(Perekhrestia) Le bâtiment est isolé et battu par les vents mais dans cette région de l’extrême ouest ukrainien, les bombes ne sifflent pas et des orphelins chassés de Kyiv par les combats peuvent enfin souffler.

« Nous nous sentons en sécurité ici, c’est calme », confie Mykola Topolov, 17 ans, l’un des 93 occupants de cette école désaffectée reconvertie en foyer dans le petit village de Perekhrestia, à 800 km de la capitale.

Lui et ses camarades âgés de 6 à 21 ans se trouvaient dans un centre pour enfants près de Kyiv quand la Russie a envahi l’Ukraine, le 24 février.

« On a entendu deux bombes exploser et on a su tout de suite que les Russes avaient attaqué », raconte l’adolescent. « C’était terrifiant ».  

Le groupe est originaire de la région séparatiste prorusse de Donetsk (est), meurtrie par des combats depuis 2014.  

Vivant au plus près de la ligne de front, les enfants venaient d’arriver pour « prendre l’air et oublier la tension », explique Galyna Ivazenko, la responsable du camp qui a fait le trajet avec eux.

Rapidement, ils sont repartis de la gare de Kyiv, en direction cette fois de ce refuge improvisé, situé non loin de la frontière hongroise.

Coupée du reste du pays par des massifs montagneux, la Transcarpatie est une des rares régions ukrainiennes encore préservées de la guerre.

« C’est un îlot de paix ici », souligne le directeur de l’établissement, Mikhaïlo Glynka, dans son bureau avec vue sur la vallée verdoyante.

Quand l’Ukraine aura vaincu

Ancien pensionnat pour enfants malades, le bâtiment était fermé depuis un an mais devant l’urgence de la situation, les autorités ont ordonné sa réouverture.

Dans le petit village de 800 âmes, toutes les bonnes volontés se sont mobilisées pour préparer le bâtiment, apporter des provisions, des peluches et jeux pour les enfants pour égayer le cadre un peu triste de leur séjour.

Sous un ciel bas, les plus jeunes gambadent dans le parc. D’autres jouent au cerceau dans les salles de classe ou bavardent assis sur les escaliers, tandis que dans la cuisine fument de grands bols de soupe.

Mykola a été abandonné à la naissance, tandis que beaucoup de ses camarades ont été retirés de leur famille biologique.

« Quand l’Ukraine aura vaincu la guerre, je veux aider à reconstruire le pays », lance-t-il, assis sur un des lits d’un dortoir aux rangées serrées.  

Il espère aussi reprendre les cours de programmation informatique qu’il avait entamés à Kramatorsk, près de Donetsk.  

Leur accompagnatrice Galyna Ivazenko, 57 ans, forte devant les enfants, craque quand elle pense à ses vieux parents qui habitent à Mykolaïv, ville du sud de l’Ukraine sous le feu russe.

« J’ai perdu contact avec eux, je ne sais pas où ils sont, s’ils vont bien », dit-elle en retenant ses larmes.

Le pasteur de la commune, Jozsef Sipos, est également venu prêter assistance.

Responsable d’une fondation d’aide à l’enfance appelée « Kegyes », cet homme d’origine hongroise, comme de nombreux habitants de la région, décharge de son véhicule médicaments et nourriture venus du pays voisin.

« Dès que j’ai entendu parler du projet, j’ai commencé à m’organiser et à apporter de l’aide », explique-t-il. « C’est le moins qu’on puisse faire ».

À Perekhrestia, on redoute désormais l’arrivée d’orphelins de guerre alors que les forces russes continuaient mardi de se déployer autour de nombreuses villes et à intensifier leurs bombardements, au treizième jour de l’offensive.