(Washington) Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a estimé jeudi que les attaques russes contre des civils en Ukraine constituaient des « crimes de guerre », et a accusé Moscou de ne pas faire « d’effort significatif » sur le front diplomatique.

« Cibler intentionnellement des civils est un crime de guerre. Après tant de destruction ces trois dernières semaines, je trouve difficile de conclure que les Russes font autre chose que cela », a-t-il dit lors d’une conférence de presse, tout en précisant que le processus juridique pour parvenir à une telle accusation formelle était toujours en cours.

Le président des États-Unis Joe Biden avait qualifié dès mercredi son homologue russe Vladimir Poutine de « criminel de guerre », une accusation jugée « impardonnable » par Moscou.

« Hier, le président Biden a dit qu’à son avis, des crimes de guerre avaient été commis en Ukraine. Personnellement, je suis d’accord », a déclaré Antony Blinken.

« Nos experts sont en train de documenter et passer en revue d’éventuels crimes de guerre commis en Ukraine », a-t-il ajouté, promettant de partager le fruit de ce travail avec les enquêtes internationales visant à faire « rendre des comptes aux responsables ».

Interrogé sur les pourparlers entre la Russie et l’Ukraine, qui se poursuivent en parallèle du conflit, le secrétaire d’État n’a pas caché son scepticisme.

« D’un côté, nous saluons l’Ukraine qui reste à la table des négociations alors qu’elle est sous les bombes à tout instant, et de l’autre côté, je n’ai pas vu d’effort significatif de la part de la Russie pour mettre fin par la diplomatie à la guerre qu’elle mène », a-t-il dit.

Mise en garde contre la Chine

Après une rencontre à Rome entre de hauts responsables américains et chinois, et à la veille d’un appel téléphonique entre le président Biden et son homologue Xi Jinping, Antony Blinken a enfin haussé nettement le ton à l’égard de Pékin.

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Le président Vladimir Poutine et son homologue chinois Xi Jinping

« Nous sommes préoccupés par le fait qu’ils envisagent d’assister directement la Russie avec de l’équipement militaire qui serait utilisé en Ukraine. Le président Biden va parler au président Xi demain, et lui dira clairement que la Chine portera une responsabilité pour tout acte visant à soutenir l’agression russe, et que nous n’hésiterons pas à lui imposer des coûts », a-t-il affirmé.

Il a réitéré que la Chine avait la « responsabilité de faire usage de son influence auprès du président Poutine et de défendre les règles et principes internationaux qu’elle dit soutenir ».

« Mais au contraire, il semble que la Chine aille dans la direction opposée en refusant de condamner cette agression, tout en tentant de se présenter comme un arbitre neutre », a-t-il déploré.

« Nous voyons avec préoccupation que la Chine réfléchit à apporter à la Russie une assistance militaire directe », a-t-il ajouté.

C’est l’avertissement le plus clair lancé par les États-Unis à la Chine depuis le début de l’invasion de l’Ukraine, et il intervient à quelques heures d’une conversation entre les présidents américain et chinois, prévue vendredi.

Cet entretien, le quatrième entre les deux dirigeants depuis que Joe Biden est président, vise à « garder les canaux de communication ouverts entre les États-Unis et la République populaire de Chine », a affirmé dans un communiqué la porte-parole de l’exécutif américain Jen Psaki.

C’est là une préoccupation constante du président américain, pour qui les États-Unis et la Chine sont certes voués à se livrer une concurrence impitoyable, mais en maintenant un dialogue suffisant pour que cet affrontement ne soit pas source de chaos au niveau international.

Les deux dirigeants discuteront de cette « concurrence » entre Washington et Pékin « ainsi que de la guerre de la Russie contre l’Ukraine et d’autres questions d’intérêt commun », a précisé Jen Psaki.

Les États-Unis ont donc encore haussé le ton, eux qui avaient déjà jugé « profondément préoccupante » la position « d’alignement de la Chine avec la Russie » face à la guerre en Ukraine, après une très longue rencontre récente à Rome entre le conseiller à la sécurité nationale américain, Jake Sullivan, et Yang Jiechi, plus haut responsable de la diplomatie du Parti communiste chinois.

« Amitié sans limite »

Depuis le début de l’invasion russe le 24 février, le régime communiste chinois, privilégiant sa relation avec Moscou et partageant avec la Russie une profonde hostilité envers les États-Unis, s’est abstenu d’appeler le président russe Vladimir Poutine à retirer ses troupes d’Ukraine.

Mais l’« amitié sans limite » professée par Pékin et Moscou est mise à l’épreuve par la guerre en Ukraine, le régime du président Xi Jinping semblant avoir été surpris par la résistance ukrainienne à l’offensive russe et par la vigueur des sanctions occidentales.

Au-delà de la question d’une éventuelle assistance militaire à la Russie, Washington ne veut pas que la Chine aide à Moscou à atténuer l’impact de ces sanctions d’une sévérité jamais vues, censées étrangler financièrement et économiquement le régime de Vladimir Poutine.

« La priorité du président Biden (pendant la conversation) sera de demander à la Chine de ne pas donner à la Russie les moyens de compenser les sanctions internationales, et de ne pas envoyer d’équipements pour la machine de guerre russe en Ukraine », a dit à l’AFP Ryan Hass, expert auprès de l’institut de recherches Brookings, et ancien conseiller du président Barack Obama pour la Chine.

Xi Jinping pour sa part « doit arbitrer entre diverses priorités. Il accorde beaucoup d’importance au partenariat avec la Russie, mais il ne veut pas saper les relations avec l’Occident », dont la Chine dépend « pour son accès à certaines technologies de pointe », souligne-t-il.

« Les intérêts de la Chine et de la Russie ne sont pas alignés. Poutine veut dynamiter le système international alors que le président Xi se voit comme l’architecte d’un nouvel ordre international », analyse encore l’expert.