(Marseille) Yvan Colonna, le militant indépendantiste corse condamné à la perpétuité pour l’assassinat du préfet Erignac, est mort lundi soir à Marseille, après trois semaines de coma suite à son agression en prison, un drame qui avait entraîné de violentes manifestations sur l’île.

« La famille d’Yvan Colonna confirme son décès ce soir à l’hôpital de Marseille. Elle demande que son deuil soit respecté et ne fera aucun commentaire », a indiqué son avocat Patrice Spinosi à l’AFP, par texto, rendant ainsi officielle une information également obtenue par l’AFP de trois sources policières et donnée initialement par le quotidien Le Parisien.

« Yvan Colonna, patriote corse, bien vivant pour l’éternité ! Nous serons toujours à tes côtés », a rapidement réagi sur Twitter, en langue corse, le parti Femu a Corsica de Gilles Simeoni, le président autonomiste du conseil exécutif de l’île.

« Yvan Colonna, mort pour la Corse », a posté, toujours en corse, et encore sur le même réseau social, Core in Fronte, le principal parti indépendantiste, accompagnant son message d’une photo en noir et blanc du militant nationaliste indépendantiste flanquée du message « à toi l’étreinte de cette terre ».

La seule élue en Corse à réagir en son nom propre a été Marie-Antoinette Maupertuis, la présidente autonomiste de l’assemblée de Corse, qui a présenté ses « condoléances et son soutien » à la famille d’Yvan Colonna.  

La mort du militant corse a été doublement saluée en Espagne. Sur Twitter, l’Assemblée nationale de Catalogne a présenté ses « condoléances […] à l’ensemble du mouvement indépendantiste corse », tout en redisant son « soutien aux mobilisations contestataires ». « Deux peuples, un combat. Solidarité et condoléances », a salué de son côté le parti basque Sortu.  

Rassemblement à Ajaccio

L’annonce de ce décès n’a pas bouleversé le calme sur l’île de Beauté lundi soir. A Bastia, seules quelques dizaines de personnes se sont réunies, devant les grilles du palais de justice, où elles ont accroché deux banderoles frappées du slogan « Statu francese assassinu » (NDLR « État français assassin »). Un autre rassemblement avait lieu à Ajaccio, devant la cathédrale, dans le silence.

Le seul message de colère est venu de l’association de défense des prisonniers politiques corses, Sulidarita, qui, via sa secrétaire générale, a twitté : « Malheur à cet état français assassin ».

La candidate de droite à la présidentielle Valérie Pécresse a déploré de son côté « un drame » à l’annonce de la mort d’Yvan Colonna, appelant « à ne pas embraser la Corse ».

Yvan Colonna, 61 ans, à qui la justice avait accordé une suspension de peine « pour motif médical » jeudi, se trouvait entre la vie et la mort depuis sa violente agression début mars à la maison centrale d’Arles (Bouches-du-Rhône), où il purgeait sa peine pour la participation à l’assassinat du préfet Claude Erignac en 1998 à Ajaccio.

Il avait été très grièvement blessé par un codétenu radicalisé, un Camerounais de 36 ans présenté comme un « djihadiste » qui s’était acharné sur lui dans la salle de sport de la prison.  

Franck Elong Abé, qui purgeait plusieurs peines, dont une de neuf ans d’emprisonnement pour « association de malfaiteurs terroriste », a depuis été mis en examen pour tentative d’assassinat terroriste. Il a justifié son acte par le fait que le militant corse aurait blasphémé et « mal parlé du Prophète ».

 Une agression de huit minutes

Cette agression avait provoqué une explosion de colère en Corse, avec des manifestations parfois violentes à travers toute l’île, et ce pendant près de deux semaines, derrière ce mot d’ordre largement partagé d’« État français assassin ». Ces tensions avaient culminé en émeutes le 13 mars à Bastia, où une manifestation avait fait 102 blessés, dont 77 du côté des forces de l’ordre.

Une colère notamment motivée par la longueur de l’agression d’Yvan Colonna, près de huit minutes, sous le regard d’une caméra de surveillance, sans qu’aucun surveillant n’intervienne. C’est l’agresseur lui-même qui avait finalement alerté les gardiens.

Quelques jours avant les émeutes de Bastia, après avoir fait la même démarche pour Yvan Colonna, le premier ministre Jean Castex avait levé, dans un esprit d’apaisement, le statut de « détenu particulièrement signalé » (DPS) d’Alain Ferrandi et Pierre Alessandri, les deux autres membres du « commando Erignac » condamnés à perpétuité.

Le calme est finalement revenu en Corse la semaine passée avec une visite de trois jours du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, lors de laquelle ce dernier a promis des discussions avec les élus corses et les forces vives de l’île qui pourraient mener à une éventuelle autonomie pour la collectivité. Ces négociations commenceront en avril et devront être conclues fin 2022.

Le document signé par M. Darmanin a précisé que la levée du statut de DPS d’Alain Ferrandi et Pierre Alessandri ouvre la voie à leur « prompt rapprochement dans les prochaines semaines vers le centre de détention de Borgo », en Corse.