(Bruxelles) La Pologne a été contrainte de s’expliquer mardi devant les ministres des Affaires européennes sur le conflit qui l’oppose à Bruxelles concernant l’indépendance des juges et le non-respect des décisions de la justice européenne.

Cette audition du ministre polonais des Affaires européennes Konrad Szymanski s’est tenue alors que le président Andrzej Duda a annoncé un projet de loi visant à supprimer la chambre disciplinaire de la Cour suprême, une instance accusée par Bruxelles de saper l’indépendance des juges.

Des millions en pénalités

La Pologne a été condamnée à des pénalités financières journalières pour avoir ignoré un ordre en juillet de la Cour de justice de l’UE de faire cesser les activités de cette chambre disciplinaire. Ces astreintes s’élèvent désormais à 111 millions d’euros, dont la Commission européenne réclame le paiement à Varsovie, a précisé le commissaire à la Justice, Didier Reynders.

Varsovie a aussi été sanctionnée financièrement pour ne pas avoir respecté une décision de la CJUE sur la fermeture d’une mine de charbon, et la Commission va déduire quelque 30 millions d’euros de pénalités sur les fonds européens destinés à la Pologne.   

Le ministre polonais a été interrogé par ses pairs dans le cadre d’une procédure de sanctions (« Article 7 »), qui peut aboutir à priver un État de son droit de vote au Conseil en cas de violation des valeurs de l’UE, engagée en 2017, mais qui piétine. Il s’agit de la cinquième audition de ce type.  

La même procédure vise la Hongrie, et la présidence française du Conseil de l’UE a prévu d’organiser une audition pour Budapest en mai, après les élections législatives qui se tiennent en avril dans ce pays.

« Graves préoccupations »

La vice-présidente de la Commission Véra Jourova, avec Didier Reynders, a exposé pendant cette audition l’évaluation par l’exécutif européen de la situation en Pologne, indiquant que « dans l’ensemble » de « graves préoccupations » persistaient.

« Aujourd’hui nous avons informé le Conseil des développements dans trois domaines : le Tribunal constitutionnel, le Conseil national de la magistrature, ainsi que la chambre disciplinaire et le régime disciplinaire » des juges, a-t-elle indiqué. Ces instances sont accusées de ne pas être suffisamment indépendantes du pouvoir politique.

Elle a qualifié d’« étape positive » les propositions de réforme en Pologne sur le régime disciplinaire. Mais « ce qui comptera sera la portée et le contenu de la législation qui sera adoptée par le Parlement », a-t-elle souligné.

La suppression de la chambre disciplinaire est une condition posée par la Commission pour la validation du plan de relance post-COVID-19 polonais, actuellement bloqué tout comme celui de la Hongrie.  

Ces deux États sont par ailleurs menacés par un mécanisme, validé la semaine dernière par la CJUE, qui permet de priver de fonds européens des pays où sont constatées des violations de l’État de droit affectant le budget de l’UE.