« C’est épouvantable, ce qui se passe »

« Je n’aurais jamais pensé vivre ça », souffle Sylvain Longchamps, originaire de Saint-Georges, en Beauce, qui réside dans l’ouest de l’Ukraine depuis une douzaine d’années. Au bout du fil, le consultant en production porcine dit avoir beaucoup d’admiration pour les Ukrainiens. Les citoyens sont « prêts à donner leur vie pour défendre leur pays », raconte ce témoin direct de l’« épouvantable » invasion de la Russie.

« On dirait que c’est dans leur sang, continue le Beauceron. C’est vraiment David contre Goliath, mais ils n’abandonnent pas. »

C’est le cas de l’épouse de M. Longchamps, Oksana Krompashchyk, qui refuse de partir. « Elle trouve ça très difficile, ce qui arrive à l’Ukraine, raconte le Beauceron. Elle aimerait essayer de faire quelque chose. » Le couple a donc décidé de rester dans le village où il habite, près de Lviv, à une cinquantaine de kilomètres de la Pologne. Du moins, pour l’instant.

On a deux voitures et on a fait le plein d’essence. Nos valises sont prêtes, nous pouvons partir en cinq minutes si jamais ça se corse.

Sylvain Longchamps, habitant d’un village près de Lviv, en Ukraine

L’ouest du pays a jusqu’ici été peu touché par les attaques, rapporte Sylvain Longchamps, soulagé. Des bombardements se sont toutefois fait entendre jeudi matin dans la région. Le consultant était alors au téléphone avec un de ses adjoints en route vers un élevage porcin, près d’une base militaire. « Au moment où il passait, ça a éclaté », relate le Québécois. L’homme n’a heureusement pas été blessé, mais la « grosse explosion » a été un choc.

Le Québécois peine à croire ce qui arrive à l’Ukraine. Jusqu’à la dernière minute, dit-il, il a cru que Vladimir Poutine ne passerait pas à l’action. « C’est épouvantable, ce qui se passe. »

Files à la frontière et aux magasins d’armes

La frontière entre l’Ukraine et la Pologne a été le théâtre de scènes « chaotiques » ces derniers jours, relate M. Longchamps, qui habite à une soixantaine de kilomètres de là. Les habitants des zones les plus touchées par les attaques ont afflué. « Il y a eu des files de voitures pour traverser la frontière qui faisaient de 20 à 30 km », dit-il.

PHOTO BRYAN WOOLSTON, REUTERS

Des Polonais massés à la frontière avec l’Ukraine, dans la nuit de samedi à dimanche, tiennent des pancartes offrant aux déplacés qui ont fui l’invasion russe de les transporter vers des destinations à travers le pays.

Malgré la situation, les Ukrainiens demeurent calmes, souligne M. Longchamps. « Mais les gens ont peur pour leurs enfants et leurs familles, dit-il. Ils essaient de les éloigner du danger. »

Si les files monstres se formaient auparavant devant les stations-service, on les voit désormais aux portes des armureries et des bureaux de recrutement militaire. « Il y a beaucoup de gens qui vont se proposer pour défendre leur pays, même s’ils n’ont pas encore été appelés », souligne le Beauceron. Ce dernier a vu des trentaines de personnes se masser devant ces endroits.

Mais de nombreux Ukrainiens ont déjà été appelés à se battre. C’est le cas de trois employés de l’entreprise pour laquelle M. Longchamps est consultant, qui ont dû partir tôt vendredi matin. « Quand ils vous disent que maintenant c’est votre tour, vous devez vous présenter immédiatement, relate-t-il. Ça va assez vite. » Depuis, le Beauceron est sans nouvelles d’eux. Et continuer de gérer les élevages porcins, dans un tel contexte, n’est pas une tâche facile, souligne-t-il.

Bruno Martin, un autre Québécois en Ukraine, raconte que les citoyens habitant à la campagne déferlent vers Kiev, pour défendre la capitale. « Ils n’ont que des carabines de chasse, alors qu’ils ont besoin d’armes lourdes », insiste-t-il, en parlant de fusils d’assaut. Le Canada doit envoyer des armes aux Ukrainiens, implore-t-il.