden.

« D’une perspective de défense, le Canada est passé à une autre étape d’une façon substantielle et significative [avec la guerre en Ukraine]. D’une perspective militaire, le Canada a été là, aux côtés des États-Unis, pour mener les démocraties du monde », dit l’ambassadeur David Cohen, qui fait cette semaine sa première visite au Québec. Il prononcera ce mardi une conférence au Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM).

Que ce soit pour l’aide militaire, l’assistance humanitaire ou le leadership moral, nous, démocraties, devons agir ensemble. Le Canada a mené le jeu sur plusieurs des sanctions. Il a été l’un des leaders pour exclure la Russie [du système financier] Swift.

David Cohen

En théorie, les membres de l’OTAN comme le Canada doivent dépenser 2 % de leur produit intérieur brut (PIB) pour la défense. Le Canada n’y consacre que 1,39 % de son PIB. Les États-Unis s’attendent à ce que leur voisin du Nord hausse ses dépenses militaires. Le budget du gouvernement Trudeau, prévu jeudi, pourrait d’ailleurs comporter une hausse des dépenses militaires.

« Ce n’est pas le style de Joe Biden ni le mien de mettre de la pression publiquement sur le Canada pour arriver à 2 %, dit David Cohen. Notre attente est claire, et le gouvernement canadien a été clair lui aussi sur le fait qu’un niveau additionnel de dépenses [pour la défense] était nécessaire. L’invasion illégale de l’Ukraine par la Russie a mis l’accent sur l’importance des dépenses militaires. Et il ne faut pas oublier l’Arctique, un enjeu incroyablement important, notamment en raison des minéraux. »

Bois d’œuvre : il faut des « négociations productives »

Le Canada et les États-Unis travaillent main dans la main dans plusieurs dossiers internationaux, comme la guerre en Ukraine et la lutte contre les changements climatiques.

David Cohen vante d’ailleurs le plan canadien de réduction des émissions de CO2 dévoilé la semaine dernière. Un plan « détaillé et assez impressionnant », dit-il.

Mais il y a aussi des désaccords, notamment sur le plan commercial.

Au Québec, le dossier du bois d’œuvre constitue le désaccord commercial le plus important avec notre voisin du Sud depuis 40 ans. Les États-Unis imposent des tarifs supplémentaires sur le bois d’œuvre canadien. Le conflit actuel – le cinquième depuis 1982 – dure depuis novembre 2016, quand Barack Obama était à la Maison-Blanche. Deux présidents plus tard, rien n’est réglé.

« C’est une question compliquée, dit David Cohen. De notre perspective, le Canada crée ce problème en offrant des tarifs préférentiels [aux producteurs américains de bois d’œuvre]. Il n’y a qu’une seule façon de résoudre ça : en négociant. On peut continuer pour un autre 15 ans [devant les tribunaux], mais c’est un dossier qui peut se résoudre avec des négociations productives. » Dans ce dossier, l’ultime intervenant aux États-Unis reste les producteurs américains de bois d’œuvre, qui doivent entériner toute entente.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

David Cohen

Durant son mandat, l’ambassadeur David Cohen se donne comme objectif de rebâtir les relations canado-américaines, mises à mal durant le mandat de Donald Trump. « Cette relation est unique au monde, dit-il. Nous sommes de proches alliés, des amis, des partenaires commerciaux. Notre relation est unique au monde, mais son niveau de confiance historique a été un peu perturbé. »

En 2021, le Canada a dépassé la Chine comme partenaire commercial le plus important des États-Unis, rappelle David Cohen.

« Rappeler aux gens l’importance de nos démocraties »

David Cohen a commencé son mandat d’ambassadeur en décembre dernier. En raison de la situation sanitaire, il a passé ses premiers mois au Canada dans la capitale fédérale, qui a vu son hiver perturbé par le convoi des camionneurs. Cet épisode à Ottawa lui a rappelé l’un des défis les plus importants de l’administration Biden.

« Il y a du cynisme, du scepticisme, des désaccords très émotifs, dit David Cohen. On l’a vu avec le convoi des camionneurs, qui n’était pas à propos du passeport vaccinal, même si c’était peut-être l’étincelle. C’était à propos d’une division beaucoup plus fondamentale qu’on voit au Canada, en Allemagne, en France, aux États-Unis. Nous devons nous en sortir et passer à travers, et rappeler aux gens l’importance de nos démocraties. On doit s’unir pour préserver les valeurs démocratiques. Ça peut prendre du temps, mais si quelqu’un peut le faire, c’est un rassembleur comme Joe Biden. »

Qui est David Cohen ?

  • C’est le nouvel ambassadeur des États-Unis au Canada.
  • Il a été un bailleur de fonds pour la campagne présidentielle de Joe Biden.
  • Il a été avocat en chef et haut dirigeant du géant des télécommunications Comcast, à Philadelphie.
  • Il est un ami de la famille Biden depuis 30 ans.
En savoir plus
  • 30
    Trente des cinquante États américains ont le Canada comme marché d’exportation numéro un.
    Source : gouvernement américain