(Londres) Le Royaume-Uni a sanctionné mardi des oligarques proches du Kremlin et des banques russes pour « frapper la Russie très fort » après la reconnaissance par Moscou de régions séparatistes prorusses dans l’est de l’Ukraine, se disant prêt à aller plus loin en cas de nouvelle escalade militaire.

Le gouvernement britannique a adopté une position dure face à Moscou dans la crise russo-occidentale autour de l’Ukraine, mais a été accusé dans le même temps de fermer les yeux depuis des années sur l’origine de l’argent russe affluant à Londres.

Intérêts économiques russes

À l’issue d’une réunion de crise à Downing Street au petit matin, le premier ministre britannique Boris Johnson a annoncé que les mesures de rétorsion britanniques viseraient les « intérêts économiques russes qui soutiennent la machine de guerre russe ».

Elles « vont frapper la Russie très fort et nous ferons bien plus en cas d’invasion », a souligné Boris Johnson, qualifiant la décision rendue publique lundi soir par Vladimir Poutine de reconnaître l’indépendance des deux républiques autoproclamées par les séparatistes de « prétexte pour une offensive d’envergure ».

Il a ensuite détaillé devant le Parlement ces mesures qui s’appliquent à trois milliardaires considérés comme étant proches du président russe : Guennadi Timtchenko, déjà sanctionné par les États-Unis, Boris Rotenberg, dont le frère Arkadi est déjà sanctionné, et son neveu Igor Rotenberg.

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Le magnat russe Guennadi Timtchenko (à gauche) lors d’une réunion du président russe Vladimir Poutine avec des membres du conseil présidentiel pour la culture physique et les sports dans la ville de de Krasnodar, le 23 mai 2017. Le milliardaire Boris Rotenberg, lors d’une conférence de presse à Novogorsk, près de Moscou, le 11 avril 2014.

Leurs actifs au Royaume-Uni seront gelés et ils ne pourront plus se rendre sur le territoire britannique.

Parmi les cinq banques concernées figurent notamment Rossiïa et Promsviazbank.

« Il ne s’agit que d’une première série de sanctions économiques britanniques contre la Russie car je crains qu’il ne faille s’attendre à davantage d’attitude irrationnelle de la part de la Russie », a déclaré M. Johnson, prédisant « une longue crise ».

Les relations entre Moscou et le Royaume-Uni sont tendues depuis des années. Elles n’ont cessé de se détériorer depuis la mort de l’ex-agent russe Alexandre Litvinenko, empoisonné au polonium en 2006 à Londres, se dégradant encore avec l’empoisonnement de l’ex-agent russe Sergueï Skripal en 2018 en Angleterre.

Paradis fiscaux britanniques

Dans le même temps, les autorités britanniques se sont vu reprocher leur inaction depuis des années face aux flux d’argent russe, soupçonné de parfois provenir de la corruption, d’activités criminelles et d’être utilisé à des fins d’influence.

Des oligarques russes disposent d’importants avoirs et propriétés dans les quartiers huppés de la capitale britannique, parfois surnommée « Londongrad ».

L’ONG Transparency International estime à 1,5 milliard de livres (2,6 milliards de dollars canadiens) la valeur des biens immobiliers détenus au Royaume-Uni par des Russes accusés de corruption ou liés au Kremlin, dont les deux tiers dans des paradis fiscaux dépendant de la Couronne britannique, comme les Iles Vierges Britanniques et l’Ile de Man.

Cela fait craindre que des sanctions ne soient moins efficaces, les entités visées ayant pu mettre leur argent à l’abri grâce au laisser-aller britannique dans des paradis fiscaux ou des propriétés britanniques via des intermédiaires.

Sous pression, le gouvernement a annoncé la semaine dernière l’arrêt immédiat de la délivrance des « visas en or » réservés aux riches investisseurs, utilisés en premier lieu selon la presse britannique par des hommes d’affaires russes et chinois.

« N’ayez pas de doutes sur le fait que si des entreprises russes sont empêchées de lever du capital sur les marchés financiers britanniques […] cela va commencer à faire mal », a assuré mardi Boris Johnson.