Ils sont (pour la plupart) multimilliardaires. Très influents sur l’économie en Russie. L’Occident les considère généralement comme des alliés importants du régime Poutine, et beaucoup d’entre eux ont vu leurs avoirs en Occident être gelés depuis le début de la guerre en Ukraine. Qui sont ces oligarques russes ? En voici 14 des plus importants.

Les proches de Poutine

Le Darth Vader russe

PHOTO MAXIM SHEMETOV, ARCHIVES REUTERS

Igor Setchine attend l’arrivée du président Poutine à Sébastopol, en Crimée, le 9 mai 2014

Igor Setchine

PDG de Rosneft, société d’État pétrolière de la Russie

Sanctions : États-Unis, Canada, Union européenne et Royaume-Uni

Selon de nombreux observateurs, Igor Setchine serait au deuxième rang des personnes les plus puissantes en Russie, après le président Vladimir Poutine. Adepte de la ligne dure, il aurait acquis son surnom de Darth Vader par la presse occidentale en raison de son attitude « impitoyable » et de sa « propension aux complots », explique la journaliste Catherine Belton dans son livre Putin’s People. Ancien agent du KGB, il est un allié de Vladimir Poutine depuis le milieu des années 1990. « Il a travaillé avec le président [Poutine] à la mairie de Saint-Pétersbourg dans les années 1990 et n’a cessé de prouver sa loyauté depuis », indique l’Union européenne. Depuis une décennie, Igor Setchine est PDG de Rosneft, société d’État pétrolière de la Russie (le gouvernement russe détient 51 % de Rosneft). En Russie, les revenus tirés du pétrole et du gaz naturel représentent environ 40 % du budget de l’État. Un yacht de 120 millions qui appartiendrait à Igor Setchine vient d’être saisi à Marseille.

Le banquier personnel

PHOTO ALEXANDER NIKOLAYEV, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Iouri Kovaltchouk

Iouri Kovaltchouk

Fortune : 3,3 milliards US

45rang des personnes les plus riches en Russie (925e au monde)

Sanctions : États-Unis, Canada, Union européenne et Royaume-Uni

Ami de longue date de Vladimir Poutine, il est l’actionnaire le plus important et le président de la Banque Rossiya. Mais surtout, il serait le « banquier personnel » du président Poutine et des amis du régime, selon les gouvernements américain et britannique. Traduction : c'est lui qui placerait la fortune personnelle du président Poutine.

Dans un document pour justifier des sanctions en 2014, le département américain du Trésor précise qu’on réfère à Iouri Kovaltchouk comme l’une des personnes qui placent l’argent de Vladimir Poutine.

Quelle est la fortune personnelle du président Poutine ? Officiellement, il gagne 140 000 $ par an et aurait un appartement, selon les documents officiels russes cités par le New York Times. Mais plusieurs le soupçonnent – sans avoir de preuve concrète – de détenir une fortune importante à travers des amis et des partenaires d’affaires. Dans un livre publié en 2019, l’économiste suédois Anders Aslund estimait la fortune personnelle de Vladimir Poutine à environ 125 milliards US.

Le partenaire de judo

PHOTO ARCHIVES LE KREMLIN

Arkady Rotenberg, alors premier vice-président de la Fédération russe de judo, reçoit l’ordre de l’Amitié du président Poutine, en octobre 2013

Arkadi Rotenberg

Fortune : 2,9 milliards US

50e rang des personnes les plus riches en Russie (1064e au monde)

Sanctions : États-Unis, Canada, Union européenne, Royaume-Uni

Ancien partenaire de judo de Vladimir Poutine. Durant les années 2000 et 2010, il a détenu deux des plus importantes entreprises de construction en Russie, selon Forbes. Ses entreprises ont notamment construit une partie du pont reliant la Russie à la Crimée. Il a vendu ses deux entreprises à des sociétés d’État russes en 2019. Il investit avec son frère Boris, qui vaut 1,2 milliard selon Forbes.

Le président de la KHL

PHOTO SERGEI KARPUKHIN, ARCHIVES REUTERS

Guennadi Timtchenko

Guennadi Timtchenko

Fortune : 22 milliards US

6e rang des personnes les plus riches en Russie (78e au monde)

Sanctions : États-Unis, Canada, Union européenne et Royaume-Uni

Très proche du président Poutine, il a fait fortune dans la pétrochimie (Sibur) et le gaz naturel (Novatek). Il est aussi président du conseil d’administration de la Ligue continentale de hockey en Russie (KHL). Selon le livre Putin’s People de la journaliste Catherine Belton, il aurait été un agent du KGB à l’époque soviétique et aurait travaillé de près avec Vladimir Poutine au début des années 1990.

Le mentor du KGB

PHOTO MAXIM SHEMETOV, ARCHIVES REUTERS

Nikolaï Tokarev

Nikolaï Tokarev

Président de Transneft, société d’État responsable des pipelines pétroliers

Sanctions : États-Unis, Canada, Union européenne, Royaume-Uni

Ancien du KGB, il aurait alors servi de mentor à un jeune agent du nom de Vladimir Poutine.

Qu’est-ce qu’un oligarque ?

  • C’est un homme d’affaires ou un décideur économique influent en Russie.
  • Il est la plupart du temps multimilliardaire. Au total, on en compte environ une cinquantaine.
  • Sa fortune est souvent liée aux ressources naturelles russes.
  • Les oligarques ont souvent bénéficié de la privatisation des ressources naturelles en achetant ces ressources à un prix favorable.
  • Les pays occidentaux reprochent généralement aux oligarques sanctionnés de tirer des avantages commerciaux de leurs bonnes relations avec le régime Poutine et de constituer une source de revenus substantielle pour le gouvernement, qui finance la guerre en Ukraine.
  • Plusieurs oligarques ont des avoirs et des investissements importants à l’extérieur de la Russie. Selon l’économiste suédois Anders Aslund, plusieurs d’entre eux investiraient par l’entremise de paradis fiscaux (Chypre, îles Vierges britanniques, îles Caïmans, par exemple) en utilisant des sociétés-écrans.
  • Certains vivent en Russie, d’autres à l’étranger, le plus souvent à Londres ou à Dubaï.

Sources : toutes les fortunes personnelles sont celles recensées par le magazine Forbes en avril 2021 (en dollars américains). Toutes les sommes sont en dollars américains. Si la fortune d’une personne n’est pas indiquée, c’est que cette personne n’est pas milliardaire selon Forbes. Pour l’ensemble du dossier : avec les informations de Forbes, du New York Times, du Financial Times, du livre de la journaliste Catherine Belton Putin’s People et des rapports de la firme S&P Global

Les incontournables

Le plus riche

PHOTO EVGENIA NOVOZHENINA, ARCHIVES REUTERS

Alexeï Mordachov

Alexeï Mordachov

Fortune : 29,1 milliards US

Personne la plus riche en Russie (51e au monde)

Sanctions : Union européenne, Royaume-Uni

Il a fait l’essentiel de sa fortune en contrôlant et en dirigeant comme PDG pendant 15 ans le géant de l’acier Severstal (« acier du Nord » en russe), qui représente environ 15 % de la production d’acier russe. Il détient aussi environ 30 % de TUI Group, l’une des plus grandes entreprises de voyage et de tourisme au monde. TUI Group détient notamment 49 % du transporteur québécois Sunwing. En raison des sanctions de l’Union européenne, son bloc d’actions dans TUI est gelé et il a démissionné du conseil d’administration. TUI vaut 4,4 milliards d’euros (6,1 milliards de dollars canadiens) à la Bourse de Francfort.

L’Union européenne lui reproche d’« apporter un soutien financier et matériel aux décideurs russes responsables de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine, et de retirer un avantage de ces décideurs ». Severgroup est actionnaire de chaînes de télé russes soutenant le régime Poutine, indique l’Union européenne.

Ce qui arrive en Ukraine est une tragédie pour deux nations fraternelles. C’est terrible que les Ukrainiens et les Russes meurent, et que les gens souffrent et que l’économie s’effondre. Je ne comprends pas comment ces sanctions contre moi vont contribuer à régler ce terrible conflit en Ukraine.

Alexeï Mordachov, dans un communiqué, le 28 février

L’ancien de Goldman Sachs

PHOTO MAXIM SHEMETOV, ARCHIVES REUTERS

Kirill Dmitriev

Kirill Dmitriev

PDG du fonds souverain russe

Sanctions : États-Unis, Canada, Royaume-Uni

Bac à Stanford. MBA à Harvard. Banquier chez Goldman Sachs. Consultant chez McKinsey. C’est le CV d’un jeune premier aux États-Unis dans le milieu des affaires. C’est aussi celui de Kirill Dmitriev, qui vient d’être sanctionné par l’Occident en raison de la guerre en Ukraine. Parce que depuis 2011, il est PDG du fonds souverain de la Russie (le Russia Direct Investment Fund, ou RDIF), qui investit des milliards dans l’objectif de développer l’économie russe.

Le PDG de Gazprom

PHOTO MAXIM SHEMETOV, ARCHIVES REUTERS

Alexeï Miller

Alexeï Miller

PDG de Gazprom

Sanctions : États-Unis, Canada, Royaume-Uni

L’actionnaire majoritaire de Gazprom est le gouvernement de la Russie. Gazprom est la société énergétique la plus importante en Russie – et aussi la plus grande entreprise de gaz naturel intégrée verticalement au monde, selon l’agence de notation S&P. Gazprom détient 36 % des parts de marché du gaz naturel en Europe, selon S&P. Le PDG de Gazprom, Alexeï Miller, a travaillé avec Vladimir Poutine à la mairie de Saint-Pétersbourg dans les années 1990. Brièvement ministre adjoint de l’Énergie en 2000, il est ensuite devenu l’un des dirigeants de Gazprom.

Le vétéran du « groupe des 7 »

PHOTO ARCHIVES REUTERS

Mikhaïl Fridman

Mikhaïl Fridman

Fortune : 15,5 milliards US

11rang des personnes les plus riches en Russie (128e au monde)

Sanctions : Union européenne et Royaume-Uni

1991. C’est la fin de l’Union soviétique. La Russie s’ouvre au capitalisme et à l’économie de marché. Sous le régime du président Boris Eltsine, de nombreux politiciens et hommes d’affaires acquièrent des entreprises russes à très bas prix lors de la privatisation des ressources naturelles du pays. Parmi cette première génération d’oligarques, sept sont particulièrement influents sous le régime Eltsine. Quand Vladimir Poutine arrive au pouvoir en 1999, trois membres du « groupe des 7 » – Mikhaïl Fridman, Petr Aven et Vladimir Potamine – prêteront allégeance à son régime et continueront de voir leurs affaires prospérer. Trois autres, Mikhaïl Khodorkovsky, Vladimir Gusinskiy et Boris Berezovsky, s’en dissocieront et en paieront le prix, aboutissant en prison ou vivant en exil.

En 1989, Fridman fonde avec deux autres amis universitaires (German Khan et Alexeï Kuzmichev) une entreprise financière qui deviendra le Groupe Alfa, la banque la plus importante en Russie qui n’est pas contrôlée par l’État. Les trois amis sont aujourd’hui multimilliardaires et figurent parmi les 25 personnes les plus riches en Russie.

Au fil des ans, les trois amis ont aussi investi dans le pétrole : le Groupe Alfa a fait des profits de 14 milliards en revendant un producteur de pétrole russe à Rosneft, une société d’État russe. Ils contrôlent aussi la firme d’investissement LetterOne, établie à Londres et au Luxembourg.

Né et ayant grandi en Ukraine, Mikhaïl Fridman vit aujourd’hui à Londres, au Royaume-Uni, où il fait l’objet de sanctions économiques. Le gouvernement britannique le décrit comme un « oligarque pro-Kremlin ». Il y a deux semaines, il a fait quelque chose de très rare pour un oligarque russe : il a accordé une entrevue. Il a dénoncé publiquement la guerre en Ukraine, mais pas le régime de Vladimir Poutine. « Je connais chaque coin de rue de Lviv. J’ai toujours pensé que l’Ukraine allait résister », a-t-il dit à Bloomberg.

« Je n’ai jamais été dans aucune société d’État ni occupé un rôle pour l’État, a dit Mikhaïl Fridman. Si les responsables de l’Union européenne pensent qu’à cause de ces sanctions, je pourrais approcher M. Poutine et lui dire d’arrêter la guerre, et que ça fonctionnerait, j’ai bien peur que nous ayons un gros problème. Les gens qui raisonnent ainsi ne comprennent pas comment fonctionne la Russie. »

L’Union européenne estime au contraire que M. Fridman est « parvenu à cultiver des liens étroits avec l’administration de Vladimir Poutine ; on le cite parmi les plus grands financiers russes et comme facilitateur du cercle rapproché de Poutine ».

Les sportifs

Le courtier du pétrole

PHOTO BEN STANSALL, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Roman Abramovitch, en mai 2017

Roman Abramovitch

Fortune : 14,5 milliards US

12e rang des personnes les plus riches en Russie (142e au monde)

Sanctions : Canada, Union européenne et Royaume-Uni

C’est de loin l’oligarque russe le plus connu en Occident. Beaucoup parce qu’il possède, depuis 2003, le club de soccer de Chelsea, l’une des meilleures équipes du Royaume-Uni et du monde (elle a gagné la Ligue des champions en 2021). Il symbolise le phénomène des oligarques russes qui ont investi massivement à Londres (surnommée « Londongrad ») et à l’étranger.

Il possède le deuxième yacht parmi les plus gros du monde, l’Éclipse, qu’il a payé 400 millions en 2010, selon Forbes.

Il a fait la majeure partie de sa fortune dans le pétrole et l’aluminium. D’abord négociateur dans le marché du pétrole, il a acheté des champs pétroliers pour créer son entreprise pétrolière Sibneft. Il est arrivé après le « groupe des 7 » à l’époque de Boris Eltsine et a continué à prospérer sous le régime Poutine. Il a vendu son entreprise pétrolière à Gazprom pour 13 milliards en 2005. Au sommet de sa fortune en 2008, il valait 23,5 milliards, selon Forbes.

Lors d’un procès à Londres en 2008, Roman Abramovitch a reconnu avoir versé des millions de dollars en pots-de-vin à Boris Berezovsky (un oligarque du « groupe des 7 ») pour son patronage politique durant les années Eltsine. En 2018, le Royaume-Uni n’a pas renouvelé le visa de Roman Abramovitch, qui a la citoyenneté russe, israélienne et portugaise.

De 2000 à 2008, il a été gouverneur de la Tchoukotka, la région la plus à l’est de la Russie, voisine de l’Alaska.

Depuis le 28 février dernier, ses actifs au Royaume-Uni ont été gelés par le gouvernement. Le club Chelsea est en pratique sous la tutelle du gouvernement, qui devra approuver sa vente le cas échéant.

Roman Abramovitch détient aussi 30 % de l’entreprise de fer et d’acier Evraz, qui a notamment des activités dans l’Ouest canadien. Evraz, inscrite à la Bourse de Londres, a construit une partie de l’oléoduc Trans Mountain, propriété du gouvernement du Canada.

L’ex-actionnaire d’Arsenal

PHOTO ARCHIVES REUTERS

Alicher Ousmanov est décoré par le président Poutine, au Kremlin, en novembre 2018.

Alicher Ousmanov

Fortune : 18,4 milliards US

7e rang des personnes les plus riches en Russie (99e au monde)

Sanctions : États-Unis, Canada, Union européenne et Royaume-Uni

Il a déjà été actionnaire minoritaire de l’équipe de soccer d’Arsenal, l’une des meilleures équipes au Royaume-Uni. Il a vendu ses parts (30 %) d’Arsenal pour 700 millions US en 2018. Il a fait sa fortune dans les sacs de plastique, le pétrole et les métaux (Metalloinvest), selon Forbes.

Les oligarques non sanctionnés

Le troisième du « groupe des 7 »

PHOTO SERGEI KARPUKHIN, ARCHIVES REUTERS

Vladimir Potamine

Vladimir Potamine

Fortune : 27 milliards US

2rang des personnes les plus riches en Russie (55e au monde)

Vladimir Potamine est l’un des oligarques du « groupe des 7 ». Son grand coup d’argent : il a acheté à bas prix une partie des actions de Nornickel lors de la privatisation des mines de nickel de la Russie en 1993. Tout en continuant de faire des affaires, il a été vice-premier ministre de la Russie dans les années 1990 sous Boris Eltsine. Pendant longtemps, Potanin a eu comme partenaire d’affaires l’oligarque Mikhaïl Prokhorov (fortune de 11,4 milliards, propriétaire des Nets de Brooklyn dans la NBA de 2010 à 2019, candidat à l’élection présidentielle russe en 2012, où il a récolté 8 %). Ils ont mis fin à leur association en 2008.

L’homme d’acier

PHOTO SERGEI ILNITSKY, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Vladimir Listine en compagnie de Vladimir Poutine, à Moscou, en mai 2017

Vladimir Listine

Fortune : 26,2 milliards US

3e rang des personnes les plus riches en Russie (59e au monde)

Il est actionnaire et préside le conseil d’administration de la société NLMK, qui produit 21 % de l’acier russe. En 2020, NLMK a généré des profits de 2,1 milliards sur des revenus de 9,2 milliards. En 2000, NLMK a généré 15 % de ses revenus aux États-Unis, selon l’agence S&P.

L’ancien ministre

PHOTO VASILY MAXIMOV, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Vaguit Alekperov

Vaguit Alekperov

Fortune : 24,9 milliards US

4e rang des personnes les plus riches en Russie (66e au monde)

Ministre adjoint du Pétrole à la fin de l’Union soviétique, il a ensuite acheté trois champs pétroliers pour fonder Lukoil, une entreprise privée qui n’est pas contrôlée par l’État (au contraire de Gazprom). Lukoil est l’un des plus importants producteurs de gaz naturel et de pétrole au monde. En Russie, c’est la plus importante société pétrolière qui n’est pas contrôlée par l’État.

Pourquoi ces oligarques ne sont-ils pas sanctionnés ? « Ils ne sont pas proches de Vladimir Poutine », dit l’économiste suédois Anders Aslund, un expert de l’économie russe qui a notamment enseigné à l’Université Georgetown. « Pour faire des affaires en Russie, vous devez obtenir l’appui du Kremlin, rendre hommage au régime et suivre ses directives, dit-il. Sur le plan politique, vous ne pouvez rien faire d’autre que de soutenir Poutine. Vous devez aller au Kremlin une fois par année, sinon vous n’aurez plus votre entreprise. » Anders Aslund ne voit « pas de raison particulière pour sanctionner ce type d’oligarques. » À titre d’exemple, Vaguit Alekperov est à la tête de l’entreprise pétrolière Lukoil, la plus importante entreprise pétrolière russe n’étant pas contrôlée par l’État. « Si on le sanctionnait, Lukoil serait en danger et pourrait être reprise par l’État. Ça ne servirait personne, car le régime accentuerait son pouvoir », dit M. Aslund, qui a été conseiller économique de la Russie (1991-1994) puis de l’Ukraine (1994-1997) dans les années 1990.

Comment ça fonctionne ?

PHOTO ARCHIVES REUTERS

Le président Poutine rencontre au Kremlin une quarantaine d’oligarques, le 24 février, jour de l’invasion de l’Ukraine par les troupes russes.

Ils rencontrent généralement Vladimir Poutine de une à quatre fois par année. Le président Poutine profite de ces rencontres pour donner des « directives » sous forme de « suggestions » ou des « critiques ». Quiconque ne suit pas ces « directives » devra vivre avec les « conséquences » de ses gestes.

Voilà comment fonctionneraient les relations entre les oligarques et le président Poutine.

Comment sait-on tout ça ? Parce que Petr Aven, oligarque et banquier russe membre du « groupe des 7 », l’a expliqué à la commission d’enquête aux États-Unis présidée par Robert Mueller.

PHOTO ALEXANDER NEMENOV, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Petr Aven, décoré par le président Poutine de la médaille de l'Ordre du mérite pour la patrie, au Kremlin, en juillet 2005

Petr Aven, qui valait 5,3 milliards US en avril 2021 selon Forbes, n’avait rien de très controversé à dire aux enquêteurs de Robert Mueller. Il a raconté qu’à l’automne 2016, après la victoire électorale de Donald Trump, Vladimir Poutine voulait que le Groupe Alfa, dont Aven est actionnaire, puisse se protéger contre d’éventuelles sanctions américaines par la future administration Trump. La Russie cherchait aussi à établir des contacts avec la future administration Trump. Il a ainsi convoqué l’oligarque Petr Aven au Kremlin pour discuter affaires.

Dans son rapport publié en 2019, la commission Mueller résume en ces mots le témoignage de Petr Aven, qui lui explique comment fonctionnent les relations entre Vladimir Poutine et les quelque 50 oligarques russes.

Petr Aven, lui, rencontre Vladimir Poutine quatre fois par année. Il prend ces rencontres « au sérieux et comprend que les suggestions ou les critiques que Poutine fait durant ces rencontres sont des directives implicites, et qu’il y aurait des conséquences [pour Petr Aven] s’il ne les suivait pas », écrit-on dans le rapport de la commission Mueller.

Au Kremlin le jour de l’invasion

Le 24 février dernier, jour du déclenchement de la guerre en Ukraine, Vladimir Poutine a tenu une rencontre au Kremlin avec une quarantaine d’oligarques russes. Tous les oligarques n’ont pas participé à cette réunion (certains vivent à l’étranger).

Cette rencontre ne fut pas un grand secret : l’agence de presse associée au Kremlin, Sputnik, en a publié une photo.

Ce n’est pas parce qu’un oligarque a participé à cette rencontre que les pays occidentaux l’ont automatiquement sanctionné.

Selon Le Monde, Vladimir Potamine (2e rang des oligarques les plus riches) et Vaguit Alekperov (4e rang des oligarques les plus riches) ont participé à cette rencontre, et ils ne font l’objet d’aucune sanction aux États-Unis, au Canada, en Europe et au Royaume-Uni. Par contre, Alexeï Mordachov, l’oligarque russe le plus riche, et le banquier Petr Aven, qui font tous deux l’objet de sanctions en Europe, étaient présents.