Un dirigeant imprévisible à Moscou, la crainte d’une bombe atomique, des accusations de propagande : poussés par une méfiance envers l’Est, 12 pays, dont le Canada, ont signé un pacte de défense en… 1949. Aujourd’hui, l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) est au cœur des craintes évoquées par le président de la Russie, Vladimir Poutine. Mais son espoir de freiner l’élargissement de l’OTAN pourrait avoir les conséquences inverses.

En Finlande et en Suède, deux pays officiellement non alignés, des sondages ont noté cette semaine une hausse de l’appui des citoyens à une adhésion de l’OTAN, atteignant plus de 50 % pour la première fois. Les deux voisines ont des liens bien établis avec l’Organisation, sans toutefois en être membres.

« Dans un sens, on dirait que Poutine semble créer la situation stratégique qu’il craignait, parce que s’il n’était pas allé de l’avant avec l’invasion de l’Ukraine, la Finlande et la Suède n’auraient pas considéré de rejoindre l’OTAN », analyse Marion Messmer, chercheuse doctorante au King’s College de Londres, où elle se penche sur les relations entre cette organisation et la Russie.

Mais juste parce que la Russie a modifié la façon dont les menaces sont perçues, la Suède et la Finlande sont inquiètes, comme elles sont près de la Russie.

Marion Messmer, chercheuse doctorante au King’s College de Londres

La Finlande partage une frontière de plus de 1300 km avec la Russie, avec qui elle entretenait de bonnes relations.

« Je crois que ça veut dire que la Finlande est de moins en moins certaine de ses frontières avec la Russie », conjecture Anessa Kimball, professeure agrégée de relations internationales à l’Université Laval. « La Finlande était quand même une zone tampon, affiliée avec les alliés de l’Occident, mais qui ne voulait pas trop s’en mêler. »

Requêtes de Poutine

Au cours des derniers mois, alors que le positionnement de milliers de soldats russes aux frontières de l’Ukraine inquiétait le monde occidental, Vladimir Poutine avait avancé ses demandes pour éviter un éventuel conflit : une garantie que l’OTAN, qu’il voit comme une menace, ne s’élargirait pas vers l’Est et que l’Ukraine n’en serait pas membre. Il souhaitait également limiter l’action des pays y ayant adhéré après 1997.

« Bien sûr, l’OTAN, et certainement les Américains, ne va jamais, jamais accéder à cette demande parce qu’elle est scandaleuse. Les pays n’ont pas été contraints de rejoindre l’OTAN, ils ont demandé à en être membres, et il y a un processus en place », rappelle Benjamin Zyla, professeur agrégé à l’Université d’Ottawa.

L’Ukraine n’était pourtant pas en voie d’adhérer rapidement à l’OTAN, qui a des critères sur la santé démocratique des pays et leur organisation militaire, notamment. Tout comme la Géorgie, elle avait obtenu en 2008 une promesse de pouvoir grossir les rangs de l’Organisation, conditionnelle à des réformes.

« Le compromis [pour la Géorgie et l’Ukraine] était de dire qu’elles pourraient se joindre sans donner une date ni un plan d’action formel », explique Mme Messmer, qui est aussi codirectrice du groupe de réflexion sur les politiques nucléaires BASIC. « Je pense que, dans un sens, c’était une position dangereuse. »

Depuis l’invasion, l’Ukraine implore l’OTAN de l’aider. Mais pour l’instant, l’Alliance tente encore d’éviter l’affrontement direct.

Exclusion aérienne

Vendredi, les membres de l’OTAN ont rejeté la demande ukrainienne de créer une zone d’exclusion aérienne au-dessus du pays, craignant d’être entraînés dans le conflit.

Je sympathise complètement avec les demandes de l’Ukraine, mais je pense que ce serait un choix stratégique terrible. Parce que, pour s’assurer d’une zone d’exclusion aérienne, l’OTAN devrait être prête à abattre des avions russes.

Marion Messmer, chercheuse doctorante au King’s College de Londres

Cela provoquerait ensuite une escalade qui s’étendrait bien au-delà des frontières de l’Ukraine, craint-elle.

L’Organisation peut intervenir même lorsque ses membres ne sont pas attaqués – comme elle l’a fait en Serbie en 1999 –, mais l’OTAN exclut pour l’instant l’intervention militaire en Ukraine, pour éviter une « guerre totale en Europe », a déclaré vendredi le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg. Les pays membres de l’OTAN fournissent toutefois des armes, en s’appuyant sur le droit de l’Ukraine à se défendre.

Avec l’Associated Press et l’Agence France-Presse