(Podkowa Leśna) La vie de Ielena Kleban a basculé en quelques instants, quand les premières bombes russes sont tombées près de Lviv, raconte cette jeune femme de 35 ans arrivée en Pologne où l’accueil a dépassé ses attentes.  

« On ne s’attendait vraiment pas à ce que Lviv soit attaqué dès le premier jour de la guerre », dit-elle à l’AFP, assise au milieu de cartons de vivres dans la cuisine d’une villa à Podkowa Lesna, une petite ville de près de 4000 habitants, non loin de Varsovie.  

« Mais Poutine déteste Lviv, le cœur spirituel d’Ukraine », insiste-t-elle.  

Quand les premières bombes russes sont tombées dans son quartier, il n’y avait plus à hésiter : « Il fallait sauver les enfants, dit-elle. Les hommes sont restés pour se battre ou creuser des tranchées ».  

Avec sa sœur cadette, sa belle-sœur et leurs sept enfants, ainsi que leur grand-mère, elles ont rassemblé à la hâte quelques affaires et pris la route vers le poste-frontière polonais de Medyka, distant de 60 km, puis jusqu’à Varsovie, en voiture, à pied, puis en taxi.  

Épuisées mais heureuses, elles sont désormais en sécurité, après avoir passé leur première nuit sur des matelas disposés par terre au rez-de-chaussée d’une maison des années 20, invitées d’une famille de cette banlieue résidentielle de Varsovie.

L’accueil qu’elles reçoivent n’est qu’un exemple parmi beaucoup d’autres de l’élan de solidarité des Polonais à l’égard de leurs voisins ukrainiens, tant du côté des autorités que de la société civile.

Selon les gardes-frontières, depuis l’invasion russe déclenchée jeudi, près de 300 000 personnes venant d’Ukraine ont traversé la frontière polonaise, qui est également la frontière orientale de l’UE.

La Commission européenne a ouvert la porte à une adhésion de l’Ukraine à l’UE lundi, mais celle-ci n’est pas pour demain, malgré la demande par Kiev d’une procédure spéciale pour intégrer le pays « sans délai ».

Mais à Podkowa Lesna comme dans les États de l’UE limitrophes de l’Ukraine, les citoyens du bloc ouvrent les portes aux Ukrainiens.

Les voisins apportent tout - draps, couvertures, oreillers, vêtements et vivres, et des jouets pour les enfants.

Une grosse marmite de soupe les attendait aussi, préparée par un couple, une femme médecin et un professeur de physique à l’Université de Varsovie. Leur fils Jan Lusakowski a traduit la recette sur Google Traduction, pour que les Ukrainiens sachent ce qu’ils mangent.  

« On a tout, vraiment tout, même trop de choses », dit, les larmes aux yeux, Inna Ourbanovitch, 33 ans, mère d’une fille de 14 ans et d’un garçon de 7 ans. « On ne s’attendait pas à tant de générosité. Un four micro-ondes neuf et deux poussettes pour les enfants ont été apportés le soir même ».  

 « Même pas de passeport »

« Je n’avais même pas de passeport pour entrer dans l’UE », dit Iryna, 33 ans, dont c’est le premier voyage à l’étranger. Ses enfants — Olexandre, un an et demi, et Alina, 14 ans — n’avaient eux non plus aucun titre de voyage. « Heureusement les gardes-frontières polonais ont accepté de nous faire passer uniquement sur la base des extraits d’actes de naissance ».

Ce week-end, la petite ville de Podkowa Lesna a accueilli une cinquantaine de personnes, essentiellement chez des particuliers. À Milanowek, la ville à côté, à la caserne des sapeurs-pompiers, une trentaine de lits de camp attendent l’arrivée d’autres réfugiés et 300 autres lits peuvent être dépliés à tout moment.    

« Deux orphelinats de la région de Kharkiv sont en route vers nous, avec notamment des enfants handicapés », dit Artur Niedzinski, chargé d’organiser l’aide à la maison de la culture de Podkowa Lesna.  

« Ils sont coincés à la frontière et devraient arriver d’ici 24 heures si tout se passe bien. Des habitants de Podkowa Lesna ont pris leurs voitures pour aller les récupérer », dit-il à l’AFP.    

 Sortir du stress

« On devrait pouvoir accueillir quelque 300 personnes », estime Artur Tusinski, maire de Podkowa Lesna, qui a lancé un appel à l’aide dès vendredi.

L’association catholique Przymierze Rodzin mettra à disposition une maison. Le Club de l’Intelligentsia Catholique a ouvert un compte bancaire pour les dons.  

« On a surtout besoin de nourriture, produits d’hygiène, biberons, aliments pour enfants et couches. Au mieux de l’argent pour financer tout cela. […] Tous ces gens-là, il faudra les nourrir. Et nul ne sait combien de temps ça va durer », dit le maire.  

La directrice de l’école primaire Agnieszka Hein relève déjà l’âge des enfants des réfugiés.  

« On espère qu’ils pourront vite retourner dans leur pays, mais d’ici là il faut les occuper par des activités normales pour les aider à sortir du stress vécu », dit-elle.