Des pays occidentaux et l’OTAN ont dit craindre jeudi que Moscou ne renforce son offensive sur la région du Donbass, dans l’est, tout en maintenant « la pression sur Kyiv et d’autres villes ». Ce « repositionnement » des forces russes laisse présager, selon des observateurs, un conflit « prolongé ».

Pas un retrait, mais un repositionnement

PHOTO KENZO TRIBOUILLARD, AGENCE FRANCE-PRESSE

Jens Stoltenberg, secrétaire général de l’OTAN

Les forces russes « ne se retirent pas, elles reprennent position » en Ukraine, a déclaré jeudi le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, alors que les soldats de la Russie avaient commencé à se retirer du site nucléaire de Tchernobyl, dont elles avaient pris le contrôle dès le premier jour de l’invasion. « Nous nous attendons à des actions offensives supplémentaires qui se traduiront par encore davantage de souffrances », a-t-il déploré. À Kharviv, le général ukrainien Pavlo « Maestro » a aussi estimé que la Russie se « regroupe pour attaquer et pour masser le maximum de forces » dans le sud et l’est de l’Ukraine. Le président américain Joe Biden, lui, s’est de nouveau dit « sceptique » face aux annonces de Moscou d’un retrait partiel de ses troupes. Une source au Pentagone a parlé d’un conflit qui risquait d’être « prolongé », disant croire « que ces forces seront rééquipées et renvoyées en Ukraine » pour poursuivre le combat, dans l’est.

À quand un « vrai dialogue » ?

Selon Michel Fortmann, professeur de politique étrangère et de sécurité nationale à l’Université de Montréal, les Russes tentent de « gagner du temps » en faisant « semblant de négocier ». « C’est un peu de la poudre aux yeux. Tout le monde peut espérer. C’est une guerre qui est tellement inutile, bête, coûteuse. Mais je ne suis pas optimiste, pas comme c’est parti, et surtout pas avec le leadership russe tel qu’il est. Ce n’est pas un leadership qui négocie », juge-t-il. M. Fortmann rappelle que la Russie lancera vendredi sa campagne de conscription visant les hommes de 18 à 27 ans qui ne sont pas étudiants. « Ça touche potentiellement 100 000 personnes. Pour moi, ça ne ressemble pas du tout à une baisse des tensions, bien au contraire », estime l’expert.

Un corridor humanitaire à Marioupol

PHOTO MARKO DJURICA, REUTERS

Évacués de la ville de Marioupol à leur arrivée à Zaporijjia, jeudi

Après y avoir annoncé un cessez-le-feu local mercredi, afin de permettre l’évacuation de 160 000 civils, le Kremlin a confirmé jeudi qu’un couloir humanitaire permettant l’évacuation de la population serait ouvert vendredi à Marioupol, grande ville portuaire du sud-est de l’Ukraine que les forces de Moscou essaient de conquérir depuis des semaines. Le ministère de la Défense de Russie a indiqué que la mesure avait été prise dans la foulée « d’une requête personnelle du président français [Emmanuel Macron] et du chancelier allemand [Olaf Scholz] auprès du président russe ». La Maltaise Roberta Metsola, présidente du Parlement européen, a d’ailleurs indiqué jeudi soir sur Twitter qu’elle était « en route pour Kyiv ».

Ottawa suggère une enquête internationale

PHOTO SEAN KILPATRICK, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Harjit Sajjan, ministre fédéral du Développement international

Plus près de chez nous, le ministre fédéral du Développement international Harjit Sajjan a suggéré jeudi que le blocage par la Russie de l’aide humanitaire à l’Ukraine et son bombardement d’installations médicales devraient faire l’objet d’une enquête internationale sur les crimes de guerre. Il a tenu ces propos alors même qu’une demi-douzaine d’enquêteurs supplémentaires de la GRC doivent se rendre cette semaine à La Haye, aux Pays-Bas, pour prendre part à l’enquête de la Cour pénale internationale (CPI) sur les crimes de guerre qui auraient été commis par la Russie lors de l’invasion ukrainienne.

Poutine hausse le ton

De son côté, le président Vladimir Poutine a interdit jeudi l’entrée sur le territoire russe aux dirigeants et à la majorité des députés européens, en réaction aux sanctions tous azimuts visant Moscou. Son régime menace dorénavant les acheteurs de gaz russe de pays « inamicaux » de stopper leur approvisionnement s’ils ne se plient pas aux exigences du Kremlin, une mesure destinée à soutenir le rouble qui affecterait principalement l’Union européenne, très dépendante du gaz russe. « Ils doivent ouvrir des comptes en roubles dans des banques russes. Et de ces comptes, ils devront payer le gaz livré, et cela, dès [ce vendredi] », a insisté Vladimir Poutine.

Tirs sur un convoi humanitaire

Une personne a été tuée et quatre autres blessées dans des tirs sur un convoi de cinq bus transportant des volontaires vers la ville assiégée de Tchernihiv, dans le nord de l’Ukraine. Lioudmyla Denissova, chargée des droits de la personne auprès du Parlement ukrainien, accuse les troupes russes de « ne pas laisser la moindre possibilité d’évacuer les civils de Tchernihiv assiégé, en laissant des dizaines de milliers de civils sans nourriture, sans eau, sans chauffage ». Après Marioupol dans le sud, Tchernihiv, qui comptait 280 000 habitants avant la guerre, est la ville la plus durement frappée par les bombardements depuis le début de la guerre.

Autre rencontre à venir

En Turquie, le ministre des Affaires étrangères, Mevlüt Çavuşoğlu, a annoncé en début de journée jeudi qu’une nouvelle rencontre entre ses homologues russe Sergueï Lavrov et ukrainien Dmytro Kouleba pourrait avoir lieu « d’ici une ou deux semaines ». C’est la Turquie qui pourrait alors accueillir cette rencontre. Peu après, le négociateur en chef ukrainien, David Arakhamia, avait aussi indiqué plus tôt, mercredi, que des pourparlers en ligne avec la délégation russe reprendraient vendredi. L’Union européenne (UE) veut également persuader la Chine de renoncer à aider Moscou pour contrer les sanctions occidentales, vendredi, lors d’un sommet virtuel où Pékin entend relancer sa relation économique avec une Europe fragilisée par la guerre en Ukraine.

Avec l’Agence France-Presse

En savoir plus
  • 4 059 105
    Nombre de réfugiés ukrainiens, en date de jeudi, selon le Haut Commissariat aux réfugiés de l’ONU. Ce sont 39 818 de plus que lors du précédent pointage mercredi. L’Europe n’a pas connu de tels flots de réfugiés depuis la Seconde Guerre mondiale. Quelque 90 % de ceux qui ont fui l’Ukraine sont des femmes et des enfants.
    Source : Agence France-Presse