(Lviv) Disposés en rang, 109 poussettes et paniers de bébés sont alignés sur la place du marché de Lviv, une tentative pour les habitants de cette ville de l’Ouest de l’Ukraine de faire leur deuil, trois semaines après le début du conflit contre la Russie.

Cent-neuf, c’est le nombre d’enfants tués en Ukraine depuis le 24 février, jour où la Russie a lancé une offensive sur le territoire de son voisin.

Sur la place du marché de Lviv, il y a là des sièges auto pour bébés ou encore des poussettes, toutes mises côte à côte, à quelques mètres d’une statue recouverte par de la tôle ondulée, histoire de la protéger des frappes russes.

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Des piétons marchent devant un nuage de fumée s’échappant d’un endroit ciblé par des missiles russes à Lviv.

Katerina Bandjanova, 28 ans, passe devant et jette un coup d’œil, sa petite fille Solomia de moins d’un an elle-même dans une poussette.  

Pendant un moment, c’est la seule poussette occupée de la place.

« Je ressens beaucoup de douleur », explique-t-elle à l’AFP, la larme à l’œil. « De la douleur pour le futur du pays, car ces enfants sont le futur de l’Ukraine ».

« Quand les Russes tuent nos enfants, ils tuent le futur de notre pays, son cœur et son esprit », poursuit-elle.

Juste à côté, une pancarte imprimée indique encore le chiffre « 108 ».

Mais il n’a pas fallu longtemps pour que le bilan soit mis à jour, à la hausse. Un marqueur a depuis barré le chiffre 8 pour le remplacer par 9.

Des enfants en ligne de mire

Depuis le début de l’« opération militaire spéciale » russe il y a trois semaines, il y a eu plusieurs frappes contre des cibles civiles abritant des enfants.

La semaine dernière, une maternité et un hôpital pédiatrique de Marioupol ont été touchés par une frappe russe, blessant 17 personnes.

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La semaine dernière, une maternité et un hôpital pédiatrique de Marioupol ont été touchés par une frappe russe, blessant 17 personnes.

Pas plus tard que mercredi, un théâtre du même port assiégé a été la cible de lourdes frappes russes, faisant à ce stade aucun mort selon un premier bilan du conseil municipal.  

Mais « des centaines » de personnes « sont toujours sous les décombres », selon le président ukrainien Volodymyr Zelensky.

Les autorités ukrainiennes chiffrent à 439 les établissements d’enseignement endommagés depuis le début de la guerre, dont 63 complètement détruits.

De nombreuses familles ont été forcées à l’exil, quittant souvent l’Est du pays, en proie à de violents combats, pour l’Ouest, relativement épargné.

La ville de Lviv, qui abrite habituellement 700 000 habitants, s’est depuis plusieurs jours gonflée de réfugiés à la recherche d’un peu de répit ou qui espèrent rejoindre la frontière polonaise, à 75 kilomètres de là.

Analyste d’affaires, Katerina a, elle, quitté son appartement près de Boryspil, le principal aéroport de Kyiv, par peur d’être prise pour cible.

Mais vendredi matin, « des missiles » russes ont frappé le quartier de l’aéroport de Lviv, comme si la guerre la poursuivait.

« La nuit, quand vous entendez les sirènes anti-raids aériens, vous vous réveillez », raconte-t-elle. « Chaque petit bruit peut vous faire tressaillir ».

« Peut-être faut-il que j’emmène mes enfants encore plus loin », conclut-elle.