(Belgrade) Le chef de l’État serbe sortant Aleksandar Vucic a revendiqué dimanche une victoire écrasante à la présidentielle, prolongeant une décennie d’emprise sur le pays des Balkans où il s’est dépeint en garant de la stabilité à l’ombre de la guerre en Ukraine.

« Il n’y a eu du suspense à aucun moment », a-t-il lancé dans son discours de victoire, en se félicitant d’avoir remporté un second mandat de cinq ans dès le premier tour avec 60 % des voix environ.  

« Je suis heureux qu’un grand nombre de gens aient voté et démontré la nature démocratique de la société serbe », a poursuivi celui qui fut successivement premier ministre adjoint et premier ministre avant d’accéder à la présidence.

Les électeurs étaient appelés à désigner leur chef de l’État, leurs 250 députés ainsi que plusieurs conseils municipaux, dont celui de Belgrade, la capitale.

PHOTO ANDREJ ISAKOVIC, AGENCE FRANCE-PRESSE

Un électeur dépose son bulletin de vote dans une urne, à Belgrade.

Aleksandar Vucic, 52 ans, a déclaré que son Parti serbe du progrès (SNS, centre droit) avait remporté près de 44 % des voix aux législatives. « Nous sommes sur le point de former un gouvernement à nous seuls mais avec le Parti de la minorité hongroise nous avons plus que suffisamment de voix pour former une majorité », a-t-il ajouté.

La domination de la coalition au pouvoir devrait cependant être moins hégémonique que dans le parlement sortant.  

Les résultats officiels ne devraient pas être publiés avant lundi soir.

« Influence ukrainienne »

L’invasion de l’Ukraine par la Russie fin février a changé le cours de la campagne qui aurait dû se concentrer sur l’environnement, la corruption et les droits dans ce pays des Balkans de sept millions d’habitants candidat à l’Union européenne.

Mais Aleksandar Vucic, habitué à jouer des influences rivales de l’Est et l’Ouest,  s’est emparé de la guerre à son avantage. Dans un pays subissant comme ailleurs la pandémie du coronavirus, il se présente comme le seul capable de barrer le navire par temps d’orage. Il a fait campagne sous le slogan « Paix. Stabilité. Vucic ».

« L’influence de la crise ukrainienne sur les élections a été énorme », a reconnu le président. « La Serbie a penché dramatiquement vers la droite » avec l’entrée au parlement de petits partis nationalistes prorusses, a-t-il relevé.

Des ONG ont fait état d’incidents et de violences durant le scrutin, tandis que des opposants dénonçaient des tentatives d’intimidation des électeurs par le SNS dans les bureaux de vote.

Pavle Grbovic, leader d’un parti d’opposition de centre gauche, a affirmé avoir été attaqué par des militants du SNS en tentant de filmer des fraudes à Belgrade.  

Aleksandar Vucic a démenti toute irrégularité.

Des Serbes du Kosovo, l’ancienne province méridionale jamais reconnue par Belgrade, sont montés à bord de 40 autocars pour participer aux élections en Serbie voisine, Pristina ayant refusé d’organiser les opérations électorales sur son sol.

Il y a seulement quelques mois, l’opposition semblait avoir réussi une percée dans le pays de moins de sept millions d’habitants.

« Allumer la lumière »

En janvier, Aleksandar Vucic a annulé un projet controversé de mine de lithium qui avait mobilisé des dizaines de milliers de manifestants, un revirement rarement vu durant sa décennie aux commandes.

L’opposition a assuré avoir réussi une percée aux municipales de Belgrade sans que des résultats officiels ne soient disponibles.

« Nous avons allumé la lumière », a réagi le principal rival d’Aleksandar Vucic, le général à la retraite Zdravko Ponos. « C’est pour cela que tant de gens sont allés voter, ils n’ont pas eu peur. Nous n’allons pas gâcher cela ».

Le gouvernement a manœuvré avec précaution pour gérer la crise en Ukraine en condamnant officiellement la Russie à l’ONU tout en s’abstenant de toute sanction contre Moscou, alors que de nombreux Serbes soutiennent la guerre du Kremlin.

Certains partis d’opposition partagent ces vues prorusses. Les autres n’osaient pas se prononcer de peur de déplaire aux électeurs pro-Moscou.

Aleksandar Vucic partait au scrutin armé d’autres avantages. Durant son long règne, il a resserré son emprise sur tous les niveaux du pouvoir, y compris un contrôle de facto des institutions et de la quasi-totalité des médias. Il bénéficie d’une vaste base électorale constituée de fonctionnaires et de leurs proches, selon les analystes.

Dans les mois précédant la campagne, le président a également distribué des aides financières, faisant dire à ses critiques qu’il cherchait à « acheter » des voix.