(Versailles) Doublement des financements pour des armes à l’Ukraine, menaces de nouvelles sanctions « massives » contre Moscou, les Européens réunis en sommet à Versailles ont encore accru vendredi la pression sur la Russie pour qu’elle cesse son offensive militaire.

« Si (le président russe Vladimir) Poutine intensifie les bombardements, fait le siège de Kyiv, s’il intensifie encore les scènes de guerre, nous savons que nous devrons prendre encore des sanctions massives », a déclaré le président français Emmanuel Macron à la presse à l’issue de deux jours de réunion avec les dirigeants européens.

Ces sanctions iraient au-delà de celles du G7 et de l’UE annoncées vendredi, qui incluent notamment l’exclusion du régime normal de réciprocité régissant le commerce mondial, ouvrant la voie à l’imposition de droits de douane punitifs, ainsi que l’interdiction de l’exportation vers la Russie des produits de luxe.

Emmanuel Macron n’a pas exclu que l’UE puisse s’en prendre ultérieurement aux importations de gaz ou de pétrole, jusqu’ici épargnées en raison de leur coût pour les Européens, très dépendants des hydrocarbures russes.

« Rien n’est interdit, rien n’est tabou », a-t-il lancé.

Les Vingt-Sept ont déjà adopté des sanctions financières et économiques d’une ampleur inédite qui ont entraîné un effondrement du rouble.

Le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a proposé vendredi soir d’allonger la liste noire des individus et entreprises sanctionnés. Celle-ci comprend déjà 862 personnes et 53 entités depuis l’annexion de la Crimée en 2014.

Il a par ailleurs proposé aux chefs d’État et de gouvernement de l’UE réunis au Château de Versailles, près de Paris, de doubler le financement européen destiné à armer l’Ukraine, malgré les mises en garde de Moscou.

M. Borrell a annoncé avoir « fait une proposition pour doubler la contribution (de l’UE) avec 500 millions d’euros en plus pour des armements en soutien à l’armée ukrainienne ». Elle devra encore être adoptée par les États membres.

Les financements proviennent de la « Facilité européenne pour la paix », un fonds doté de 5 milliards d’euros.

Une première enveloppe de 500 millions d’euros, inédite dans l’histoire européenne pour du soutien militaire, avait déjà été débloquée fin février.

Cette somme est utilisée pour rembourser les fournitures d’armements prélevées par les États membres sur leurs stocks.

Le gouvernement ukrainien a formulé des demandes très précises de matériel que ses soldats sont capables d’utiliser, notamment des systèmes de défense antiaérienne et des armes antichars, utilisés avec succès pour freiner la progression des troupes russes et leur contester la suprématie aérienne.

Ces armements sont acheminés en Ukraine via la Pologne.

« Livraisons dangereuses »

Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a averti jeudi que ces livraisons étaient « dangereuses » et a menacé les Occidentaux. « Ceux qui gorgent d’armes l’Ukraine doivent bien sûr comprendre qu’ils porteront la responsabilité de leurs actes », a-t-il déclaré.

Les 27 États de l’UE se sont par ailleurs félicités d’avoir trouvé un compromis, à l’issue de discussions difficiles dans la nuit, sur le message politique à envoyer à l’ancienne république soviétique quant à son projet d’adhésion à l’Union.

Divisés sur cette question, un chiffon rouge pour Moscou, ils ont souligné son appartenance à la « famille européenne », sans aller jusqu’à évoquer formellement une intégration, même lointaine, à l’UE.

« Il faut aller plus fort. Ce n’est pas ce que nous attendons », a réagi le président ukrainien Volodymyr Zelensky.

« Nous voulions que ce soit plus ambitieux », a aussi commenté le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kouleba. « Mais par rapport à la situation il y a trois semaines, c’est une révolution qui est dans l’intérêt de l’Ukraine, de l’Union européenne et qui met notre adhésion à l’UE sur des rails », a-t-il estimé.

L’Ukraine et l’UE sont liées par un accord d’association depuis 2014. Cet accord « peut être conforté, consolidé », a expliqué le président du Conseil européen Charles Michel.

L’intégration à l’UE est un processus qui s’étale sur des années. Il nécessite des négociations complexes sur de nombreux sujets et des critères difficiles à respecter pour un pays en guerre, comme la stabilité politique et une économie de marché viable.  

Il exige en outre l’accord unanime des 27 pays membres.

Les dirigeants européens ont également discuté du projet de la Commission européenne de réduire des deux tiers, dès cette année, la dépendance de l’UE au gaz russe, qui représente aujourd’hui 40 % de sa consommation.

La présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a indiqué qu’elle proposerait l’objectif d’une indépendance de l’UE envers les énergies fossiles russes d’ici à 2027.