(Sofia) L’ex-premier ministre bulgare Boïko Borissov, interpellé jeudi soir sur des soupçons d’extorsion de fonds, a été relâché vendredi, le gouvernement accusant le parquet de « saboter » ses efforts dans la lutte contre la corruption.

« C’était brutal et écœurant, nous sommes retournés au communisme », a réagi le politicien de 62 ans à la sortie du commissariat central de Sofia, ajoutant ne pas avoir été inculpé.

« Ils sont entrés chez moi pendant que nous étions en train de dîner. Ils n’ont rien trouvé et quand je pensais qu’ils partaient, ils m’ont dit, tout gênés : “Nous devons vous arrêter” », a-t-il raconté, acclamé par une foule de sympathisants.  

M. Borissov avait été arrêté dans le cadre d’une vaste opération policière ordonnée par le ministère de l’Intérieur « en relation avec 120 dossiers du parquet européen », mais sans coordination avec le parquet national pour « un motif d’urgence ».

Le gouvernement avait ainsi voulu contourner le procureur général Ivan Guechev, régulièrement accusé dans le pays de fermer les yeux sur des dossiers de corruption.  

Le premier ministre Kiril Petkov, qui a promis « zéro tolérance », a fustigé tard dans la soirée « un sabotage absolu de la part du parquet ».

« Intouchables »

« Il n’y a pas de parquet indépendant », a-t-il déploré, promettant de « continuer à lutter pour que la Bulgarie, membre le plus pauvre de l’UE, » devienne un pays européen libre et normal « . » Il n’y a plus d’intouchables « .

Le parquet a balayé ces reproches, invoquant » l’absence de preuves « nécessaires pour une mise en examen.  

Des membres du parti conservateur, dont l’ex-ministre des Finances Vladislav Goranov, avaient également été placés en garde à vue mais sont ressortis libres, sans charges retenues contre eux.

Selon le ministre des Finances Assen Vassilev, Boïko Borissov est soupçonné d’avoir touché des pots-de-vin du magnat des jeux de hasard Vassil Bojkov en échange de ristournes fiscales.  

Tombé en disgrâce début 2020, ce dernier a expliqué jeudi sur Facebook avoir livré les dessous de la combine au parquet européen,  chargé de lutter contre la fraude affectant le budget de l’UE.

Cet épisode est intervenu dans la foulée de la venue à Sofia de la cheffe de cette instance, Laura Kövesi, qui a salué » la détermination « du gouvernement à rompre avec les pratiques du passé.  

Contactée par l’AFP, une porte-parole s’est refusée vendredi à tout commentaire.

Dans cette nation rongée par la corruption depuis l’ouverture à l’économie de marché il y a 30 ans, rares ont été les personnalités de haut rang inquiétées par la justice.  

Cette impunité avait déclenché une vague de manifestations massives à l’été 2020, contribuant à la chute de Boïko Borissov après une décennie à la tête de la Bulgarie.