Les troupes russes ont poursuivi leur avancée impitoyable sur la ville portuaire assiégée samedi, tandis que des voix locales lançaient des appels à l’aide.

Le président de l’Ukraine, Volodymyr Zelensky, a décrit le siège de Marioupol par les forces du Kremlin comme un crime de guerre. « Faire cela à une ville paisible est une horreur dont on se souviendra pendant des siècles », a-t-il déclaré dans un message vidéo diffusé tôt dimanche (heure locale).

Encerclé par les forces russes, Marioupol soutient le siège sans électricité ni eau courante, alors que la nourriture et les médicaments se raréfient.

« Des enfants, des personnes âgées meurent. La ville est détruite et elle est effacée de la surface de la Terre », a déclaré un policier de Marioupol dans une vidéo devenue virale, qui a été authentifiée par l’Associated Press.

Devant une rue jonchée de décombres, l’agent Mikhaïl Verchinine interpelle « Biden, Macron », les présidents des États-Unis et de la République française. « Vous nous avez promis de l’aide, donnez-la-nous ! », lance-t-il en pressant ces chefs d’État d’être de « grands leaders […] jusqu’au bout ».

Regardez la vidéo du policier de Marioupol (en anglais)

Les efforts pour dégager les habitants coincés sous les décombres du théâtre bombardé mercredi dernier sont freinés par les combats de rue, a affirmé le maire, Vadim Boïtchenko. Au moins 130 personnes ont réussi à sortir vivantes de ce théâtre qui était utilisé comme abri, mais 1300 autres y seraient toujours, avaient déclaré les autorités ukrainiennes vendredi.

Marioupol est hautement stratégique du point de vue de la Russie. La chute de cette ville lui permettrait de relier la Crimée, qu’elle a annexée en 2014, aux territoires contrôlés par les séparatistes qu’elle soutient à l’est, en plus de lui procurer une rare victoire dans ce conflit qui s’enlise bien au-delà de ce qu’elle avait escompté.

L’aciérie Azovstal, « l’une des plus grandes usines métallurgiques d’Europe », selon un conseiller du ministre de l’Intérieur de l’Ukraine, a été le théâtre d’intenses combats samedi. Elle était alors « en voie d’être détruite », a déclaré Vadim Denissenko.

PHOTO REUTERS

Habitants de Marioupol déplacés à Zaporjjia après avoir fui la ville assiégée

En tout, 4128 personnes ont réussi à fuir Marioupol vers le nord-ouest samedi grâce à l’un des dix corridors humanitaires convenus avec la Russie, a annoncé la vice-première ministre de l’Ukraine, Iryna Verechtchouk. Les autres corridors ont permis d’évacuer 2495 personnes ailleurs au pays, notamment dans les régions de Kyiv et de Louhansk.

Des élus municipaux de Marioupol ont par ailleurs affirmé que des soldats russes avaient envoyé plusieurs milliers de leurs citoyens en Russie – des allégations relayées par plusieurs services de nouvelles qui n’ont toutefois pas pu les confirmer.

Raids sur Mykolaïv

À Mykolaïv, ville du sud de l’Ukraine considérée comme le « bouclier » du port d’Odessa, situé à 130 kilomètres à l’ouest, les raids aériens russes se sont succédé rapidement samedi.

PHOTO BULENT KILIC, AGENCE FRANCE-PRESSE

Un soldat est extirpé des décombres d’une caserne détruite par une frappe à Mykolaïv.

La frappe qui s’est abattue sur une caserne vendredi aurait tué au moins 40 des soldats qui y dormaient, a rapporté le New York Times en citant un responsable militaire ukrainien ayant requis l’anonymat.

Poutine « pas prêt » à parler à Zelensky

Le président de la Russie, Vladimir Poutine, n’est pas prêt à négocier directement avec le président de l’Ukraine, Volodymyr Zelensky, comme celui-ci l’a réclamé, a par ailleurs fait savoir un porte-parole du président de la Turquie.

« Poutine pense que les positions ne sont pas assez proches pour tenir une rencontre à ce niveau », a indiqué Ibrahim Kalin, l’un des principaux conseillers de Recep Tayyip Erdoğan, en entrevue avec le New York Times.

Dans son message à la nation diffusé dimanche matin (heure locale), le président Zelensky a dit aux Ukrainiens que les négociations avec la Russie n’étaient ni « simples » ni « plaisantes », mais qu’elles étaient « nécessaires ».

Il a par ailleurs affirmé avoir discuté des pourparlers avec le président français, Emmanuel Macron, samedi. « L’Ukraine a toujours cherché une solution pacifique » au conflit, a assuré M. Zelensky.

De son côté, la ministre des Affaires étrangères du Royaume-Uni a accusé Vladimir Poutine d’utiliser les pourparlers avec l’Ukraine comme un « écran de fumée » alors qu’il intensifie la violence contre le pays.

Dans une entrevue au Times de Londres, Liz Truss a déclaré être « très sceptique » quant au sérieux de la Russie dans les pourparlers, accusant les forces russes d’essayer ainsi de progresser en territoire ukrainien.

Elle s’attend à une situation de violence « de pire en pire ».

La Chine interpellée

« La Chine peut être un élément important du système de sécurité mondial si elle prend la bonne décision de soutenir la coalition des pays civilisés et de condamner la barbarie russe », a déclaré Mykhaïlo Podoliak, conseiller du président Zelensky et participant aux négociations avec la Russie, sur Twitter samedi.

Le président des États-Unis, Joe Biden, s’était longuement entretenu avec le président de la Chine, Xi Jinping, vendredi pour le prévenir des « conséquences » auxquelles s’exposait son pays si celui-ci fournissait un soutien matériel à la Russie contre l’Ukraine. La nature de ses représailles n’avait cependant pas été précisée par la Maison-Blanche. De son côté, le président Xi avait indiqué que « la crise ukrainienne [n’était] pas quelque chose que nous souhaitions voir », sans toutefois utiliser les termes « guerre » ou « invasion », selon des médias chinois.

L’OTAN aurait dû être dissoute et reléguée aux livres d’histoire, a quant à lui suggéré le vice-ministre des Affaires étrangères de la Chine, Le Yucheng, samedi.

« Plutôt qu’être démantelée, l’OTAN a continué à se renforcer et à s’étendre, et à intervenir militairement dans des pays comme la Yougoslavie, l’Irak, la Syrie et l’Afghanistan », a-t-il déclaré dans un discours décrivant la « crise en Ukraine » comme une « sérieuse mise en garde ».

Avec l’Associated Press, l’Agence France-Presse et la BBC