Le Canada a annoncé lundi un don de fusils antichars à l’Ukraine. De vieilles armes dont on a souvent prédit la disparition, des modèles dépassés par les nouvelles technologies de pointe mais qui, malgré tout, pourraient se révéler « dévastatrices » contre l’armée russe, assurent d’anciens militaires consultés par La Presse.

« Je m’inscrirais en faux contre quiconque dirait que ce qu’on envoie n’a pas de valeur. Ces armes peuvent être tout à fait dévastatrices pour arrêter des véhicules », martèle le major-général à la retraite Richard Blanchette, un ancien du Royal 22e Régiment de Valcartier.

Ces armes, ce sont les fusils antichars sans recul Carl Gustaf. Le Canada en fournira une centaine aux forces ukrainiennes, avec environ 2000 projectiles adaptés, selon la ministre de la Défense, Anita Anand.

« En termes communs, c’est ce qu’on appelait des bazookas. Normalement, ça prend une équipe de deux personnes. C’est sur l’épaule du tireur et, derrière lui, il va y avoir un chargeur qui va mettre le projectile et aider à bien s’aligner sur l’objectif », explique le colonel à la retraite Pierre St-Cyr. Ancien attaché de la Défense canadien en Russie et en Ukraine, M. St-Cyr travaille aujourd’hui comme président des Commissionnaires du Québec, une agence de sécurité qui emploie des vétérans de l’armée.

« Effet psychologique »

Le Carl Gustaf utilisé par l’armée canadienne est produit par Saab, le géant suédois de l’armement. Il s’agit d’une version améliorée d’un modèle développé en 1946 et qui tire son nom de Charles X Gustave, roi de Suède au XVIIe siècle. Une technologie antichar ancienne, mais plus facile à utiliser et moins coûteuse que les systèmes perfectionnés de missiles guidés livrés par d’autres pays à l’Ukraine.

PHOTO CAPORAL-CHEF STUART MACNEIL, FOURNIE PAR LES FORCES ARMÉES CANADIENNES

Des soldats des Forces armées canadiennes affectés au groupement tactique de présence avancée renforcée en Lettonie se préparent à utiliser des lance-roquettes de 84 mm Carl Gustaf au cours de l’opération REASSURANCE, au Camp Adazi, en Lettonie, en avril 2021.

Année après année, des intervenants ont prédit sa disparition et son remplacement par un outil plus technologique. En 1987, un article du Toronto Star le qualifiait de « désespérément dépassé ». En 1993, une dépêche de La Presse Canadienne évoquait l’achat de missiles modernes pour remplacer les Carl Gustaf « obsolètes ». En 1996, Le Devoir le disait « désuet ».

« L’arme est peut-être vieillotte, ce n’est pas une arme qui est moderne, ce n’est pas la dernière technologie, j’en conviens, mais ça demeure très efficace sur le terrain pour arrêter, neutraliser ou détruire un véhicule. Je crois que ce sera très utile », explique Pierre St-Cyr.

Même contre un char d’assaut très moderne, comme le T-80 russe, où le blindage est très gros, ça ne pourra probablement pas le détruire, mais ça pourrait l’immobiliser.

Pierre St-Cyr, ancien colonel des Forces armées canadiennes, à propos du fusil antichar Carl Gustaf

« Il y a un effet psychologique aussi. Ce sont des armes portatives qui peuvent être utilisées dans un endroit de guet-apens, où l’ennemi ne sera pas capable de les détecter à temps, contrairement à de grosses concentrations de forces », dit-il.

Facile à transporter

La légèreté et la facilité d’utilisation du Carl Gustaf sont des atouts dans un contexte où des civils se mobilisent présentement en Ukraine et pourraient participer à la défense de leur pays, affirme Richard Blanchette.

« C’est facile à porter, tu peux ranger ça dans une valise d’auto avec deux-trois projectiles, et c’est extrêmement fonctionnel. Ce qui se dessine présentement, ce sont des interfaces de combat où la population va jouer un rôle. Ça va se transformer en guérilla à un certain point, et si les Ukrainiens réussissent à diffuser les Carl Gustaf, les Russes n’auront pas assez de troupes pour quadriller, contrôler un pays de cette taille », dit l’officier à la retraite.

Les systèmes de missiles antichars plus modernes ont certes une plus grande portée, mais ils sont lourds, coûteux et nécessitent souvent la participation d’une équipe de plusieurs personnes, et ont une « signature » beaucoup plus facile à détecter pour un ennemi, souligne M. Blanchette. « Donc, une fois que vous faites feu, les chars que vous essayez d’atteindre peuvent vous repérer et tirer à leur tour », dit-il.

Mardi, le président de Saab Canada a confié à La Presse être prêt à répondre à toute demande pour du matériel supplémentaire. « Saab est au courant des informations selon lesquelles le Canada va livrer des armes antichars à l’Ukraine. Nous demeurons attachés à notre relation de plus de 30 ans avec les Forces armées canadiennes et le gouvernement du Canada, et allons continuer de les appuyer selon leur demande », a-t-il déclaré.

En savoir plus
  • 40
    Nombre de pays ayant acheté des Carl Gustaf pour leurs troupes
    SOURCE : Saab
    7 kg
    Poids du modèle le plus récent de Carl Gustaf
    SOURCE : Saab