(Berlin) L’Allemagne a décidé d’accroître ses livraisons d’armes à l’Ukraine en guerre, en lui dépêchant 2700 missiles antiaériens supplémentaires, tous – curieuse ironie de l’Histoire – de fabrication soviétique.

Berlin « a approuvé un soutien supplémentaire à l’Ukraine », a indiqué à l’AFP une source gouvernementale, en parlant de missiles de type Strela, qui proviennent des stocks de l’armée de l’ancienne Allemagne de l’Est communiste.

Ces stocks, acquis auprès de l’Union soviétique, avaient été intégrés dans ceux de l’armée nationale allemande, la Bundeswehr, lors de la réunification allemande en 1990, et sont donc vieux de plus de trente ans.

En outre, le ministère allemand de la Défense a fait parvenir ces derniers jours 18 000 casques militaires supplémentaires à Kyiv, s’ajoutant à une première livraison de 5000 unités.

Berlin avait déjà autorisé samedi la livraison à Kyiv de 500 missiles antiaériens de type Stinger, de 1400 lance-roquettes antichars et de neuf obusiers, tous arrivés entre-temps en Ukraine. Les obusiers sont aussi de fabrication soviétique.

Protestation

L’utilisation des équipements de fabrication soviétique pour venir en aide à l’Ukraine, en puisant dans les réserves de feu l’armée est-allemande communiste, fait débat depuis plusieurs semaines.

Le dernier chef de l’État de la RDA communiste, Egon Krenz, a ainsi protesté dès fin janvier contre l’idée – alors déjà discutée – d’envoyer à Kyiv des obusiers de l’armée qu’il commandait jadis, pour s’en prendre aux soldats russes en Ukraine.

« La RDA n’a pas fait en sorte en 1989 que les évènements » liés à la chute du Mur de Berlin, « se déroulent sans violence, pour que ses armes puissent être maintenant utilisées contre la Russie », s’était-il exclamé dans le quotidien Berliner Zeitung.

« Cela enfreindrait l’esprit de la réunification des deux États allemands, basé sur l’idée qu’une guerre ne doit plus être menée depuis le sol allemand », avait-il ajouté, en argumentant que les armes allemandes avaient déjà fait des millions de victimes russes durant la Seconde Guerre mondiale.

La décision suscite aussi sur les réseaux sociaux certains commentaires acides. « Est-ce que quelqu’un est en train de faire un inventaire de la Bundeswehr et vient de trouver quelque chose au grenier ? », lance ainsi une internaute sur Twitter.

Les matériels « ne sont-ils pas obsolètes ? », demande un autre.

« Moisis »

Selon l’hebdomadaire Der Spiegel à paraître samedi, qui cite un rapport confidentiel de la Bundeswehr, un quart des missiles au moins ne sont en effet plus utilisables, car trop anciens. L’armée allemande s’en est débarrassée dès 2014 et doit depuis les faire détruire par une entreprise spécialisée, une échéance sans cesse repoussée, indique le Spiegel.

Du coup, les missiles restent depuis entreposés dans des caisses en bois moisies, au point que les soldats doivent revêtir des combinaisons de protection lorsqu’ils les inspectent, ajoute le journal.

La décision de Berlin d’envoyer des armes en Ukraine a marqué un tournant dans la politique allemande de l’après-guerre, le pays s’étant auparavant toujours interdit, en raison de son histoire sous le nazisme, d’exporter des armes « létales » dans des zones de conflit.

Le chancelier Olaf Scholz a justifié ce revirement par la « tournant » que constitue l’invasion russe en Ukraine, qui oblige l’Allemagne à repenser ses priorités.

Berlin a aussi annoncé une nette augmentation de ses dépenses militaires, avec 100 milliards d’euros débloqués immédiatement pour moderniser la Bundeswehr et une hausse du budget de la défense dans les années à venir.