Installé devant les drapeaux de l’Ukraine et de sa capitale, le maire de Kyiv, Vitali Klitschko, exprime son admiration pour son peuple.

« Je suis fier de voir les gens patriotiques, peu soucieux de savoir à quel point l’armée russe est forte. Nous sommes prêts à nous battre et à mourir pour notre maison, notre pays et nos familles, parce que c’est chez nous », a-t-il dit sur les ondes de CNN cette semaine.

Ce politicien au parcours atypique a déjà indiqué son intention de prendre les armes pour défendre sa patrie.

Vitali Klitschko a l’habitude des combats. Champion de boxe chez les poids lourds, il s’est lancé dans le ring politique lors de la révolution de 2014. Il a été réélu maire en 2019.

Le pugiliste a accroché ses gants, mais n’a pas perdu son ardeur.

« À ses débuts en politique, les gens étaient sceptiques parce que les aptitudes d’un boxeur de classe mondiale ne se transposent pas nécessairement bien pour faire fonctionner une ville », souligne Eugene Bondarenko, chargé de cours en langues et cultures ukrainiennes et russes à l’Université du Michigan.

Figure médiatique

L’homme de 2 m à la mâchoire carrée, au regard sombre et aux cheveux coupés ras est devenu l’une des figures médiatiques de la guerre en Ukraine. « Il s’est révélé être exactement la personne dont les gens avaient besoin, explique M. Bondarenko. Comme champion de boxe poids lourd, il dégage une image de force, très importante en ce moment. »

PHOTO KIRILL KUDRYAVTSEV, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Vitali Klitschko, en 2012

Le maire de 50 ans utilise les réseaux sociaux pour communiquer avec son peuple, mais aussi avec le monde extérieur. Il publie également les vidéos de son frère Wladimir, médaillé d’or en boxe aux Jeux olympiques de 1996, qui appelle au soutien international après s’être enrôlé dans les forces armées ukrainiennes.

« C’est un des avantages d’avoir des figures politiques qui sont connectées auprès d’autres auditoires : leur plateforme est plus grande », estime Emily Channell-Justice, directrice du Temerty Contemporary Ukraine Program à l’Université Harvard. « Le monde connaît [Vitali] Klitschko à cause de la boxe, mais il tire avantage de ça pour informer les gens sur ce qui se passe en Ukraine. »

Un risque

Vitali Klitschko, tout comme le président ukrainien Volodymyr Zelensky, a choisi au tout début de l’invasion de rester à Kyiv, défiant publiquement les forces russes. Une option risquée.

« Nous savons que Zelensky est la cible numéro un [des Russes], rappelle Mme Channell-Justice. Je suis certaine à 100 % que Klitschko est numéro deux. Il a été un défenseur de la souveraineté de l’Ukraine. Je pense qu’ils vont l’abattre, parce qu’ils ne pourront jamais en faire une marionnette russe. »

Le courage des deux hommes a été salué. Mais selon Maria Popova, professeure agrégée de sciences politiques à l’Université McGill, si ces politiciens hors normes inspirent le peuple, ils sont eux-mêmes d’abord poussés par la mobilisation des Ukrainiens.

Ils ne dirigent pas d’une façon paternaliste, comme des figures de pères de la nation, mais plutôt comme des hommes comme les autres, comme l’un d’entre eux.

Maria Popova, professeure à l’Université McGill

L’ancien boxeur s’est imposé comme un leader lors du soulèvement populaire de 2013-2014. L’étincelle qui avait déclenché la colère des Ukrainiens était une volte-face du président de leur pays dans un accord pour rapprocher l’Ukraine de l’Europe. Vitali Klitschko s’est dès le début positionné comme une figure pro-européenne.

« En 2014, il avait ce parti dont l’acronyme était “frappe” – un boxeur qui fait de la politique avec le mot “frappe”, c’était sa marque de commerce, dit Lucan Ahmad Way, professeur de sciences politiques à l’Université de Toronto. Je me souviens qu’il était très actif dans les rues, à essayer de mobiliser les gens. »

Les manifestants en avaient assez de la corruption politique.

Avant la guerre, Klitschko « n’était pas un maire de Kyiv remarquable », indique Maria Popova. Ni populaire ni honni. Mais l’invasion russe et les menaces contre la capitale l’ont propulsé à l’avant-scène.

« Il y a une semaine, les Ukrainiens vivaient dans un monde en grande partie comme le nôtre, rappelle Eugene Bondarenko, lui-même originaire de Kyiv. Leurs enfants allaient à l’école, la COVID-19 était probablement le souci principal. Aujourd’hui, les Ukrainiens se font bombarder avec des bombes à sous-munitions. »

Mercredi, alors que les forces russes continuaient de pilonner l’Ukraine et que les habitants de la capitale se préparaient à un assaut, le maire Klitschko a lancé un nouvel appel aux habitants. « Kyiv tient et va tenir », a-t-il dit.

Avec l’Agence France-Presse et CNN