(Odessa) Odessa s’est réveillée dimanche en sursaut, au fracas d’une série de frappes russes qui ont visé des infrastructures du grand port ukrainien sur la mer Noire, relativement à l’abri des combats.

Vers 6 h du matin, une demi-douzaine d’explosions ont secoué les murs d’Odessa, selon des journalistes de l’AFP et des habitants de la ville. Puis un nuage de fumée noire a bouché une partie de l’horizon.

En fin de journée, des nappes de fumée flottaient encore au-dessus des monuments de cette cité historique, touchée pour la première fois en près de deux semaines.

Après les déflagrations, plusieurs épaisses colonnes de fumée et des flammes se sont élevées d’une zone industrielle dont les accès étaient interdits par des policiers et des hommes en armes, mais où l’on apercevait des citernes.

PHOTO PETROS GIANNAKOURIS, ASSOCIATED PRESS

Sur le toit de son immeuble surplombant le site, où une chemise de nuit rose et quelques vêtements sont accrochés à des cordes à linge, Mykola, 22 ans, sous le choc, observe l’incendie.

« Nous avons été réveillés par une première explosion, puis nous avons vu un éclair dans le ciel, puis un autre, et encore un autre, j’ai perdu le compte », raconte-t-il à l’AFP.

« Puis il y a eu une brève interruption, puis de nouveau les fenêtres se sont illuminées, puis nous avons entendu un bruit, sans savoir si c’était passé au-dessus ou si ça allait tomber sur nous », ajoute-t-il.

Un autre résidant, un jeune homme dégingandé prénommé Ilya, coiffé d’une casquette, tenant en laisse son pitbull, montre aux journalistes un éclat de projectile qui a atterri dans les environs, selon lui.

« Les citernes d’essence ont commencé à brûler, nous avons été bombardés, c’était vraiment horrible et effrayant ! », s’exclame-t-il. « Il y a des enfants qui vivent ici, beaucoup de personnes âgées et pas d’abri contre les bombes », précise Ilya, avant de guider un groupe de journalistes vers le toit de l’immeuble.

Raffinerie et dépôts de carburant

Au bout de quelques minutes, des policiers ukrainiens en uniforme bleu font irruption sur le toit.

Ils somment les journalistes de cesser de prendre des images et l’un d’entre eux, faisant claquer d’un air menaçant la culasse de son arme, houspille le jeune homme, lui ordonne d’attacher son chien, avant de le gifler et de le frapper à coups de poing à plusieurs reprises.

Des policiers lui attachent les mains dans le dos avec des menottes en plastique puis le font descendre avec eux, tandis que d’autres rappellent aux journalistes l’interdiction par les autorités ukrainiennes de toute publication sur la localisation ou les dégâts des frappes, avant de les laisser repartir.

« La région d’Odessa fait partie des cibles prioritaires de l’ennemi. L’ennemi poursuit sa pratique sournoise de frapper des infrastructures sensibles », a déclaré dans un communiqué sans autre indication un officier du commandement régional Sud de l’armée ukrainienne, Vladislav Nazarov.

Ces frappes n’ont pas fait de victimes, a-t-il assuré, tout comme la municipalité.

PHOTO BULENT KILIC, AGENCE FRANCE-PRESSE

Le ministère russe de la Défense a confirmé des tirs de « missiles de haute précision à partir de la mer et de la terre qui ont détruit une raffinerie et trois dépôts de carburant et de lubrifiants près de la ville d’Odessa ».

Selon lui, ces sites servaient à ravitailler en carburant les forces ukrainiennes autour de la ville de Mykolaïv, à 130 km plus à l’Est, sur laquelle butent jusqu’à présent les tentatives de l’armée russe d’avancer vers Odessa.

Une personne a été tuée et 14 blessées dans une frappe russe à Mykolaïv, ont annoncé dimanche soir les autorités locales.

Un tir de missile le 29 mars qui avait éventré le siège de l’administration régionale a fait 36 morts, selon un dernier bilan fourni samedi.

Après un interrogatoire sommaire et une vérification de ses papiers d’identité en bas de l’immeuble, les policiers ont fini par détacher les menottes d’Ilya. Il en sera apparemment quitte pour une grande frayeur, ainsi que quelques contusions et un hématome au côté droit de la tête.