(Novoïavorivsk ) Au petit matin, le ciel s’est enflammé. Les missiles russes ont frappé aux portes de l’OTAN, ciblant des armes et des combattants étrangers. Et la guerre en Ukraine a pris un tournant dangereusement plus sombre.

Au moins 35 personnes ont été tuées et 134 ont été blessées par les frappes russes contre le Centre international pour le maintien de la paix et de la sécurité, une base militaire auparavant utilisée par l’armée canadienne pour entraîner des soldats ukrainiens.

À Novoïavorivsk, petite ville située à une trentaine de kilomètres de la frontière polonaise, Natalya et Valeriy pensaient pouvoir échapper à la guerre. Dimanche, l’horreur les a brutalement rattrapés.

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Natalya et Valeriy résident à proximité de la base militaire de Yavoriv.

Vers 6 h, une énorme explosion a fait trembler les murs de leur appartement. De leur fenêtre, ils ont vu la base militaire de Yavoriv, à environ cinq kilomètres, être pilonnée par des missiles russes.

À l’intérieur de la base se trouvaient 1000 combattants étrangers. Ils faisaient partie des 20 000 combattants qui se sont enrôlés dans la légion internationale formée pour soutenir les forces ukrainiennes.

Le gouverneur de la région de Lviv, Maksym Kozytskyi, a déclaré que les forces russes ont tiré plus de 30 missiles de croisière sur le champ de tir de la base militaire.

Avant la guerre, cette base militaire avait été utilisée dans le cadre de l’opération Unifier, mission canadienne qui a permis d’entraîner 33 000 soldats ukrainiens en quelques années. La mission avait été suspendue à la mi-février.

La nationalité des victimes des frappes n’a pas été dévoilée. « Des instructeurs étrangers travaillent là-bas », s’est limité à dire le ministre ukrainien de la Défense, Oleksii Reznikov.

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Entraînement de soldats ukrainiens au Centre international pour le maintien de la paix et de la sécurité le 4 février dernier

Lors du passage de La Presse, dimanche, la base militaire était inaccessible aux journalistes, tout comme la petite municipalité voisine de Yavoriv.

Des photos circulant sur les réseaux sociaux montraient des baraquements en flammes. Plusieurs heures après les frappes, des dizaines d’ambulances circulaient encore entre la base militaire et Lviv, à 40 kilomètres plus à l’est.

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Tirs d’entraînement effectués le 4 février dernier par des soldats ukrainiens au champ de tir de la base militaire de Yavoriv

Épargnée jusqu’ici par les frappes, cette ville refuge de l’ouest du pays accueille déjà 200 000 Ukrainiens ayant fui les combats. Chaque jour, le flot de déplacés prend de l’ampleur.

Mais la relative sécurité de Lviv a été ébranlée, dimanche. L’attaque meurtrière dans cette région de l’Ukraine, qui est un lien vital avec l’Europe, marque un sinistre tournant dans cette guerre.

Les frappes étaient pourtant prévisibles. La veille de l’attaque, le vice-ministre russe des Affaires étrangères avait prévenu que les livraisons d’armes à l’Ukraine étaient des « cibles légitimes » pour la Russie.

Les autorités ukrainiennes ont réitéré en vain dimanche leurs appels pressants à la mise en place d’une zone d’exclusion aérienne au-dessus du pays. « C’est une nouvelle attaque terroriste contre la paix et la sécurité près de la frontière UE-OTAN. Il faut agir pour arrêter cela. Fermez le ciel ! », a supplié le ministre de la Défense, Oleksii Reznikov.

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Bâtiments endommagés à Yavoriv

L’OTAN répondra « avec toute sa force » à toute attaque sur son territoire, même si celle-ci est accidentelle, a de son côté prévenu dimanche le conseiller national pour la sécurité des États-Unis, Jake Sullivan, à l’émission Face the Nation, sur ABC. Il a affirmé que le président Joe Biden avait « été clair sur le fait que les États-Unis travailleront avec leurs alliés pour défendre chaque pouce du territoire de l’OTAN, et ça veut dire chaque pouce ».

Des soldats russes ont également tiré sur l’aéroport d’Ivano-Frankivsk, situé à 170 km au sud-est de la base de Yavoriv.

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Volodymyr Vasyliuk, maire de Novoïavorivsk, répondant dimanche aux questions de la presse internationale

À Novoïavorivsk, le maire Volodymyr Vasyliuk a tenu un discours sans équivoque. « Ne craignez pas Poutine. Fermez le ciel ! »

Ciblés par des frappes dévastatrices, les Ukrainiens répètent désespérément cette demande, à mesure que le bilan de la guerre s’alourdit. En vain. Les pays occidentaux refusent d’établir une zone d’exclusion aérienne pour éviter un conflit direct entre la Russie et les pays membres de l’OTAN.

Le maire Vasyliuk ne croit pas à cette escalade. « Tant que vous craindrez Poutine, il continuera à faire ce qu’il veut », a-t-il lancé au cours d’un bref point de presse organisé sur le trottoir, devant une masse compacte de journalistes étrangers.

« L’armée de Poutine ne prendra jamais l’Ukraine, a poursuivi le maire. Ils peuvent nous bombarder, mais ils ne seront jamais maîtres de notre terre. Ils retourneront chez eux dans des cercueils. »