Vigie des droits de l’homme sur le continent européen, le Conseil de l’Europe a décidé vendredi de sanctionner la Russie, bannie de ses principales instances, une première pour une organisation internationale depuis l’invasion de l’Ukraine.

Le Conseil, dont la Russie et l’Ukraine sont membres et dont le siège est à Strasbourg, a ainsi réagi à une « attaque armée » que sa Secrétaire générale, la Croate Marija Pejcinovic Buric, avait condamnée « fermement » dès jeudi, redoutant des « conséquences dévastatrices pour l’ensemble du continent ».

La « suspension » des « droits de représentation » de la Russie, prise « avec effet immédiat », a été votée à une « majorité écrasante », selon une source diplomatique, par le Comité des ministres, l’« exécutif » de l’institution où siègent les représentants permanents de ses 47 États membres.

La Turquie, qui a condamné à plusieurs reprises l’invasion « inacceptable » de l’Ukraine, s’est toutefois abstenue afin de ne « pas couper le dialogue » avec Moscou, selon son ministère des Affaires étrangères.

La décision du Comité des ministres signifie que les diplomates russes ne pourront plus participer à cette instance. De la même manière, les parlementaires russes ne pourront plus siéger à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE).

Réuni depuis jeudi en sessions « extraordinaires », le Comité des ministres, dont les discussions ont été « profondes, sérieuses et dénuées d’éclats » selon cette même source diplomatique, entend toutefois préserver des canaux de discussion avec Moscou.

Ainsi a-t-il pris soin de relever que « la suspension n’est pas une mesure définitive, mais temporaire, laissant les voies de communication ouvertes ». Même « suspendue », la Russie n’en demeure donc pas moins membre de l’organisation.

L’article 8 des statuts du Conseil, base de ces premières sanctions, aurait permis de l’exclure purement et simplement, comme l’aurait souhaité le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kuleba, qui a appelé dans un tweet à « virer » Moscou de toutes les institutions internationales. Mais cette option n’a pas été retenue, du moins pour le moment.

« Monde civilisé »

Le Conseil a même pris soin de préciser que la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), son bras judiciaire, demeurait en dehors du champ de cette suspension. La Russie, a-t-il souligné, reste liée par ses engagements à l’égard de la Convention européenne des droits de l’Homme.

La CEDH continuera ainsi d’offrir un dernier recours aux citoyens russes victimes de l’arbitraire de leurs juridictions nationales, Moscou étant le principal pourvoyeur d’affaires de la cour, devant la Turquie et l’Ukraine.

Pour le Néerlandais Tiny Cox, président de l’APCE, face à la « violation brutale de la souveraineté et de l’intégrité de l’Ukraine par la Russie », il fallait adresser à Moscou un « signal clair : si vous violez vos obligations, vous vous placez en dehors du monde civilisé ».

L’organisation, créée en 1949, « est là pour les 830 millions de citoyens de toute l’Europe, pour promouvoir les droits de l’homme, défendre l’État de droit et faire progresser la démocratie », a-t-il souligné.

C’est la deuxième fois en quelques années que le Conseil de l’Europe sanctionne la Russie. Le précédent remontait à 2014 lorsqu’elle avait annexé la Crimée.

La délégation russe au sein de l’APCE s’était alors vue privée de son droit de vote. Une mesure symbolique à laquelle la Russie avait répliqué par le boycottage des sessions de cette assemblée et la suspension du versement de son écot au budget du Conseil, menaçant la pérennité de l’institution.

Après cinq années de vives tensions, le différend avait été réglé et la délégation russe avait réintégré l’APCE, au grand dam des parlementaires ukrainiens.

Le chef de l’État français Emmanuel Macron, parmi d’autres, avait œuvré à ce règlement, alors que la France assurait la présidence semestrielle tournante du Conseil, multipliant les gestes d’apaisement envers son homologue russe Vladimir Poutine.